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DIEN BIEN PHU (bataille de)

Publié le 05/03/2012

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Depuis 1952, l'objectif français en Indochine est l'amélioration de la carte de guerre en vue de la future négociation et la mise sur pied de l'armée et de l'État associé du Vietnam. Le plan dressé en mai-juin 1953 par le général Navarre, commandant en chef, vise à reprendre l'offensive au Tonkin en 1953-1954 afin, dans un premier temps, d'y affaiblir le corps de bataille de l'Armée populaire de libération (APL) et de l'empêcher de prendre à revers le CEFEO (Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient) par la conquête du Laos, puis, dans un deuxième temps, d'élargir la zone tenue par les Français au Centre-Vietnam et, dans un troisième temps, de lancer une ultime offensive au Tonkin. Le CEFEO installe donc, en novembre 1953, un « hérisson «, un camp retranché puissamment armé et ravitaillé par avion, dans la cuvette de Dien Bien Phu, point de départ des pistes vers le Laos : 15 000 hommes et 25 canons lourds. C'est compter sans la rudimentaire mais efficace logistique de l'APL qui se révèle capable d'amener à pied d'oeuvre à travers la jungle deux divisions d'élite ainsi qu'une artillerie très supérieure à celle des Français, ce qui fonde la décision du chef militaire Vo Nguyen Giap et de ses conseillers chinois, en décembre, d'accepter la bataille. Celle-ci commence le 13 mars, le 15 l'aérodrome est neutralisé. Le 7 mai, le camp est submergé par les vagues d'assaut vietnamiennes, alors que s'ouvre la négociation qui aboutira aux accords de Genève : les Français décomptent 5 000 tués et 10 000 prisonniers. Éclatante quoique militairement moins décisive que celle de Cao Bang en 1950 (l'APL a, en outre, perdu au moins 25 000 hommes), la victoire vietnamienne dans la bataille de Dien Bien Phu (20 novembre 1953-7 mai 1954) aura un retentissement politique immense. Elle sera perçue comme la revanche historique des peuples colonisés sur les impérialismes européens. Autant que la conférence de Bandung un an après, le coup de tonnerre de Dien Bien Phu fut bien l'avènement du tiers monde comme acteur majeur de l'histoire mondiale. C'est en y pensant qu'Ernesto Che Guevara préconisera quelques années plus tard de créer « Un, deux, trois Vietnam… «. Daniel HÉMERY

« • L'idée maîtresse de Giap cons iste en effet à mettre sous abri chacune des pièces d'artiller ie afin de compliquer au maximum les tirs de contre-batter ie de l'adversaire .

Par ailleurs , Giap fait disséminer une centaine de canons factices pour détourner les tirs de riposte .

• Dès le mois de février, tout indique que le Viêt-minh est bien décidé à engager la bataille pour Diên Biên Phu avec de gros moyens et que le camp retranché, choisi comme «hérisson » (défense d 'un point isolé face à toutes les directions ), est menac é.

Si le problème initial des França i s était d 'attirer l'adversaire en nombre suffisant sur le piège tendu pour que la riposte pOt l'atteindre de plein loue~ personne n'avait prévu qu'il viendrait en quantité et forces telles que c'est lui qui frapperait au cœur .

·C'est donc dans un contexte jugé préoccupant que René Pleven , le ministre de la Défense , part en février pour l 'Indochine où il procède à une inspection de Diên Biên Phu.

Sur place , on se veut rassuran~ à l ' image du colonel de C11stries en charge du commandement qui attend l'ennemi avec la certitude de le briser .

Une confiance qui tranche assurément avec le rapport du général Blanc : lors d'un comité de défense tenu à Hanoi le 10 février, le chef d'état -major de l'armée de Terre préconise non seulement l'évacuation de Diên Biên Phu, mai s aussi de toute l'Indochine du Nord , jusqu'au 18' parallèle .

LES .....

ASSAIII'S LES SIGNES AVANT·COUIEUI DE LA DtFAITE • Le 12 mars, le général Navarre d éclare à la radio de Hanoi : "La marée offensive viêt-minh est étale ».

Le lendemain , à 17 heures , Giap lance une violente offensive .

En quelques heures les positions avancées du camp retranché -notamment les fortin s Gabrielle et Béatrice -sont écrasées sous un terrible feu d 'artillerie .

Les soldats sont pris sous un véritable déluge d 'obus au point que le colonel Piroth , chef artilleur , qui avait déclaré que jamais les canons de Giap ne pourraient être opérationnels -et donc refusé en janvier les offres de renforcement de sa dotation en bouches à feu -, se suicide dans sa casemate.

L'infanterie ennemie entre en action .

Les volontaires de la mo~ portant des charges explosives , ouvrent des brèches dans les barbelés .

Les légloiiHires de Béatrice fauchent les silhouettes surgissant dans la pénombre, mais les vagues d 'assaillants se reconstituent comme les vagues de la mer.

A 23h15 , la résistance de Béatr ice cesse .

Quelques légionnaires s'échappen~ tous les autres sont morts ou prisonniers .

Cette ignorance de l'état de préparation et d'armement du Viêt­ minh -qui bénéficie alors de la double assistance de Moscou (véhicules ) et de Pékin (armes et instructeurs) - est le fruit d'une terrible carence des services de renseignements .

• Maitre des plus fortes position s françaises, Giap tient désormais sous ses feux croisés la piste d'atterrissage qui est en quelque sorte le «poumon» de Diên Biên Phu.

De plus, tout l'avantage escompté de l'intervention de l'aviat ion est anéanti par les fortes pluies qui commencent à tomber .

Part i pour livrer une bataille avec l'exclusivité du transport aérien qui devait lui assurer la supériorité de la manœuvre , le génér a l Navarre se retrouve à la fois privé de cet atout et confronté à une écrasante supériorité de moyens chez l'adversaire .

De son côté, Giap sait que le temps joue en sa faveur .

L'assaut sur Gabrielle et Aussi décide-t -il d 'étouffer le camp retranché par un réseau de sapes conduisant les fantassins jusqu 'à portée de grenade des ouvrages ennemis .

Tout un régiment de DCA chinois s 'échelonne sur les pentes pour faire du ciel de Diên Biên Phu un véritable enfer .

Par ailleurs, la piste aérienne se trouve désormais hors d 'état de jouer le rôle qu'on attend d 'elle.

On essaie de l'utiliser le jour pour l'évacuation des bles sés, mais les avions à croix rouge sont canonnés comme les autres .

Giap sait qu'il affaiblit le camp retranch é moralement en laissant s'y accumuler les blessés.

Quant au ravitaillement et au renforcement des assiégé s - rendu plus que nécessaire en raison des désertions qui affectent les unités coloniales de l'armée de l'Union -.

c ' est uniquement des parachutages qu'ils dépendent désormais .

Le 28 mars , un Dakota chargé de blessés convoyés par l'Infirmière Ge.evlève de G11111rd est endommagé avant de pouvoir s'envoler .

Plus aucun avion ne se posera dès lors sur la piste .

LE REFUS DES ÉTATS·UNIS • Dès le 15 mars , les responsables politiques et militaires français ont entrevu le caractère inéluctable de la défaite.

Ils savent donc qu'à défaut d'une intervention extérieure ou de la conclusion très rapide d'un armistice, la garn ison de Diên Biê n Phu -et, au-delà , la guerre -est perdue .

Le 16 mars, à l'Issue d'un conseil des ministres réuni d'urgence , il est décidé d 'envoyer à Washington le général Ely, le chef d'état-major .

Ce dernier doit informer les dirigeants américains que le sort des troupes françaises est compromis alors m ême qu'approche la conférence de Genève sur le règlement des conflits en Corée et en Indochine , qui doit s'ouvrir en avril.

Dans un premier temps , Washington , par la voix du chef d'état-major des armées , l ' amiral Arthur Radford, se déclare disposé à engager d'Importants moyens aériens pour pilonner les positions du Viêt-minh autour de la cuvette .

Un nom de code est même avancé : «opération Vautour ».

L'enthousiasme qui règne à Paris retombe brutalement le 3 avril .

Le secrétaire d 'État américain Foster Dulles informe le gouvernement français que rien ne peut être envisagé en dehors d'une «coalit ion internationale à laquelle participerait le Commonwealth» .

• Alors que les Fran ç a is sondent les États-Unis , à D i ên Biên Phu les soldats du Viêt-minh progressent de boyau en boyau.

Sur le terrain, le sort de la garnison ne cesse de s'aggraver.

Le 21 avril, le général Navarre signifie que, faute d'une intervention extérieure , il sera impossible de rétablir la situation .

Le 24 avril , alors que Foster Dulles est à Paris, le ministre des Affaires étran gère frança is, Georges Bidault insiste sur le caractère désespéré de la situation :faute d 'opération Vautour , avec Diên Biên Phu c'est aussi l ' ensemble des positions de l'Occident en Indochine qui sont définitivement compromises .

C'est un nouveau refus de Dulles .

Le président du Conseil, Joseph Laniel, adresse un dern ier appel au secours à ses alliés sous la form e d ' un mémorandum : il explique en substance que la concentration de forces viët-minh autour du camp est telle qu'elle repré sente une occasion unique d'Infliger aux communistes- compte tenu de la présence de nombreux experts chinois -une défaite exemplaire .

L'argument est reçu avec intérêt par le président américain Eisenhower .

Vers la fin du mois d'avril , les États-Unis évoquent la possibilité d 'employer contre les assiégeants de Diên Biên Phû des «œufs de Pâques » (des armes atomiques tactiques selon la désignation de mise dans les discussions franco -américaines) .

Pour autan~ rien selon Washington ne peut être tenté sans l'accord de Londres.

La diplomatie f rançaise va échouer à convaincre le Premier ministre britannique Winston Churchill.

• Au début du mois de mai, le camp retranché se trouve rédu it à un espace étroit de 1 km sur 800 m.

Aussi, les parachutages françai s deviennent de plus en plus délicats .

Plus tard, le général Giap dira à ce sujet : «Je recevais dans mon QG des boites de conserve et des journau x envoyés à de Castries.

» LA FIN DE DIÊN BIÊN PHU «ALIMENTER LA MOaT » • La nuit du 1 " au 2 mai marque le début de l'offensive finale .

;-\, Les combattants de Giap reviennent à la tactique des vagues humaines et des volontaires de la mort Les positions françaises tombent les unes après les autres.

Deux compagnies du 1 " BCP sont fHII'fiChuths par petits paquets dans la nuit du 4 au 5 mai.

Le soir du 6 mai, la dernière compagnie s 'embarque dans cinq Dakota .

Mais, lorsqu'elle parvient au-dessus de Diên Biên Phu, ordre lui est donné de retourner à Hanoi .

Les défenseurs ont compris qu'alimenter la bataille ne signifie plus qu'alimenter la mort ou la captivité.

·Le 6 mai à 18 heures , par vagues successives , les hommes de Giap attaquent les points d 'appui de la colline Éliane .

A 4 h lO,Ie 7 mai, ils font sauter une tonne d'explosif dans une sape creusée pendant des semaines sous la colline .

Les survivants de Diên Biên Phu n 'ont plus la force de poursuivre le combat lis brisent leurs armes , sabotent les moteurs de leurs derniers chars .

l'artillerie ennemie se tait Au silence qui s'installe succède le claquement des semelles des combattants du Viêt-minh qui investissent le camp retranché.

• A 17 heures, toute résistance a cessé .

C'est l'heure à laquelle le commandant de la division 212 appelle le général Giap pour l'informer que l'état-major français vient d 'être fait prisonnier .

Giap s'Inquiète de savoir si de Castries est du nombre .

Trois minutes plus tard , le commandant de la 212 l'informe : «J'ai vérifié son identité.

De Castries est devant moi avec son béret et sa canne .» Bientôt une longue colonne de prisœlrJers prend le chemin des camps d'Internement du Viêt-minh.

Les survivants rentreront en septembre 1954 .

LA CONftRENCE DE GENM • Le 7 mai, alors que D iên Biên Phu tire ses dernières cartouches , à Saigon , le général Navarre s'adresse à la presse.

Il soutient que la perte de Diên Biên Phu, grave échec tactique , comporte une contrepartie stratégique justifiant le sacrifice de la garnison : «Les combattants de Diên Biên Phu n'ont pas seulement sauvé l'honneur.

Ils ont préservé le Laos de l'invasion , détourné du delta les forces mobiles ennem ies, empêché le Viêt-minh de remporter sur un point plus décis if que Diên Biên Phu le succès spectaculaire dont il avait besoin à Genève .» • Mais les vues sereines du général Navarre sont contredites par la réalité .

La France s e trouve devant un dilemme : ou bien s'engager à fond en envoyant les soldats du contingent en Indochine ou bien accepter l'amère défaite.

·Le 8 mai, l'Indochine est à l'ordre du jour de la conférence de Genève .

A Paris, des craquements se multiplient autour du gouvernement français .

Des colons sont massacrés en Tunisie , des émeutes éclatent au Maroc.

Et les soldats nord-afr icains qui s'embarquent pour l'Indochine sont rien moins qu'enthousiastes .

Alors que la conférence piétine depuis un mois , le gouvernement Laniel est mis en minorité et doit démissionner le 12 juin.

• Appelé pour succéder à Laniel , Pierre Mendès France est invest i par l'Assemblée nationale le 17 juin.

Il lui appartient de mener les négociations dans le cadre de la collférHCe de Gellève non sans avoir proclamé sa décision d 'aboutir en un mois faute de quoi des renforts substantiels seraient envoyés en Indochine.

Des pressions soviétiques et chinoises sur la délégation du Viêt-minh permettent la signature de l'accord du 20 juillet 1954 qui aboutit à un cessez-le-feu et au partage du Viêt-nam à la hauteur du 17' parallèle, avec regroupement respectif des forces du Viêt-minh au Nord et franco ­ vietnamiennes au Sud.

En vue d'une réunification, des élections libres -qui ne verront en réalité jamais le jour­ doivent se tenir avant juillet 1956 .

• Commencée le 19 décembre 1946 par l'attaque contre l'ensemble des postes français, en particulier à Hanoi , la guerre d'Indochine avait coûté à l 'armée française 75 867 soldats .

LA GUE- D'INDOCHINE WE PAil GIAP D 116 CHIIIINH • Le général Giâp a rendu hommage aux généraux Navarre et de Castries dont.

souligne-t-Il, on a dit trop de mal : 1 C'était des officiers de valeur , Navarre avait fait une élude approfondie de la situation.

De Castries.

ferme dans ses décisions , nous avait causé des pertes importantes dans la campagne de nettoyage qu'd avait lancée dans le delta du Tonkin.

Mais ils étaient l'un comme l'autre au service d'une cause dont ils n 'étaient pas responsables.

• • Pour sa part, H6 Chi Minh a comparé la lutte du Vlêt-minh contre l'occupant à un combat entre un tigre et un éléphant : 1 Si le tigre ne bouge pas.

l'éléphant va le transpercer de ses puissantes défenses_ Mais le tigre se déplace sans cesse, tapi le jour , il attaque la nuit, arrache par lambeaux le dos de l'éléphant, puis disparall.

attaque de IIOIM!aU jusqu'au jour ou l'éléphant meurt d 'épuisement et d'hémorragie .

1 Diên Biên Phu aura été le tombeau de l'éléphant.. »

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