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La télévision: enjeux et missions

Publié le 22/02/2012

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Dès son apparition dans le circuit commercial - vers les années 1950 aux Etats-Unis -la télévision a aussitôt exercé une fascination et provoqué un engouement jamais atteint jusqu'alors par les moyens de communication des hommes entre eux. Toujours remise en question, violemment et parfois fort pertinemment attaquée, critiquée de toutes parts, la télévision n'en a pas moins pris, sans le moindre ralentissement, une place dans notre société que n'eurent ni le théâtre dans la Grèce classique ni même le cirque dans la Rome latine.

« bien ténues entre l'information et le spectaculaire, l'instruction et la distraction (ce qui est particuliè­ rement sensible dans les jeux télévisés au cours desquels, par les questions qui sont posées aux can­ didats, nous devrions apprendre des choses) et la distraction elle-même en tant que choix d'un loisir, avec la consommation quasi obligatoire du loisir.

Ce qui a fait penser plus d'une fois aux détracteurs de la télévision que, de sa triple mission originale, elle avait fait la suivante : « Distraire.

Distraire.

Distraire ».

Il reste que, en dehors de sa réussite ou de son échec dans ces trois missions, il demeure loisible de considérer la télévision sur deux plans essentiels : loisir d'une part, moyen de communica­ tion et phénomène social d'autre part.

La télévision, l'art et les loisirs La télé-consommation Si la télévision est productrice, elle est avant tout une grande consommatrice, notamment dans le domaine artistique qu'elle pille presque systémati­ quement sans invention.

La télévision, a dit: J.­ C.

Edeline (Président de la Société Française de Production de 1975 à 1979) «est un coucou qui pond ses œufs dans le nid des autres ».

De fait, à partir du moment où, par sa triple mission, la télé­ vision se doit de montrer aux téléspectateurs le plus grand nombre des diverses réalités l'entourant, réalités tant sociales qu'artistiques, elle se voit évi­ demment dans l'obligation de puiser dans les mani­ festations de ces réalités ou, pour reprendre l'ex­ pression de J.-C.

Edeline, de pondre ses œufs dans le nid des autres.

A ce titre, la diffusion peu coûteu­ se de certains films de long métrage par exemple (la projection d'un tel film coûte environ vingt centi­ mes au téléspectateur au lieu de quinze francs en 1979 dans une salle) pourrait permettre l'accès du plus grand nombre à une culture cinématographi­ que, accès souvent limité par les prix même que pratiquent les ciné-clubs ou cinéma d'art et d'essai chargés de cette mission.

Là où se pose la question, tout de même, c'est lorsque, au lieu de diffuser avec parcimonie les produits de telle ou telle forme d'ex­ pression, la télévision, choisissant de distraire avant d'informer ou d'instruire, en entreprend le pillage systématique et plutôt inconséquent.

Aujourd'hui, après avoir atteint le chiffre record de six cents films diffusés annuellement par les trois chaînes, la télévision s'est stabilisée aux alen­ tours de cinq cents diffusions par an, chiffre encore énorme par rapport à une industrie cinématogra­ phique nationale ne produisant au maximum qu'une centaine de films (décompte fait des ouvra­ ges à caractère pornographique).

Les conditions de vie de cette expression cinématographique s'en sont trouvé radicalement changées.

Bien que la diffu­ sion des films de long métrage à la télévision ne soit pas le seul facteur de désertion des salles, son impact est apparu clairement à deux reprises : en 1975, lorsqu'à la suite d'accords passés avec les artistes du spectacle et les producteurs de films, les chaînes Antenne 2 et TF 1 n'ont diffusé respective­ ment que cent vingt-cinq et cent trente films dans l'année et où la fréquentation cinématographique est alors remontée de cent soixante millions à cent quatre-vingt cinq millions de spectateurs ; puis lors de la grève des sociétés de télévision en 1979 qui procura environ quatre cent mille spectateurs de plus en une semaine aux salles de cinéma.

Aussi, et cette inversion du processus est fondamentale, les chaînes de télévision, afin de sou­ tenir vaille que vaille une industrie cinématogra­ phique qu'elles assommaient elles-mêmes, lui ont­ elles délégué la Société Française de Production (S.F.P.) constitutionnellement détentrice de leur matériel lourd de production pour qu'elle...

co­ produise elle-même des films du commerce ! En dehors du fait que, ce faisant, la télévision repro­ duit exactement le mouvement du serpent qui se mord la queue, le 'danger est grand de voir de la sorte toute une forme d'expression originale qu'est le cinéma passer entièrement entre les mains d'un organisme dont les critères artistiques sont diffé­ rents puisqu'il a charge de s'adresser à tous.

Dan­ ger d'autant plus grand qu'il se voit partagé, quoi­ qu'à des degrés moindres, par l'expression théâtra­ le, lyrique ou chorégraphique.

· Les relations ici longuement exposées qu'en­ tretient la télévision avec l'art cinématographique sont en fait caractéristiques des rapports généraux qu'elle a tendance à entretenir avec l'art comme avec les loisirs ou toute autre réalité sociale.

Tel un laborantin sans précautions qui, à vouloir exami­ ner de trop près le déroulement d'une expérience, en change radicalement le cours, la télévision bou­ leverse totalement les conditions de vie de ces réali­ tés que son regard s'accapare sans discernement.

Ne voulant ou ne pouvant pas se définir elle-même, la télévision, loin de mettre une technique au servi­ ce de l'expression a mis l'expression elle-même, dans sa variété de gestes, mots, attitudes, arts, etc.

au service d'une technique, forçant ainsi les notions d'art, de spectacle et de loisir à se redéfinir par rap­ port à la télévision.

Si, par exemple, les arts du spectacle peuvent se définir par le rapport spectacle-spectateur dans un jeu de la signification où, les acteurs se chargeant de « signifiés », le groupe autour d'eux désigne le « signifiant », ce rapport disparaît aussitôt entre le spectacle et le téléspectateur.

En effet, dans une salle de spectacle, sans public, le spectacle n'est pas : la projection du film ne se fait pas et, au théâ ­ tre, les acteurs rentrent chez eux.

La télévision s'adressant aveuglément à tous ou à personne ne connaît pas ce problème.

A cette diffusion aveugle. »

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