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L'opinion de l'éditorialiste du journal Le Monde sur la fin de la IVe République.

Publié le 02/04/2015

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Incapable de vivre décemment, la IVe République n'aura pas su mourir en beauté. [...] Pour galvaniser les forces du régime, pour entraî­ner l'opinion, gagner la bataille ou la perdre en forçant l'admiration, il eût fallu que M. Pflimlin' eût le terrible courage de dénoncer les men­songes passés, d'en finir avec toutes les équivoques et tous les faux-semblants, d'appeler par son nom l'insurrection d'Alger tout en décou­vrant ses véritables causes : un complot préparé de longue main et l'exaspération naturelle d'une armée livrée à elle-même, investie en fait de tous les pouvoirs par la démission progressive des autorités civiles, chargée des tâches les plus hétéroclites, tenue pour responsable de toutes les fautes et de tous les échecs [...].

Une force existe : l'armée, largement engagée sur la voie de la sédition, travaillée par des éléments troubles qui s'efforcent de la noyau­ter et de l'utiliser à leurs propres fins.

Une autorité morale aussi : celle du dissident de 1940, du libéra­teur de 1944, plus enclin, au fond, à fixer ses traits pour l'histoire qu'à

* Pierre Pflimlin : président du Conseil. Investi le 13 mai, il a présenté sa démission au président de la République le 28 mai faute de majorité à l'Assemblée nationale.

se compromettre dans l'événement et à se salir franchement les mains.

Au Parlement, une droite qui n'a cessé de torpiller les gouverne­ments, de discréditer un peu plus le régime, et favorise finalement de tout son pouvoir un coup d'État militaire. Au centre, des partis hantés par le souvenir du 10 juillet 1940, prêts à brandir jusqu'à l'absurde le drapeau de la légalité républicaine. À gauche, une poussière d'hommes qui ne peuvent défendre « les libertés sacrées de la nation « qu'en s'unis­sant aux communistes, dont nul n'ignore ce qu'ils en feraient.

Un peuple enfin qui ne réagit plus guère aux mots d'ordre d'où qu'ils viennent, redoute l'aventure sous toutes ses formes et s'abandonne au destin en vivant provisoirement, comme si de rien n'était.

Si cette analyse est exacte, les conclusions sont claires. Il est absurde de revendiquer les plus hautes responsabilités et d'organiser en fait la « la carence du pouvoir « sous le masque de la légalité, d'appeler de Gaulle pour l'obliger ensuite à se retirer ou à se présenter en général factieux, d'abandonner, sous couleur d'obstination romaine, l'initiative à l'armée et à son noyau le plus dur, les paras, d'accroître ainsi à plus ou moins court terme les chances de la guerre civile.

Aujourd'hui, dans l'immédiat, quelque réserve que l'on puisse faire pour le présent, et plus encore pour l'avenir, le général de Gaulle apparaît comme le moindre mal, la moins mauvaise chance. La IVe République meurt beaucoup moins des coups qui lui sont portés que de son inaptitude à vivre.

Sirius, Le Monde du 29 mai 1958 (Sirius est le pseudonyme d'Hubert Beuve-Méry, directeur du Monde).

Questions

1. Présentez le document. Dites à quels événements, qui se déroulent alors en Algérie, l'article fait allusion (précisez les termes employés pour les désigner). Quel danger l'auteur entrevoit-il pour la France si une solution n'est pas trouvée ?

› 2. Quel est le jugement formulé ici sur l'attitude des différentes forces politiques au Parlement ? En quoi rejoint-il une critique fréquemment portée sur la vie politique sous la Ive République ?

4       3. Quelle solution est envisagée pour dénouer la crise ? Pour quelles raisons l'auteur semble-t-il s'y rallier ?

4       4. Quel sens donnez-vous à la dernière phrase ?

1. La solution préconisée est celle d'une arrivée au pouvoir du général de Gaulle afin d'assurer la transition vers un nouveau régime. H. Beuve-Méry reconnaît « l'autorité morale« du personnage et considère que le rôle qu'il a joué en 1940 et à la Libération plaide en sa faveur. Il souligne aussi sa capacité à rallier l'armée. C'est pour l'éditorialiste (qui n'est pas gaulliste) le choix « du moindre mal «.

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