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Les Égyptiens

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

La curiosité pour l'art égyptien s'est éveillée en France avec le romantisme. Ce n'est point un hasard si la Lettre à Dacier de Champollion (1822), qui apprend au monde savant que les " hiéroglyphes " ne sont plus lettre morte, que la publication de la Description de l'Égypte  (1823), l'inauguration de la collection égyptienne au Musée du Louvre (1826), se trouvent contemporaines des Poèmes antiques et modernes  (1826), de Jocelyn  (1836) et de la bataille d'Hernani  (1830). Le goût des ruines, si cher aux romantiques, n'a certes pas été sans influencer la recherche égyptologique à ses débuts : Champollion, par ses opinions politiques comme par son style, est bien un romantique et l'on a pu écrire un long article sur le vocabulaire égyptologique dans l'oeuvre de Balzac. Le Roman de la Momie  comme l'Aïda  de Verdi ne furent que le prolongement de cet attrait que l'Égypte exerça sur les esprits de 1820 à 1850.                Je me suis souvent demandé si ce n'est pas à cette époque qu'il faut faire remonter le jugement, si répandu encore aujourd'hui, de l'étrangeté, de la rigidité, de l'inhumanité pour tout dire, de l'art égyptien. Et, en effet, quel art pouvait être plus étranger à l'esprit romantique, tout d'impatience et de passion, que l'art égyptien, si mesuré, si intérieur ? Cette immobilité apparente de l'art égyptien fait que l'on a encore tendance aujourd'hui à le considérer comme un phénomène isolé dans l'histoire générale des arts, une sorte de création ex nihilo  qui, figée dans son hiératisme, n'aurait eu ni inspirateur, ni imitateur. Rien n'est plus faux que cette opinion. Malgré son souci évident de conservatisme et de continuité ­ souci qui prend racine dans l'esprit même des Égyptiens préoccupés avant tout de religion ­ l'art égyptien, et particulièrement l'architecture, est vivant et n'a pas laissé d'avoir une profonde influence sur l'histoire de l'art en général et celle de l'architecture en particulier. Je n'en veux pour preuve que le nombre de mots que le vocabulaire moderne a conservés et qui se rapportent à des formes architecturales ou sculpturales égyptiennes, tels que " pyramide ", " obélisque ", " pylône ", " sphinx ", " gorge égyptienne ", etc. Une longue tradition et notre assidu commerce avec l'art grec nous ont fait perdre de vue que, dans bien des cas, ce fut en Égypte que les Hellènes trouvèrent l'inspiration. Pour ne prendre qu'un exemple, vers 1400 av. JC les architectes d'Hatchepsout et d'Amenophis IV ont eu l'idée de se servir du corps humain pour soutenir les architraves de leurs temples ­ quelque mille ans avant que les Grecs n'eussent imaginé l'Erechtheion. J'entends bien que l'esprit des deux arts est essentiellement différent, mais lorsqu'on sait combien souvent les Grecs ­ dès l'époque mycénienne ­ visitèrent l'Égypte, il faut bien admettre que, dans nombre de cas, ce fut dans la vallée du Nil qu'ils virent pour la première fois des formes architecturales qu'ils adoptèrent en les transformant selon leur génie. Par l'intermédiaire grec, l'Égypte a donc eu une influence certaine ­ bien que difficile à apprécier dans toute son étendue ­ sur l'art méditerranéen et, partant, sur l'architecture occidentale.       

« Toute l'architecture égyptienne gardera ainsi le souvenir de l'époque où elle était composée de bois, de nattes et depisé.

C'est ainsi que le " tore " vertical, une des caractéristiques de l'architecture de la vallée du Nil, n'est autre quele poteau cylindrique ou fagot de roseau enrobé de terre qui, dans les bâtiments primitifs, protégeait l'angle toujoursfragile des parois de pisé.

De même, le chapiteau palmiforme, si sobre, si élégant, exécuté en pierre, n'est que lefaisceau de palmes ligaturées à une poutre, qui pendant des siècles dut servir à soutenir les légers toits des édifices(et le tâcheron égyptien n'a pas manqué de faire figurer sur le bloc de pierre les liens de corde qui assujettissaientles palmes).

Les exemples de cette sorte pourraient être multipliés et l'on peut affirmer que l'architecture de pierre àses débuts n'est qu'une imitation des formes architecturales de bois, de roseau et de pisé.

Il y a lieu de souligner que la plus ancienne architecture de pierre qui nous soit parvenue est funéraire ; cela estremarquable ou plutôt révélateur car cela trahit, dès l'abord, l'origine irrationnelle, magique et religieuse de tout l'artégyptien.

Alors que les vivants se contentaient encore d'habitations de bois, de nattes et de pisé, dès le cinquièmemillénaire av.

JC les Égyptiens estimèrent que ces matériaux ne sauraient convenir aux demeures des morts,destinées à durer éternellement.

Cette intrusion d'une logique terre à terre dans l'irrationnel constitue l'originalité dela pensée égyptienne en architecture.

A la fragile paroi de clayonnage on substitue des murs de pierre, maisuniquement au profit des cadavres.

Il ne viendrait pas à l'idée d'un Égyptien ancien de bâtir sa maison enmaçonnerie.

Le pharaon lui-même n'habitera jamais que des palais d'une grande complexité certes, mais construitsde briques crues.

En revanche il semble essentiel à un Égyptien d'assurer au cadavre support indispensable à lasurvie de l'âme une habitation éternelle.

Il substitue donc, avec une logique implacable, à tous les matériaux qui risqueraient d'être éphémères, des matériaux impérissables.

C'est ainsi que l'on verra la première grande constructionde pierre égyptienne édifice funéraire cela va de soi posséder des simulacres de portes bâties en pierres de petit appareil et jusqu'à une barrière de bois sculptée dans le calcaire ! Ce besoin de pérennité, qui est à l'origine de l'architecture égyptienne, explique pourquoi celle-ci est funéraire avantd'être religieuse.

Les temples et sanctuaires restèrent longtemps bâtis de bois et de clayonnage alors que lestombeaux étaient déjà de bonne maçonnerie.

L'architecture, expression des croyances égyptiennes Bien entendu, le besoin de pérennité, pour essentiel qu'il soit dans la mentalité égyptienne ancienne, ne suffit pas àexpliquer toute l'originalité de l'architecture.

Celle-ci exprime les croyances religieuses des Égyptiens et c'estpourquoi elle est essentiellement symbolique.

Cependant, aux yeux mêmes des architectes qui la conçurent, elle était utilitaire dans le sens le plus étroit du mot.De même qu'à l'époque primitive la tombe fut bâtie en pierre parce qu'elle était conçue comme la " Maisond'Éternité " du défunt, de même le temple, demeure du Dieu sur terre, fut établi selon les besoins stricts du rite.Religion et architecture sont donc inséparables et ceci explique pourquoi, en Égypte, les matériaux ne jouèrentjamais aucun rôle dans l'élaboration des formes architecturales.

Briques de terre, pierres de petit appareil, blocs degrand appareillage, monolithes, sont utilisés indifféremment par l'architecte, pour des bâtiments de même forme.

Etsi l'architecte tire parti des propriétés spécifiques de chacun de ces matériaux, il ne conçoit jamais son œuvre enfonction de l'un ou l'autre d'entre eux : il n'y a pas, il n'y eut jamais en Égypte une architecture de la briqueopposée à celle de la pierre de taille par exemple.

L'architecte de l'Ancien Empire se sert des piliers monolithes etdes architraves de granit comme son prédécesseur des premiers âges utilisait le pisé et les poutres.

Il imite demême, en pierre, la voussure des arceaux de branchages des sanctuaires primitifs, sans pour cela penser à se servirde façon systématique de la voûte qu'il vient pourtant d'inventer et qu'il emploie fréquemment en briques crues àdes fins utilitaires.

Il y a donc une grande unité dans les éléments constitutifs de l'architecture, éléments qui restenttoujours les mêmes, quel que soit le matériau choisi par l'architecte.

En revanche, pour autant que le style, en architecture, dépend du plan, des rapports de masse, et descombinaisons différentes des éléments de base, on pourrait poser que le style architectural égyptien varie avec ladestination des bâtiments.

Un temple solaire de la Ve dynastie (vers 2500 av.

J.-C.), n'a de commun avec le templedu Nouvel Empire (vers 1500 av.

J.-C.), que les détails de construction, l'emploi systématique de la cour péristyle,des colonnes palmiformes, de l'entablement qui couronne la " gorge égyptienne ".

Ce sont ces détails qui donnentl'impression de l'unité, mais le plan, la réalisation de l'architecte diffèrent dans chaque cas et en dernière analysel'édifice est le résultat de l'adaptation étroite du bâtiment aux exigences du rite religieux.

Aussi paradoxal donc que cela puisse nous paraître, l'architecture égyptienne est étroitement utilitaire.

Le Temple,demeure du dieu, a un but et un seul, assurer le service quotidien de la divinité qui l'habite.

Ceci explique pourquoi-en admettant que le temple ait été conçu en une seule fois, et ne soit pas le résultat d'adjonctions successives àun sanctuaire primitif l'architecte s'est contenté d'accumuler, de spécialiser aussi, des pièces qui toutes ont leur rôledans le rituel compliqué qui se jouait, tel un drame, dans la demeure du dieu.

Cette tendance à l'accumulation que l'on retrouve aussi bien dans l'architecture purement funéraire, avec son complexe de chapelles depurification, de cours de sacrifices, d'entrepôts, de magasins, de dépôts, etc., que dans l'architecture religieuse et même civile, comme en témoigne,par exemple, le Palais de Tell-el-Amarna A4T01M1 avec son enchevêtrement de pièces, de cours et de magasins, cette tendance à l'accumulation aurait pu, aurait dû aboutir, à ce que l'on pourrait appeler une architecture " agglutinée " exempte de tout ordre et obéissant au seul souci pratique.Or, il n'en est rien, l'architecture égyptienne obéit de toute évidence à un principe de rigoureuse symétrie, tout édifice étant construit selon un axelongitudinal et les différents éléments se répétant, plus ou moins fidèlement, de part et d'autre de l'axe.

Ce phénomène très sensible pour toutvisiteur d'un temple égyptien, a été expliqué par le rôle que joue, dans la religion égyptienne, la Procession.

Il est évident en effet que des temples. »

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