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LA CRISE DES PARTIS SOCIALISTES de 1990 à 1994 : Histoire

Publié le 15/01/2019

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histoire

LA CRISE DES

PARTIS SOCIALISTES

En consacrant la défaite du socialisme dans sa version marxiste-léniniste, la chute du communisme dans les pays d’Europe de l’Est, survenue entre 1989 et 1991, semble marquer le triomphe des partisans de la voie réformiste, fondée à la fois sur le libéralisme politique et sur l’économie mixte. Pourtant, la victoire idéologique du socialisme démocratique (travaillisme dans les pays anglo-saxons, social-démocratie dans les pays germaniques et Scandinaves, socialisme en Europe du Sud) s’avère de courte durée. Les Partis socialistes perdent ainsi le pouvoir en Nouvelle-Zélande et en Grèce (1990), en Finlande et en Suède (1991), puis en France (1993), enregistrent de sérieux revers en Grande-Bretagne (1992), en Allemagne (1990 et 1994) et en Italie (1994). ou bien subissent une forte érosion électorale, en particulier en Norvège, en Australie et en Autriche. Même si certains, à la faveur de circonstances locales, notamment en Suède et en Grèce, parviennent à revenir à la tête du pays, ce mouvement général de recul, dû en grande partie à l’échec de leur politique face à la récession, d’une part, et à la recomposition de leur électorat, d’autre part, traduit une crise profonde de leur projet comme de leur identité, au point que la question même de l’avenir du socialisme se trouve aujourd’hui posée.

 

De la gestion de la prospérité à la

 

GESTION DE LA CRISE

 

Au-delà de leurs différences d'ordre théorique (abandon des références marxistes ou explicitement anticapitalistes dans les pays d'Europe du Nord, maintien de telles références dans ceux d’Éurope du Sud), les Partis socialistes, qui ont accédé au pouvoir au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, exprimaient une même volonté d'instaurer un modèle de gestion qui repose notamment sur

 

la mise en place d’une économie mixte et sur le renforcement du rôle de l’État, seul garant des intérêts de la société face aux intérêts privés.

 

Cependant, la récession économique mondiale, apparue à partir de 1973, a provoqué une crise profonde d’un modèle qui s’était développé durant la période de croissance et de prospérité des Trente Glorieuses. Pour y répondre, les socialistes ont eu recours, dans un premier temps, aux mesures qui leur avaient permis d’assurer une grande stabilité économique depuis 1945. Mais l’ampleur de la récession et l’accélération de la mondialisation des grands circuits économiques et financiers ont rendu ces solutions inefficaces, ainsi que le montre l'échec des tentatives de relance de l’activité sur des bases keynésiennes en France (1981-1982) et en Grèce (1982-1984). Face à un tel échec, les socialistes ont alors effectué une véritable mise à jour doctrinale, particulièrement évidente en France, marquée par une conversion à la fois théorique et pratique aux valeurs néolibérales. Dès lors, les gouvernements socialistes se sont engagés dans la voie de la rigueur, privilégiant la lutte contre l'inflation, la défense de la monnaie et la relance par l’investissement plutôt que par la consommation. Afin de freiner l’accroissement des dépenses publiques, ils ont dû également remettre en cause le système de protection sociale (réduction des prestations et des allocations, notamment aux Pays-Bas, en Islande et au Danemark). Et ce revirement s’est accompagné d'un certain désengagement de l’État. Ainsi, à partir de 1984-1985. les travaillistes australiens et néozélandais imposèrent un vaste plan d’austérité ; des subventions ont été supprimées et les services publics, déréglementés.

 

L’État providence, qui constituait l'un des piliers du mode de gestion socialiste, a ainsi été progressivement démantelé et les politiques économiques volontaristes ont été abandonnées. En France, renforcé en 1981-1982 grâce aux nationalisations et considéré comme l'instrument essentiel de l’interventionnisme de l’État, le secteur public devait servir à réguler les variations cycliques inhérentes à l’économie capitaliste. Au lendemain de la conversion des socialistes au néolibéralisme et de l’établissement d’une sorte de statu quo (ni nationalisations ni privatisations), le secteur public est désormais soumis aux lois du marché, géré comme une entreprise, le gouvernement cherchant, en quelque sorte, à en faire la vitrine du capitalisme à la française.

 

Toutefois, le ralliement aux valeurs libérales s’avère lourd de conséquences pour les socialistes. En choisissant, pour sortir de la

histoire

« LA CRISE DES PARTIS SOCIALISTES.

Trublion de la vie politique fra��ÇJise, Bernard Tapie réussit à conc urrencer le Parti socialiste s11r son propre terrain.

Sa liste Énergie radicale obtient plus de 12 % des voix aux élections europée 1111es de /994, mais l'émergence de ce populisme de gauche est largement dépendant de la personnalilé de son héraut.

© A.

Cordesse • Editing LA CRISE DES PARTIS SOCIALISTES.

En Italie, l'enquête • Mains propres • révi le de vastes réseaux de corruption et n'épargne pas le Parti socialiste.

Ci-dessus: une manifestation contre Bettino Crax� dirigeant du PSI et ancien Premier ministre, mis en examen puis condamné à plusieurs années de détention.

© Anticoli • Micoui · Nu • Gamma crise, de jouer principalement sur les mécanismes de l'économie de marché (désinflation compétitive, libéralisation des mouvements de capitaux, etc.), ils ont non seulement renoncé à leur ancien modèle de gestion, mais ils ont concouru également à sa déstructuration.

Dès lors, austérité et déréglementation apparaisse nt comme les signes d'un abandon des principes d'égalité et de solidarité sociales qui ont fondé l'alternative social-démocrate, abandon dont témoigne, aux yeux de l'opinion publique, la multiplication des affaires politico· financières touchant de nombreux Partis socialistes (France, Italie, Grèce, Belgique, Allemagne).

Certes, ces dernières ne sont pas propres aux socialistes, mais elles revêtent une importance psycho· logique particulière, apparaissant comme le symbole, en négatif, de leur conversion à l'économie de marché.

Or l'abandon de certaines valeurs et l'absence d'une stratégie économique clairement différen­ ciée de celle des partis de droite affaiblissent singulièrement les socia­ listes, par ailleurs confrontés à une profonde recomposition de leur électorat.

LA RECOMPOSITION DE L'ÉLECTORAT SOCIALISTE La plupart des Partis socialistes, notamment ceux de tradi· tion travailliste et social-démocrate, reposaient en fait sur une ambi· valence fondamentale.

Organisations de masse, ils s'appuyaient avant tout sur la classe ouvrière.

Mais, pour des raisons d'efficacité éleclo· raie, ils tendaient aussi à s'ouvrir aux classes moyennes, surtout aux employés.

Or la crise économique a entrainé, depuis 1973, une désin· dustrialisation qui a précipité le déclin de la classe ouvrière, contri· buant ainsi à la réduction de l'espace électoral des Partis socialistes, à l'affaiblissement de leurs principaux alliés, les syndicats, et à la crise du militantisme.

Par ailleurs, leur nouvelle ligne économique néolibé· raie, la forte montée du chômage et de l'exclusion qui a accompagné leur politique d'austérité, ainsi que la remise en cause du système de protection sociale, ont d'autant plus réduit leur base ouvrière.

Cette tendance est particulièrement sensible en Autriche, au Danemark et en Suède.

De plus, autrefois clef de vofite de leur modèle, le compro· mis instauré par les sociaux-démocrates entre les syndicats et le patronat, qui visait à l'instauration d'un véritable pacte social, a pro· gressivement été utilisé par les gouvernements socialistes pour faire accepter leurs mesures de modernisation par la classe ouvrière.

Une LA CRISE DES PARTIS SOCIALISTES .

Dans certains pays, les écologistes constituent une réelle force politique.

En Allemagne, ils font partit intégramt de la vit parlementaire, obtenant des postes dt responsabilité dans plusieurs Liindtr tl villes.

Ci-contre: une manifestation des Verts allemands en faveur de la paix, en 1990.

© R.

Boss 11 · Sygma telle politique a, dès lors, entraîné soit une accélération de la désaf­ fection syndicale, soit une rupture entre le pouvoir socialiste el les syndicats, comme en Espagne, où l'UGT, pourtant proche du Parti socialiste espagnol {PSOE), s'est opposée à partir de 1988 au gouver­ nement de Felipe Gonzâlez.

Cet affaiblissement de la représentation de la classe ouvrière tend ainsi à atténuer la cohésion sociale des formations socialistes et s'effectue principalement au bénéfice des classes moyennes.

Ce phénomène est plus accusé pour les partis qui, tel, par exemple, le PS français, sont contraints de disputer à la droite un même électorat.

En se transformant en formations interclassistes visant à regrouper tous les salariés, ils courent en effet Je risque de voir leur identité se brouiller.

Dans le cas des partis sociaux-démo· crates ou travaillistes, dont le soutien ouvrier demeure malgré tout important, une distorsion croissante se fait jour entre la base syndica· liste et populaire et les cadres du parti issus majoritairement des couches sociales privilégiées et éduquées.

, Mais, en remettant en question l'Etat providence, les socia· listes ont également perdu le soutien d'une partie des salariés du secteur public, frange des classes moyennes qui leur était tradition­ nellement acquise.

En tout état de cause, à l'inverse des ouvriers, les classes moyennes ne représentent pas un ensemble homogène qui puisse se reconnaître dans un seul parti et elles ne sauraient consti· tuer une base électorale solide pour les socialistes.

Ainsi, l'ampleur de la défaite du Parti socialiste français aux élections législatives de mars 1993 s'explique non seulement par son ralliement aux thèses néolibérales, mais aussi par l'extrême volatilité électorale des classes moyennes.

Enfin, les Partis socialistes doivent faire face à l'émer· gence de nouvelles forces politiques.

Tl s'agit, notamment, de partis, d'inspiration communiste ou non, qui récupèrent à leur profit la fonc· tion de contestation que les socialistes au pouvoir ont dfi abandonner (cas des socialistes populaires au Danemark), ou de formations sus­ ceptibles d'attirer des franges importantes des classes moyennes, tels les écologistes.

Ainsi, la force des Verts en Australie ou en Alle­ magne a contribué à affaiblir les Partis socialistes et les a contraints à intégrer dans leur programme des thèmes nouveaux qui peuvent pourtant entrer en contradiction avec d'autres aspirations de leur électorat.

Ainsi, la difficulté pour le SPD allemand de parvenir à défi­ nir une stratégie politique et économique clairement identifiable pour les électeurs, et donc de remporter les élections, a pour origine la superposition de discours différents, voire opposés, destinés à salis· faire des groupes sociaux très diversifiés.. »

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