Le Printemps de Prague
Publié le 17/01/2022
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Une des plus importante remise en cause de l'ordre social dans les démocraties populaires se produit à Prague au printemps 1968. La stagnation économique entraîne le mécontentement des économistes et de l'intelligentsia contre la centralisation du pouvoir. En juin 1967, le congrès des écrivains s'oppose publiquement à la direction du Parti. Après que des manifestations étudiantes ont été brutalement réprimées, le climat de malaise se généralise et favorise l'arrivée d'Aleksander Dubcek à la tête du parti communiste tchécoslovaque. Ce dernier encourage le développement d'activités politiques à tous les échelons du Parti. Le débat gagne bientôt l'ensemble de la société. La censure est supprimée, l'autonomie des entreprises et leur responsabilité devant le marché stimulées, ainsi que l'autogestion par les travailleurs. Or, ces pratiques ne tardent pas à apparaître dangereuses à Moscou comme aux autres démocraties populaires. La Tchécoslovaquie forme avec la Pologne et la RDA le « triangle de fer « du pacte de Varsovie -alliance militaire entre l'URSS et les démocraties populaires- et l'URSS craint un rapprochement de la Tchécoslovaquie avec l'Ouest et notamment la RFA. À ces considérations stratégiques, se mêle le conservatisme de la direction soviétique. Le 21 août 1968 au nom de la doctrine Brejnev -devoir d'interventionpour sauver les acquis du socialisme- le printemps de Prague est écrasé. Après l'intervention des armées du pacte de Varsovie, le renforcement du contrôle soviétique sur l'activité économique des « États frères « se renforce selon le principe défini par Brejnev de « souveraineté limitée «.
«
• Le 8 avril , Oldrich Cernik constitue le nouveau gouvernement et, dix jours plus tard , Josq/1 S•rkovslcy est élu président de l'Assemblée nationale .
Les réformistes marquent un point en obtenant l'exclusion de Novotny du comité central, tandis que six responsables des purges staliniennes sont suspendus du Pa.
Parallèlement.
le XIV' congrès du Parti est convoqué pour le 9 septembre .
• Tout au long des mois de mai, juin et juillet, les discussions , rencontres, échanges de messages se succèdent au sein du pacte de Varsovie .
• Le 27 juin, les progressistes radicaux publient le manifeste des «deux mille mots» appelant à une accélération de la démocrat isation de la vie polit ique.
• Alors que ce texte provoque un tollé des conservateurs et une violente condamnation en URSS , les dirigeants des cinq pays du pacte de Varsovie tiennent une réunion dans la capitale polonaise sur le «cas tchécoslovaque » à l'Issue de laquelle ils adressent une mise en garde aux dirigeants de Prague .
Le 18 juillet, la direction tchécoslovaque rejette les critiques que lui adressent les partis frères .
• Parallèlement.
l'évolution en cours à Prague est suivie de près par le Parti communiste français dont le secrétaire général, Waldeck Rochet, tente une médiation.
Après s'être entretenu les 15 et 16 juillet, à Moscou , avec Brejnev , il propose la réunion d 'une conférence des part is communistes d'Europe «afin de freiner et d'arrêter un processus susceptible de mener à un dénouement brutal ».
Le 19, il rencontre Dubcek à Prague .
Mais ce dernier , à défaut d 'encourager les progress istes, ne tente rien pour les freiner .
• Le 3 août a lieu à Bratislava une réunion entre les responsables tchécoslovaques et les représentants des pays du pacte de Varsovie .
L'heure semble à l'apaisement, puisque la déclaration commune affirme que Prague pourra poursuivre son expér ience dans le cadre du pacte.
• Tout semble donc rentrer dans l'ordre , le 20 aoCrt, quand se réunit le prhifllu• du PCT qui doit préparer le congrès extraordinaire de septembre .
Commencée à 14 heures , la réunion s'éternise .
• Se fondant sur le sentiment dominant dans les allées du pouvoir , fort de l'accord étonnamment indulgent obtenu à l'Issue de la réunion de Bratislava , personne ne croit plus à une intervention militaire .
• De ce fait, les journalistes occidentaux , après des mois de tension ininterrompue , ont choisi de prendre leurs vacances dans l'attente du congrès du parti annoncé pour septembre .
Au département d 'État américain lui-même, la cellule de crise m ise en place au printemps pour suivre les affaires tchécoslovaques a été dissoute .
• Un peu avant 23 heures , le Premier ministre s'absente momentanément du présidium pour prendre une communication téléphonique .
Lorsqu 'il revient , il est d'une extrême paleur : «Les troupes des Cinq ont franchi la frontière» , dit-il.
Dubcek s'effondre : «Je ne m 'attenda is pas à cela .» Cernik vient d'apprendre que les premiers parachutistes de l'Armée rouge ont d ébarqué sur l'aéroport de Ruzyne à Prague .
• Après s'être rendus maîtres des lieux , ceux-ci donnent le feu vert aux centaines d'avions qui patientent sur les bases de Pologne, de RDA et de Biélorussie .
Dans la seule matinée du 21 aoCrt, on ne comptera pas moins de 250 atterrissages sur l'aéroport de Prague.
• Parallèlement, les quelque 7 000 ciHBs sovUtiques, qui, sous prétexte de 1---------------l nouvelles manœuvres , ont pris place • MOSCOU, 2 ...
KILOMhus•
• Dès l 'arrivée des premiers chars du pacte de Varsovie , les radios libres demandent à la population d'enlever tous les panneaux de signalisation dans les villes, comme dans les moindres villages. 1Moscou , 2000 km•, voilà à peu près la seule indication que le voyageur peut alors trouver sur son chemin dans tout le pays .
• L'automobiliste arrivant dans une grande agglomération n'a aucune idée de son nom ni de sa place sur la carte , sauf à se livrer à de savants calculs, boussole en main .
Chaque carrefour est un nouveau problème, à moins que la population , reconnaissant un étranger ami, ne se propose d'elle-même de le renseigner.
les jours précédents le long des frontières tchécoslovaques, se mettent en route en direction de Prague.
Leur mission, comme le proclame l'agence Tass, est «d'occuper la Tchécoslovaquie , toutes ses villes et régions ».
Aux premières heures de la matinée du 21 août, Dubcek.
Cernik et Smrkovsky se laissent capturer par les troupes soviétiques dans l'immeuble du comité central.
Ils sont emmenés à Moscou .
• Sur le terrain , la réaction des Praguois est instantanée .
Les journalistes , fer de lance de la nouvelle politique , n'ont aucun mal à trouver auprès de l'armée tchécoslovaque et même des milices ouvrières , pourtant réputées conservatrices , les émetteurs et l 'équipement qui vont leur permettre d 'informer la population et d'organiser
une l'ésisttriKe- rloiHte: la presse, la radio, une floraison de tracts et d'affiches tournent en dérision
UNE INliMNTION DDIESUUE • Alors que la RDA.
la Pologne , la Hongrie et la Bulgarie ont fourni des contingents symboliques, l'Armée rouge a mobilisé quelque 500 000 hommes -deux fois plus que lors de l'intervention à Budapest et presque autant que le contingent amér icain envoyé à la même époque par Johnson au Viêtnam -pour mater un pays qui n 'a jamais proclamé sa volonté de se défendre .
Même pour des militaires aussi précautionneux que les Soviétiques, la démesure est patente .
Le pays se couvre en effet d'Immenses camps de l 'armée que chacun peut observer à sa guise .
Ce que ne manquent pas de faire les attachés militaires occidentau x qui réalisent à Prague la plus belle moisson d 'observations sur l'armée soviétique jamais obtenue depu is vingt ans.
• La démesure de l'intervention est d 'autant plus frappante que Moscou
LE MAITYIE DE JAN PAI.ACH
• Le 16 janvier 1969 , en début d'après-midi , un jeune homme s'arrose d'essence et s'Immole par le jeu à l'Instar des bonzes vietnamiens .
• Aussitôt transféré à l'hôpital.
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étudiant en philosophie à l'université Chartes, agé de 21 ans, meurt le 19 janvier dans l'après-midi.
• Son suicide suscite dans tout le pays une émotion considérable .
Le comité central du Parti communiste, qui siège sous la présidence d'Alexander Dubcek, publie un communiqué
pour exprimer 1 sa profonde émotion devant l'acte de Jan Palach qui a décidé de sacrifier sa vie.
[ ...
) Nous pouvons comprendre les craintes de nombre de jeunes gens concernant la politique de développement socialiste que notre parti méne depuis janvier 1968.
[ ...
)Mais seul le travail et l'effort patients peuvent assurer l'application des idées socialistes que la jeune génération attend de la société .
•
• Les étudiants de la faculté de philosophie accusent 1 les dirigeants soviétiques d 'avoir , par leur politique , ajouté une nouvelle victime, qui ne sera peuHtre pas la dernière , à celle du 21 aoOt •.
• Le 25 janvier , une foule immense suit les~ de Palach dans un silence quasi religieux.
et le chaud, alternant menaces et flatteries non sans tenter de diviser les responsables tchécoslovaques.
• Le 27 août, à l'Issue d'une nouvelle nuit de déchirements , Brejnev et les dirigeants tchécoslovaques s'accordent sur un texte, que l'on désignera plus tard sous le nom de « protocole de Moscou», et dont les clauses principales concernent l'annulation du XIV' congrès du Pa, la reprise en main des médias, la remise en ordre du ministère de l'Intérieur -dont les agents soviétiques avaient été éloignés par son titulaire, Joseph Pavel- et la renonciation à toutes représailles contre les collaborateurs de Moscou.
Mais pour obtenir ces concessions, les responsables soviétiques connaissent l'humiliation de devoir reconduire à Prague, où Dilbeek s 'adresse le soir même à la population, l'équipe même que les troupes soviétiques étaient venues chasser .
LA NOUIAUSAnON
• Le 11 septembre , une partie des forces du pacte de Varsovie commencent à évacuer la Tchécoslovaquie à l'issue d'une intervention qui aura fait néanmoins quelques centaines de morts et des milliers de blessés .
Pour autant.
ne trouve personne pour y faire écho .
En effet, au moment où le présidium apprend que les premiers parachutistes soviétiques ont débarqué à Ruzyne , Alois Indra , secrétaire du Pa et collaborateur docile du Kremlin, échoue à faire voter une motion le Kremlin n'entend pas relacher f-------------lla pression, ce que relaie la presse de défiance contre Dubcek et à appeler « l'intervention des armées alliées ».
Au lieu d'une condamnation de Dubcek et d 'un appel aux Russes , le présidium vote un texte réaffirmant la confiance dans la direction de Dubcek et condamne l'intervention .
Le texte
• Rien ne se passe donc comme l'ont imag iné les dirigeants soviétiques .
De plus , les libéraux fidèles à Dubcek décident de convoquer de manière anticipée le XIV' congrès du parti.
Ce dernier se déroule le 22 août, dans une usine de Prague et élit un nouveau comité central purg é de cette résolution est alors diffusé par les médias dans le courant de la nuit de tous ses éléments collaborateurs.
f------------~ Ainsi, le seul résultat de l'Intervention débouche sur une radicalisation L1NDIFHIENCE DU MONDE
• Dans le monde , l'Intervention à Prague ne suscite guère de réactions .
Il est vrai que chacun est préoccupé par ses propres affaires .
• En ce mois d'aoOt 1968, les États-Unis , déjà empétrés au Viêtnam , sont confrontés à la contestation des Noirs qui multiplient les marmes pour la reconnaissance de leurs droits civiques .
• En France, on tente de 1 digérer • les événements de mai, tout en essayant de renouer avec un Royaume-Uni humilié par le veto du général de Gaulle à son adhésion à la Communauté européenne .
Quant à la République fédérale allemande, elle tente de circonscrire l'agitation de ses étudiants .
• Et ce n'est certes pas de Pékin , où la révolution culturelle atteint son paroxysme sur fond de tension à la frontière sine-soviétique, que l'on peut attendre une quelconque réaction à l 'entreprise des forces du pacte de Varsovie .
du courant libéral.
LE PIOTOCOU DE Moscou • Le 23 août, le général Svoboda décide de se rendre à Moscou pour tenter de trouver une sortie de crise qui est à l'évidence moins celle de son peuple que celle du «protecteur» fourvoyé .
À peine accueilli avec les honneurs par les plus hauts dignitaires du régime soviétique , il est aussitôt séquestré au Kremlin , sans contact avec son pays ni avec Dubcek et Centile dont il réclame en vain la présence à ses côtés .
• le lendemain s'ouvre une négociation entre Brejnev et les dirigeants tchécoslovaques en état de choc, subitement arrachés à leur cachot pour comparaître sous les dorures du Kremlin .
Brejnev s'emploie à faire souffler le froid
soviétique qui, dès le 13 septembre, juge insuffisantes les mesures de «normalisat ion» prises à Prague.
Le 16 octobre, Prague et Moscou signent un accord légalisant le stationnement temporaire des troupes étrangères.
• Dubc e k sort brisé de l'épreuve .
li est remplacé par GllsUvH!Mk au poste de premier secrétaire du Pa en avril 1969 , avant d'être assigné à résidence à Bratislava au début 1970 .
• La brève expérience qui a réconcilié l'opinion tchèque avec ses dirigeants aura donc été tragiquement interrompue par l'Invasion des troupes du pacte de Varsovie .
Dubcek énonce , la mort dans l'ame, la nécessité des mesures limitant notamment la liberté d'expression .
Suit alors une longue période de normalisation avec son cortège de procès et d'épurations.
• Les réformes économiques et la libéralisation mises en place lors du «Printemps de Prague » sont annulées par Hu~k en 1969 .
Le contrôle du cinéma et des mèdias est rétabli .
Quant aux réformistes , ils sont pourchassés .
La Tchécoslovaquie redevient alors un État communiste modèle et un allié fidèle de l'URSS ..
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