La télévision: enjeux et missions
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
bien ténues entre l'information et le spectaculaire,
l'instruction et la distraction (ce qui est particuliè
rement sensible dans les jeux télévisés au cours
desquels, par
les questions qui sont posées aux can
didats, nous devrions apprendre des choses) et la
distraction elle-même
en tant que choix d'un loisir,
avec la consommation quasi obligatoire du loisir.
Ce qui a fait penser plus d'une fois aux détracteurs
de la télévision que, de sa triple mission originale,
elle avait fait la suivante : « Distraire.
Distraire.
Distraire ».
Il reste que, en dehors de sa réussite ou de son échec dans ces trois missions, il demeure
loisible de considérer la télévision sur deux plans
essentiels : loisir d'une part, moyen
de communica
tion et phénomène social d'autre part.
La télévision, l'art et les loisirs
La télé-consommation
Si la télévision est productrice, elle est avant tout
une grande consommatrice, notamment dans le domaine artistique qu'elle pille presque systémati
quement sans invention.
La télévision, a dit: J. C.
Edeline (Président de la Société Française de Production de 1975 à 1979) «est un coucou qui
pond ses œufs dans le nid des autres ».
De fait, à
partir du moment où, par sa triple mission, la télé
vision se doit de montrer aux téléspectateurs le plus
grand nombre des diverses réalités l'entourant,
réalités tant sociales qu'artistiques, elle
se voit évi demment dans l'obligation de puiser dans les mani
festations de ces réalités ou, pour reprendre l'ex
pression de J.-C.
Edeline, de pondre
ses œufs dans le nid des autres.
A ce titre, la diffusion peu coûteu se de certains films de long métrage par exemple (la
projection d'un tel film coûte environ vingt centi
mes au téléspectateur au lieu de quinze francs en
1979 dans une salle) pourrait permettre l'accès du
plus grand nombre à une culture cinématographi
que, accès souvent limité par les prix même que
pratiquent
les ciné-clubs ou cinéma d'art et d'essai
chargés de cette mission.
Là où se pose la question,
tout de même, c'est lorsque, au lieu de diffuser avec
parcimonie les produits de telle ou telle forme d'ex
pression, la télévision, choisissant de distraire
avant d'informer ou d'instruire, en entreprend
le pillage systématique et plutôt inconséquent.
Aujourd'hui, après avoir atteint
le chiffre record
de six cents films diffusés annuellement par les
trois chaînes, la télévision s'est stabilisée aux alen
tours de cinq cents diffusions par an, chiffre encore
énorme par rapport à une industrie cinématogra
phique nationale
ne produisant au maximum
qu'une centaine de films (décompte fait des ouvra
ges à caractère pornographique).
Les conditions
de vie de cette expression cinématographique s'en sont
trouvé radicalement changées.
Bien que la diffu
sion des films
de long métrage à la télévision ne
soit pas le seul facteur de désertion des salles, son
impact est apparu clairement à deux reprises : en
1975, lorsqu'à la suite d'accords passés avec les
artistes du spectacle et
les producteurs de films, les
chaînes Antenne 2 et TF 1 n'ont diffusé respective
ment que cent vingt-cinq et cent trente films dans
l'année et où la fréquentation cinématographique
est alors remontée
de cent soixante millions à cent
quatre-vingt cinq millions de spectateurs ; puis lors
de la grève des sociétés de télévision en 1979 qui
procura environ quatre cent mille spectateurs de plus en une semaine aux salles de cinéma.
Aussi, et cette inversion du processus est
fondamentale, les chaînes de télévision, afin de sou
tenir vaille que vaille une industrie cinématogra
phique qu'elles assommaient elles-mêmes, lui ont
elles délégué la Société Française
de Production (S.F.P.) constitutionnellement détentrice de leur
matériel lourd de production pour qu'elle...
co
produise elle-même des films du commerce ! En dehors du fait que, ce faisant, la télévision repro
duit exactement le mouvement du serpent qui se mord la queue, le 'danger est grand de voir de la
sorte toute une forme d'expression originale qu'est le cinéma passer entièrement entre les mains d'un
organisme dont les critères artistiques sont diffé
rents puisqu'il a charge de s'adresser à tous.
Dan
ger d'autant plus grand qu'il
se voit partagé, quoi
qu'à des degrés moindres, par l'expression théâtra
le, lyrique ou chorégraphique.
·
Les relations ici longuement exposées qu'en
tretient la télévision avec l'art cinématographique
sont
en fait caractéristiques des rapports généraux
qu'elle a tendance à entretenir avec l'art comme
avec
les loisirs ou toute autre réalité sociale.
Tel un laborantin sans précautions qui, à vouloir exami
ner de trop près le déroulement d'une expérience, en change radicalement le cours, la télévision bou
leverse totalement les conditions de vie de ces réali tés que son regard s'accapare sans discernement.
Ne voulant ou ne pouvant pas se définir elle-même,
la télévision, loin de mettre une technique au servi ce de l'expression a mis l'expression elle-même,
dans sa variété de gestes, mots, attitudes, arts, etc.
au service d'une technique, forçant ainsi les notions
d'art,
de spectacle et de loisir à se redéfinir par rap
port à la télévision.
Si, par exemple,
les arts du spectacle peuvent se définir par le rapport spectacle-spectateur dans un jeu de la signification où, les acteurs se chargeant de « signifiés », le groupe autour d'eux désigne le « signifiant », ce rapport disparaît aussitôt entre le spectacle et le téléspectateur.
En effet, dans une salle de spectacle, sans public, le spectacle n'est
pas : la projection du film ne se fait pas et, au théâ
tre, les acteurs rentrent chez eux.
La télévision
s'adressant aveuglément à tous ou à personne ne connaît pas ce problème.
A cette diffusion aveugle.
»
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