Devoir de Philosophie

LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE EN FRANCE SOUS LES IIIe, IVe et Ve REPUBLIQUES

Publié le 18/06/2012

Extrait du document

A) Dans cette perspective, il convient dans un premier temps de remarquer l'effacement du chef de l'Etat en régime parlementaire. Cet effacement est particulièrement visible sous les IIIe et Ive Républiques et il se développe sur 2 plans : la lente émergence de la présidence du Conseil sous la IIIe République et le transfert des compétences à son profit dans la Constitution de 1946 d'une part, et le lent déclin de la présidence de la République sous chacun des 2 régimes d'autre part.  Les lois constitutionnelles de 1875 ne faisaient pas mention du président du Conseil. Si l'institution s'est imposée d'elle-même dès leur entrée en vigueur, c'est que, d'une part, l'article 3 de la loi du 25 février 1875 imposait, après une énumération impressionnante des prérogatives présidentielles, comme nous l'avons vu, la pratique du contreseing et que, d'autre part, l'article 6 affirmait que « les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement. « D'où, selon le mot de Poincaré, la naissance du Président du Conseil par un « phénomène de génération spontanée «. Dans sa déclaration ministérielle du 14 mars 1876, Dufaure soulignait que le président du Conseil de la IIIe République exerçait « au nom du Président de la République, les pouvoirs que la Constitution lui confère «. On peut encore citer Poincaré qui, dans une célèbre lettre publiée par Le Temps le 9 aout 1920, décrivait ainsi la redoutable alternative née de la coexistence d'un chef de l'Etat et d'un chef de gouvernement dans les institutions de la IIIe République : « Ou bien l'un des 2 chefs devait, dans l'action quotidienne, s'effacer devant l'autre, ou bien il fallait craindre que ne surgissent entre eux de perpétuels conflits «.

« La IIIe République a d'autre part très mal commencé pour l'institution présidentielle : on sait que l'origine du déclin de la présidence de la République fut latentative de Mac-Mahon pour asseoir sa « responsabilité envers la France » en provoquant le départ d'un cabinet Jules Simon dont il désavouait la ligne politiquepourtant approuvée par le Parlement.

Après une dissolution de la Chambre qui ne permit pas au chef de l'Etat de se débarrasser de la majorité républicaine, lePrésident de la République devait, conformément au pronostic de Gambetta, se soumettre en nommant un cabinet majoritaire dirigé par Dufaure, puis sedémettre le 30 janvier 1879 pour n'avoir pas à signer des décisions d'épuration dans l'armée.

L'épilogue fut l'élection de Jules Grévy qui avait, dès 1848,témoigné de son hostilité à l'institution présidentielle et qui adressa aux Chambres le message resté célèbre sous le nom de « Constitution Grévy » : « Soumisavec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ».D'autres crises, qui se traduiront par la démission forcée d'Alexandre Millerand en 1924 ou la démission spontanée de Jean Casimir-Périer 6 mois après sonélection (1895), sanctionnent impitoyablement les tentatives des chefs d'Etat qui veulent développer une politique personnelle, voire simplement, selon les motsde Casimir-Périer, « ne laisser, ni méconnaître, ni prescrire, les droits que la Constitution leur confère ».

L'échec à l'élection présidentielle de grandespersonnalités comme Jules Ferry en 1887, Georges Clemenceau en 1920 ou Aristide Briand en 1931, confirme que le Parlement, seul maître de cette élection,refuse que de grands chefs de gouvernement deviennent chefs de l'Etat.La Ive République ne connait pas une histoire aussi heurtée.

L'élection présidentielle de 1953 avec ses interminables tours de scrutin (13 au total), ne fut pas denature à renforcer l'institution présidentielle, mais la personnalité attachante du Président Coty lui permit de faire oublier ses débuts difficiles.

Mais il est vrai quele 2nd président de la Ive République batailla moins que le 1er, Vincent Auriol, pour imposer le respect des prérogatives présidentielles et que son rôle historiquedemeure essentiellement d'avoir permis un dénouement pacifique de la crise du printemps 1958 avec le retour au pouvoir de de Gaulle. B) Cet effacement du Président de la République peut néanmoins être nuancé.

Au moins jusqu'à la 1ere GM, les chefs d'Etat ont joué, par un accord tacite avecle chef de gouvernement, le rôle prépondérant en matière de conduite de la politique étrangère.

Les exemples ne manquent pas.

Le rôle du Président dans lechoix du ministre des Affaires étrangères et la très longue stabilité de certains titulaires du poste ( Delcassé de 1898 à 1905, Pichon de 1906 à 1911 ou Briandde 1925 à 1932 ) ont permis d'attribuer un rôle décisif aux présidents Félix Faure et Emile Loubet dans la conclusion de l'alliance russe et de l'Entente cordiale.Poincaré avait d'autre part souligné le rôle de Jules Grévy pour éviter, en avril 1887, que l'affaire Schnaebelé ne dégénère en conflit armé avec l'Allemagne.Enfin, ce n'est pas céder au slogan du Parti communiste « Poincaré La Guerre » que d'attribuer au Président élu en 1913 un rôle majeur dans l'entrée de laFrance dans la 1ere GM.Après l'éclipse de l'entre-deux-guerres, sous la Ive République, les Mémoires de Vincent Auriol fournissent de nombreux exemples du rôle du chef de l'Etat dansla politique étrangère, par exemple pour freiner l'adoption de la CED et surtout pour assurer ses prérogatives en ce qui concerne l'Union française.A coté de ce « domaine réservé », il est un rôle du chef de l'Etat qui est moins souvent évoqué, c'est celui de recours ultime dans les crises nationales : la partpersonnelle prise par Sadi Carnot au règlement de la crise boulangiste ou encore celle de Gaston Doumergue dans la constitution du Gouvernement d'unionnationale de Poincaré (1926-1928) sont significatives à cet égard.On peut donc penser que la France a gardé la nostalgie d'un exécutif dans lequel un véritble chef de l'Etat pouvait à la fois servir de point d'ancrage à ungouvernement; toujours menacé par la fragilité des majorités parlementaires, et jouer un rôle de recours dans les crises du régime. C) Avec la Ve République, le rôle du Président se renforce progressivement.

Il convient néanmoins de distinguer les périodes de concordance des majorité et lespériode de cohabitation.En période de concordance des majorités, le gouvernement procède du Président de la République et, comme ce dernier préside le Conseil des ministres, onpeut parler d'un gouvernement présidentiel.

Le président de la Ve République a très vite dépassé son statut d'arbitre.

Pour le général de Gaulle, le président dela République est « à la fois arbitre et 1er responsable national ».

Valery Giscard d'Estaing quant à lui déclarait : « Il y a 2 fonctions dans ce personnage.

Il y aun garant des institutions, protecteur des libertés des Français.

Et il y a quelqu'un qui représente du fait de son élection l'application d'une certaine politique.

»Enfin, François Mitterrant déclarait : « C'est une fonction à la fois d'autorité et d'arbitrage ».

Les présidents ont dans une certaine mesure conçu leur fonction demanière extensive.

A coté de la fonction que défini l'article 5, tous les Présidents se sont reconnus une fonction plus politique qui consiste dans le choix d'optionspolitiques.

Les Présidents ont tendance à déterminer eux-même la politique de la nation, à se substituer au gouvernement.

Depuis 1966, et encore plus depuis1974, le Président de la République est apparu, du fait des engagements pris pendant la campagne ayant procédé son élection, comme le véritable inspirateurdu gouvernement.

Dans sa 1ere déclaration au Parlement, après la 1ere élection présidentielle au suffrage universel, Georges Pompidou déclare : « La politiquede la France est avant tout animée par le chef de l'Etat », ce qui lui permet de consacrer la plus grande part de sa déclaration à la politique étrangère et auxinitiatives gauliennes.Le général de Gaulle n'a pas attendu l'élection au suffrage universel de 1965 pour interpréter la Constitution dans un sens présidentialiste.

Néanmoins, c'est biencette réforme qui entraîne cet élargissement de la fonction présidentielle.

Si les Français élisent un Président, c'est pour qu'il applique le programme politiquequ'il a défendu pendant la campagne électorale, d'autant plus que depuis les débuts de la Ve République, les élections présidentielles ont été, à l'exception decelle de 1969, les scrutins dans lesquels la participation a été la plus massive.

Mais c'est bien la coïncidence de la majorité présidentielle et de la majoritéparlementaire qui permet au Président de capter une grande partie de la fonction gouvernementale.En période de cohabitation, la situation est différente.

La fonction institutionnelle du Président reste intacte et le Président peut ainsi empiéter sur la fonctionpolitique en opérant des choix en matière de défense et de politique étrangère.

Pour le reste, le Président élu pour mettre en oeuvre certaines options les voitremises en cause par une majorité des Français.

Toutefois, le Président, s'il n'est plus le chef de la majorité parlementaire, conserve sa légitimité populaire dufait de son élection qui reste acquise.

Ses pouvoirs restent donc réels et non pas nominaux.

Cette légitimité populaire permet au Président de se prononcer surles projets du gouvernement, de les critiquer, de gêner le 1er ministre sur un plan politique.

C'est ce qui s'est passé en mars 1986, lorsque, pour la 1ere foisdans l'histoire de la Ve République, majorité présidentielle et majorité parlementaire ne concordent plus : alors que Mitterrand était Président depuis 1981, lesélections législatives portent à l'Assemblée nationale une majorité de droite et il nomme Jacques Chirac premier ministre.

Les institutions mises en place en1958 montrent alors leur adaptabilité mais la dyarchie qui est officialisée au sommet de l'Etat n'est pas sans conséquences.

Mitterrand entend aller au terme deson mandat en assumant la plénitude de ses fonctions mais son pouvoir est néanmoins affaibli.

La nouvelle majorité parlementaire applique alors sonprogramme sous le regard critique d'un chef de l'Etat qui, par le verbe et le geste, exerce une véritable fonction tribunicienne. Conclusion On peut donc dire que la présidence de la République est « à géométrie variable ».

Elle repose sur une fonction institutionnelle : le président représente l'Etat et,en cela, sa fonction se situe au-delà des choix politiques partisans.

Ce rôle institutionnelle est particulièrement mis en avant sous les IIIe et Ive Républiques,sous lesquelles le caractère parlementaire du régime prime et on assiste ainsi à un effacement de la présidence de la République dans la pratique.

Mais, en1958, la volonté gaullienne de restaurer l'Etat qui selon lui s'est progressivement délité, particulièrement sous la IIIe République, passe par la remise en avantde la fonction présidentielle.

Pendant de nombreuses années, le Président de la République, par le fait qu'élu au suffrage universel, s'appuyait sur une majoritéde députés dévoués.

Cette situation lui a permis d'ajouter à sa fonction purement institutionnelle une fonction politique très large.

Mais avec la cohabitation quiapparaît en 1986, on a redécouvert l'article 5 et, de manière générale, la Constitution, comme source du pouvoir présidentiel, ce qui a permis d'insister sur lafonction institutionnelle.

Mais assez vite, on a pu constater que la fonction politique du Président ne disparaissait pas pour autant, son élection par le peuple luipermettant de garder une légitimité populaire.

En définitive, la ressource principale du Président sous la Ve République reste liée aux forces politiques.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles