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Le 6 février 1934 : deux témoignages

Publié le 17/01/2022

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R. PINON, Chronique de la quinzaine dans Revue des Deux Mondes (15 février 1934)

Le 6 février, dans la soirée, tandis que le plus effroyable tumulte régnait au Palais Bourbon, au-dehors la manifestation grandiose des patriotes exaspérés dégénérait en une bataille de rues telle que Paris, depuis longtemps, n'en avait pas vu. Les ordres brutaux du président du Conseil et du ministre de l'Intérieur déchaînèrent la police, la garde mobile, sur les anciens combattants porteurs de leurs drapeaux et de leurs insignes, sur les Jeunesses Patriotes (1) précédées des élus de la capitale. Des morts, des centaines de blessés jonchaient la place de la Concorde et les voies adjacentes. Du côté des Tuileries on voyait paraître le drapeau rouge et les mines sinistres de ses sectateurs. Le ministère Daladier qui a ensanglanté Paris ne pouvait pas gouverner la France; elle ne lui pardonnerait pas d'avoir employé son armée à sauver les amis de Stavisky (2).

M. Chautemps (3) avait glissé dans la boue, M. Daladier tomba dans le sang. Le 7, Paris apprit avec satisfaction la démission du cabinet.

« LE POPULAIRE « (socialiste) : 7 février 1934.

« Le coup de force fasciste a échoué. Les bandes fascistes... ont attaqué avec une sauvagerie inouïe le service d'ordre à coup de rasoirs, de matraques et de révolvers. La police et la garde mobile ont tiré sur leurs agresseurs. Il y a vingt-neuf morts dont plusieurs gardes mobiles.

La réaction a voulu avoir sa journée. Elle l'a eue... C'était un complot tramé contre le régime républicain... La classe ouvrière est divisée. Elle était hier encore divisée. Le sera-t-elle encore aujourd'hui ; demain ? «

(1) Ligue créée en 1924.

(2) Homme d'affaires qui monta diverses opérations frauduleuses ; l'escroquerie des bons du Crédit municipal de Bayonne devint l'objet d'un scandale public au début de 1934.

(3) Personnalité du parti radical, Président du Conseil démissionnaire le 27 janvier 1934.

1. Ces deux textes permettent-ils de reconstituer l'enchaînement des événements conduisant au 6 février 1934 ?

2. Quelles interprétations donnent-ils de ces événements ?

3. Quelles conséquences possibles laissent-ils entrevoir pour la vie politique française à court et à moyen terme ?

« moins troublantes de sa mort déchaînent les passions qui dégénèrent en émeute le 6 février 1934 provoquant lamort d'une quinzaine de personnes et des centaines de blessés.

Cette journée sanglante, la première que la Franceait connue depuis la Commune, frappe l'opinion.

La presse, comme, ici, la très sérieuse et réactionnaire « Revue desDeux Mondes » ou le journal socialiste « Le Populaire », sous la plume de Léon Blum, commente les événements avecpassion.

Sentiments indignés à droite, effort grave de réflexion à gauche. • Les deux textes sont relativement discrets sur les origines des événements qui précèdent le 6 février : ceux-cisont trop connus de leurs lecteurs.

Par contre, ils divergent profondément sur l'interprétation qu'il faut donner à lajournée.

Complot ou simple expression d'une colère ? L'avenir, quant à lui, est trop incertain pour que les auteurs seprononcent avec netteté.

Mais, derrière le silence de la « Revue », on devine un sentiment de satisfaction tandisque Blum ne fait que timidement état de son espoir : une unité ouvrière retrouvée. I.

Du scandale à l'émeute Seuls quelques rares détails des textes font allusion aux événements qui pendant plus d'un mois ont secoué laFrance et précédé le 6 février. 1.

L'affaire Stavisky • Une escroquerie somme toute mineure : l'affaire des bons de Bayonne.

Un scandale financier de plus dans uneFrance qui n'en avait pas manqué (Madame Hanau, Oustric) et contre lesquels la droite (alors au pouvoir) n'avaitd'ailleurs que mollement protesté. • Des implications politiques.

Il s'avère que Stavisky a bénéficié d'appuis dans des milieux politiques radicaux.D'obscurs députés de ce parti sont compromis pour avoir touché des commissions.

On découvre que le Parquet a, àdix-neuf reprises, « classé » d'autres affaires d'escroqueries auxquelles Stavisky était mêlé. • La mort de Stavisky.

L'escroc, en fuite, est découvert, mourant, dans un chalet de Chamonix.

Suicide, selon lapolice.

Mais l'opinion est en grande partie convaincue qu'il s'agit d'un assassinat destiné à empêcher Stavisky demettre en cause des personnalités influentes.

Pour beaucoup, les hommes politiques au pouvoir ne sont plusseulement des « voleurs », ce sont des « assassins ». 2.

La crise politique L'escroquerie de Stavisky (Juif, d'origine ukrainienne), son « assassinat », dont on accuse les milieux radicauxsouvent liés à la franc-maçonnerie, permettent à la droite d'exalter ses sentiments antisémites, xénophobes etantiparlementaires. • « Chautemps glisse dans la boue.

» Chautemps est contraint de démissionner en raison de la mise en cause dePressard, son beau-frère, procureur de la République et responsable du Parquet.

Daladier devient président duConseil (29 janvier). • Les manifestations de droite, aux cris de « A bas les voleurs », se déroulent presque quotidiennement durant toutle mois de janvier. • Le renvoi de Chiappe.

Le préfet de Police, très populaire parmi les policiers, est suspecté par le gouvernement desympathies pour l'extrême-droite et d'être le responsable de la « mollesse » de la police à rencontre desmanifestants.

Certains l'accusent d'avoir été lié à Stavisky.

Il est nommé résident général au Maroc.

Mais Chiapperefuse cette promotion qui l'écarté. • Le nouveau gouvernement Daladier.

Le départ de Chiappe excède la droite qui craint en outre que le régimen'escamote le scandale.

Les ministres de droite démissionnent.

Le nouveau gouvernement, remanié, doit seprésenter devant la Chambre, le 6 février, pour obtenir un vote de confiance.

C'est à cette occasion que lesmouvements de droite manifestent aux alentours du Palais Bourbon. 3.

Le 6 février : l'émeute • Le rassemblement.

Les anciens combattants de l'A.R.A.C., les Jeunesses patriotes, les Camelots du Roi convergentvers la place de la Concorde.

Ils menacent le siège de la Chambre des députés.

Les Croix-de-Feu du colonel de LaRocque se rassemblent faubourg Saint-Germain et sur l'arrière du Palais-Bourbon, rue de Bourgogne. • L'émeute.

A partir de 19 heures et jusqu'à minuit, de violentes bagarres éclatent.

Comme le dit Blum, les pattesdes chevaux des gardes mobiles sont tailladées à coup de rasoirs.

Des coups de feu sont tirés : il est difficile d'endéterminer l'origine ou de savoir qui porte la responsabilité des premiers tirs. • « Daladier tomba dans le sang.

» En raison de l'émotion provoquée par les conséquences sanglantes des bagarres,Daladier, qui pourtant avait obtenu la confiance de la Chambre grâce au soutien socialiste, préfère démissionnerpour calmer les esprits.. »

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