HISTOIRE DE LA MONNAIE : Les jetons

Le jeton est, à l'origine, un pion servant à compter. Avant l'emploi de nos quatre opérations, et notamment de l'addition et de la multiplication, dont l'usage, introduit en Europe occidentale à la fin du mue siècle, ne se répandit que lentement, on comptait en déplaçant sur une abaque — sorte de plaquette divisée en colonnes ou ayant l'aspect d'un échiquier — des rondelles de métal dont la valeur changeait suivant la colonne qu'elles occupaient. Le principe était le même que celui du boulier chinois. Ces rondelles étaient appelées jetons parce qu'on les jetait sur l'abaque (longtemps, en ancien et moyen français, jeter a été synonyme de compter). Le compte avec des jetons est simple et peut être employé par un illettré. Prenons pour exemple l'addition de deux sommes d'argent : 14 livres 11 sous 8 deniers ajoutées à 3 livres 10 sous 5 deniers. On place d'abord 8 jetons dans la colonne des deniers, 11 dans celle des sous, 4 dans celle des livres et 1 dans celle des dizaines de livres. Puis on place en dessous 5 jetons dans la colonne des deniers, 10 dans celle des sous et 3 dans celle des livres. On constate alors qu'il y a 13 jetons dans la colonne des deniers ; comme 12 deniers font 1 sou, on enlève 12 jetons de cette colonne et l'on en place un dans celle des sous. Il ne reste plus que 13 —12 = 1 jeton dans la colonne des deniers. Dans celle des sous, il y a 11 + 10 + 1 = 22 jetons. Comme 20 sous font 1 livre, on enlève 20 jetons de cette colonne et l'on en place un dans celle des livres ; il ne reste que 22 — 20 = 2 jetons dans celle des sous. Dans la colonne des livres il y a 4 + 3 + 1 = 8 jetons ; dans celle des dizaines de livres, 1 jeton. Le total de notre addition est donc 18 livres 2 sous 1 denier.