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VÉRITABLE SAINT GeNEst (le) de Jean Rotrou (résumé et analyse de l'oeuvre)

Publié le 27/10/2018

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VÉRITABLE SAINT GeNEst (le). Tragédie en cinq actes et en vers de Jean Rotrou (1609-1650), créée à Paris au théâtre de l'hôtel de Bourgogne en 1646 (ou 1645), et publiée à Paris chez Quinet en 1647.

Avec cette pièce, l'une de ses dernières, Rotrou cherche à concurrencer l'Illustre Comédien ou le Martyre de saint Genest de Desfontaines (peut-être créé en 1644 par l'Illustre-Théâtre, publié en 1645) et suit les traces de Potyeucte, en écrivant la seule tragédie du xviie siècle (avec celle de Desfontaines) qui joue du théâtre dans le théâtre. Il amalgame plusieurs faits historiques (fin du IIIe-début du ive siècle) et s'inspire d'une œuvre de Lope de Vega (lo Fingido verdadero [le Feint véritable], publiée en 1621) pour sa pièce cadre, du Sanctus Adrianus (publiée en 1630) d'un jésuite, le père Cellot, pour sa pièce enchâssée. Plus qu'une simple défense du théâtre, cette œuvre baroque de caractère apologétique lie intimement théâtre, religion et politique, et entraîne le spectateur dans le vertige de l'illusion, source de vérité.

L'action se déroule à Nicomédie, en Asie Mineure, au temps de la tétrarchie de l'Empire romain. À la suite d'un songe, Valérie, fille de l'empereur Dioclétian, craint qu'on ne l'oblige à épouser un homme indigne d'elle. Elle se réjouit bientôt : son père la donne à Maximin, l'un des co empereurs. Genest. acteur et directeur de troupe, propose de délasser les souverains par son art ; Valérie obtient qu'il représente la mort d'Adrian, ancien persécuteur des chrétiens qui, s'étant converti, a été récemment exécuté sur ordre de Maximin (Acte 1).

Après un dialogue avec le décorateur, Genest répète son rôle, d'abord seul puis avec Marcelle (qui jouera Natalie, la femme d'Adrian). De nou veau seul, il se sent devenir Adrian malgré lui, entend une voix céleste ; tenté de s'abandonner

« à Dieu, il résiste encore.

Les spectateurs s'instal­ le nt, la pièce commenc e : Adrian dit sa joie du ma rtyre proche, s'oppose à l'e nvoyé de l'empe­ reur, puis est arrêté.

Chacun applaudit Gen est ; on félici tera les acteurs pendant l'entracte (Acte 11).

La pièce reprend.

Face à Maximin [personna ge de la pièce enchâssée], Adrian reste insensible aux tortur es annonc ées.

Il découvre que sa fe mme est elle même chrétienne .

Mais le specta­ cle est interrom pu par le bruit des courtisans qui, en coulis ses, se pressen t auto ur des actrices (Acte Ill).

Grâce à l'in tervention de Diocléti an, le specta­ cle peut conti nuer.

Marchant à la mort, Adrian demande à être baptisé : c'est alors que Genest annonce qu'il est lui-même devenu chr étien.

Des flam mes traversent le « ciel ».

Il est arrêté (Acte IV).

Marce lle, exposant les difficul tés auxquelle s la tr oupe va se trouver confrontée, l'incite en vain à se rétracter.

Valérie et les acteurs plaident pour lui ; Dioclé tian accepte de lui pardonner s'il abjure le christianisme.

Mais on annonce la mort du comédien : ni les prières, ni les tortu res n'on t en tam é sa séréni té (Acte V).

jouant du songe, fréquent dans la tragédie de l'époque, Rotrou ouvre sa pièce par un tromp e-l'œil : on croit d'a bord que Valérie sera l'héroïne tra­ gique d'une pièce matrim oniale.

Dès la seconde scène et le dénouement heu­ reux qu'elle apporte à cette «tragédie avortée >>, on est pris dans la vrille du retournement et de l'ambiguïté ; du ma riage avec Maximin, il ne sera plus question qu'à la fin de l'acte V: l'intri­ gue matrim oniale encadre la pièce et l'éc laire .

Pour Valérie, le songe paraît mensonge : Ma ximin n'est pas in­ digne d'elle.

Mais le songe est vérité, car Dioclétian (lui-même d'obscure extraction) a gommé sa modeste nais­ sa nce, et fait de Maximin, un ancien berger, son égal : les princes s'inven­ tent eux-mêmes, comme ces faux dieux dont, dans une perspective chré­ tienne, ils se disent les lieutenants .

Ils goûtent le théâtre, aiment succomber à l'i llusion, et Valérie insiste pour que Ge nest interprète Adrian: c' est dans ce rôle qu'il « feint >> de la manière la plus accomplie.

Maximin aura plaisir à se voir représenté par un acteur : micro­ cosme, cette micro -société impure (et obsédée, jusque dans son sommeil, par son impur eté), ce monde où l'appa­ rence est loi, se plaît à se contempler dans le miroir du théât re.

Et les specta­ teurs princiers deviendront malgré eux les acteurs d'une autre pièce sur le grand théâtre du monde.

Dès lors, tout n'est plus que répéti­ tion et duplication (on a deux empe­ reurs ; on aura Genest et Adrian, Maxi­ min et l'ac teur qui le joue, Marcelle et Natalie ...

), dans un jeu constant de reprises et de variat ions.

C'est d'abord la répétition, au sens théâtral du terme .

Rotrou nous fait pénétrer dans les cou­ lisses (Genest discute avec le déco­ rateur, organise la repré sentati on), mén age à deux reprises une rupture entre les actes (retour à la pièce cadre) pour théâtraliser l'entracte : il mo ntre comment se fabrique l'illusion (le dé­ cora teur souligne que le décor est pensé en fonction d'un point de vue) et veille à empêcher les spectateurs que no us sommes de s'y abandonner tota­ lement.

Genest, lui, sait que le jeu de l' acteur peut devenir aliénation.

Il se rappelle à lui-même qu'« il s'a git d'imi­ ter, et non de devenir >>.

Mais, en revoyant son rôle, il semble se vider de lui-même pour s'imprégner du person­ nage, répète des vers par lesquels Adrian s'exhorte au martyre, comme si, les sentant agir sur lui, il ne parve­ nait plus à s'en défaire.

Alors s'ouvre en lui une lutte entre le Christ et les dieux, qui s'accom plira dans le cours de la représentation : l'illusion, la pa role de l'autre, ce personn age qu'il incarne, le cond uira à la vérité ; la conversion s'accomplit par le théâtre ­ et par la grâce, comme le confirme la voix surnaturelle que nous entendons comme lui.

Le travail de conversion est. »

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