Lénine

« Le destin de Lénine, de son véritable nom Vladimir Ilitch Oulianov, son existence, se confondent avec la révolution, aussi loin qu'on les considère.A cela il y a plusieurs raisons.

Parce qu'au moment de sa naissance, en 1870, le mouvement révolutionnaire, qui a commencé à se manifester enRussie avec la tentative manquée de coup d'État de décembre 1825, s'accélère et passe du stade de la réflexion à celui des premières organisations.Parce qu'aussi progressivement, tandis que Vladimir Oulianov grandit, la Russie rurale commence à découvrir le capitalisme.

A cause du milieu quiest le sien aussi.

Fils d'un universitaire que son éducation et ses fonctions ont élevé à la noblesse héréditaire, le futur Lénine appartient à cettesociété d'intellectuels, l'intelligentsia où va se recruter le mouvement révolutionnaire.

Et, en premier lieu, celui qui fut son premier modèle, son frère, Alexandre, pendu le 8 mars 1887 à vingt-deux ans pour avoir voulu répéter sur Alexandre III le meurtre d' Alexandre II .

La tragédie familiale et l'évolution générale de son pays se sont combinées pour pousser très tôt le jeune Vladimir Oulianov sur la voie de la révolution.

Si ce choix étaitplausible, inévitable presque, compte tenu du moment et des circonstances, rien n'annonçait en revanche que le jeune étudiant qui découvre alorssa vocation révolutionnaire deviendrait en peu d'années le fondateur d'un parti d'un type nouveau, entièrement orienté vers la conquête dupouvoir.

Un travailleur acharné, passionné, servi par une remarquable intelligence et une très grande maîtrise de soi et de sesmoyens, tel apparaîtra Lénine à tous ceux qui l'ont approché, de l'enfance à 1923.

Dans son enfance heureuse àSimbirsk, où son père est responsable de l'enseignement, Vladimir Oulianov étonne ce dernier par son aptitude àcombiner les exercices sportifs et les progrès intellectuels.

Après une interruption d'études de près de trois ans où il découvre Marx H033 , Vladimir Oulianov rattrape en quelques mois un programme de quatre ans et est reçu à ses examens de droit, premier sur cent trente-quatre candidats.

Ce succès lui permet de s'inscrire au barreau dePétersbourg.

Mais déjà d'autres intérêts l'appellent.

A peine arrivé dans la capitale, il a noué des liens avec les milieux révolutionnaires.

Dès 1893,sa personnalité et ses idées l'imposent dans le petit cercle qu'il va animer et, très vite, il devient une personnalité marquante du marxismepétersbourgeois ; " sur le terrain ", il lutte par tous les moyens, il organise l'éducation politique des ouvriers.

En même temps il combat des idéesqui lui paraissent dangereuses pour le mouvement révolutionnaire et tout d'abord celles des populistes qui croient que la paysannerie et ses institutions traditionnelles détiennent la clé de l'avenir russe.

Oulianov n'est pas moins méfiant envers les marxistes-légaux dont le chef de file est Pierre Strouvé H1225 , qui, contrairement aux populistes, mettent l'accent sur le nécessaire essor du capitalisme, mais interprètent Marx H033 en termes uniquement économiques.

Pourtant, dès cette époque, Oulianov est réaliste avant tout.

Il accepte une " alliance " momentanée avec lesmarxistes-légaux pour lutter contre les populistes.

Son prestige est tel qu'il est mandaté en 1895, à Genève, pour y discuter du développement dumouvement ouvrier russe P190M2 avec les fondateurs du marxisme russe, Plekhanov H1192 et Axelrod, avec qui il met sur pied la collaboration des marxistes de l'intérieur et de ceux qui sont exilés.

Projet qui fait de Vladimir Oulianov le représentant officiel en Russie des prestigieux " pères dumarxisme russe ".

Mais Oulianov est arrêté, condamné à la déportation en Sibérie.

Les mois passés en prison décembre 1895 à février 1897 sontfructueux.

Entouré de livres, il écrit Le Développement du capitalisme en Russie .

De même sera heureux l'exil sibérien.

Oulianov y restera jusqu'au 29 janvier 1900, en compagnie d'une jeune révolutionnaire, Nadejda Kroupskaia, qu'il a épousée, et de sa mère.

Son activité est inlassable.

Ilchasse, patine, joue aux échecs, donne des consultations juridiques aux paysans, traduit avec sa femme la Théorie et Pratique du Trade Unionisme des Webb P2738 , écrit son propre livre et lit énormément.

La masse considérable des faits et des chiffres qu'il utilisera par la suite pour étayer ses travaux, ses discours, il l'accumulera alors.

Surtout, il suit de près la situation du mouvement ouvrier russe P190M2 .

La création au Congrès de Minsk, en 1898, du PSDOR (Parti Social Démocrate Ouvrier Russe) est un tournant capital.

Un parti ouvrier existe ainsi en Russie.

Peuimporte que tout son Comité central ait été arrêté.

Oulianov, lorsqu'il est libéré en 1900, est prêt à assurer la relève.

Et d'abord à créerl'indispensable outil de liaison : un journal.

En août 1900, Vladimir Oulianov commence une nouvelle vie.

Il s'installe à l'étranger, parce que là seulement, loin des surveillances policières, ilpeut publier un journal.

Sans doute ce n'est pas simple en exil non plus.

Venu d'abord à Genève se placer sous l'autorité de Plekhanov H1192 , il découvre tout à la fois les conflits qui ravagent l'émigration et son désaccord tactique avec Plekhanov H1192 .

Dès ce moment, deux traits de sa personnalité s'affirment : il biaise et compose avec les réalités qu'il ne veut pas heurter de front ; mais, sûr de lui, il considère qu'il doit imposer auxautres dès qu'il le peut ses certitudes et ses conceptions.

En apparence il compose avec Plekhanov H1192 et reconnaît son autorité.

En fait, pour la combattre, il s'éloigne de lui et s'installe à Munich.

C'est en Allemagne que sort, le 24 décembre 1900, le premier numéro de l'Iskra, " l'étincelle qui doit faire jaillir la flamme ".

C'est alors qu'il devient Lénine ; avec l'Iskra, Lénine tient enfin l'instrument révolutionnaire dont il a le premier reconnu la nécessité.

Le journal propose un programme et des directives concrètes imposant la mise sur pied d'organisations clandestines en Russie, quidiffuseront l'Iskra.

En 1902, Lénine publie Que faire où il définit les contours et les tâches du futur parti ouvrier.

Aux économistes qui plaident l'inutilité d'une action d'envergure tant que le capitalisme n'existe pas en Russie, Lénine répond que la conscience spontanée de la classe ouvrièrene la conduit qu'à des actions économiques ; qu'il appartient à un parti, avant-garde de la classe ouvrière, de l'éduquer, de la préparer au combat ;que, dans les conditions politiques de la Russie, ce parti doit être formé de professionnels de la révolution.

Les idées exprimées dans ce livre,Lénine entend les faire adopter au IIe Congrès du Parti qui se tient à Bruxelles puis à Londres à l'été 1903.

C'est ici que le Parti va se diviserdurablement.

D'accord sur un programme qui porte la double marque de Plekhanov H1192 et de Lénine et affirme que la dictature du prolétariat est la condition indispensable de la révolution sociale, le Parti se coupe en deux sur la définition de ses statuts et la notion même de militant (que Lénine veut restrictive et contraignante), enfin sur le problème des organes dirigeants.

Par suite de conflits annexes celui qui concerne le Buno(l'organisation des ouvriers juifs) Lénine, jusqu'alors en minorité, se trouve soudain majoritaire et dominant les organes dirigeants (Comité centralet rédaction du journal).

Majorité de brève durée.

Dès 1904, Lénine est isolé et désavoué.

Mais il réagit, à sa manière, obstinée et pragmatique.Tout d'abord, il attache à son groupe l'étiquette bolchevique (majoritaire) due à un simple concours de circonstances et considère ses adversaires comme Mencheviks ou minoritaires.

Quel que soit l'équilibre réel des forces entre lui et ceux qui s'opposent à lui, il ne démordra jamais de cette formule ; il est le bolchevisme, la majorité.

La révolution de 1905 P327M3 , où Trotski P327 , son ancien disciple, s'illustre à la tête du Soviet de Pétersbourg, est marquée par une véritable éclipse de Lénine et de son parti.

Installé momentanément en Finlande, Lénine n'a pu faire qu'une brève incursion à Pétersbourg.

Il s'occupe derenforcer son organisation et surtout de préparer le congrès qui doit unifier le mouvement social-démocrate et se réunira à Stockholm en 1906.Lénine espère que les mencheviks vont tirer la leçon de leur échec et s'aligner sur ses positions.

C'est pourquoi il accepte une unification où il setrouve à nouveau en minorité.

Le Comité central élu compte deux bolcheviques pour sept mencheviks.. »