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VERDUN, SYMBOLE DU FONCTIONNEMENT DE LA GUERRE

Publié le 10/01/2019

Extrait du document

Parmi les anciens combattants de la guerre de 1914-1918, qui ont pourtant combattu en bien d’autres lieux, Verdun est resté le maître mot, et pour l'ensemble des Français cette bataille demeure le symbole de la Grande Guerre. Neanmoins, dans cette même année 1916, une bataille tout aussi sanglante, tout aussi horrible, se livre sur la Somme, dont le souvenir marque infiniment moins fort la conscience française. Pour les Britanniques qui n’ont pas combattu à Verdun et qui ont porté l’essentiel du poids de la bataille de la Somme, sa résonance est en revanche bien plus considérable que celle de Verdun. Le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, est comme le rappelle l’historien de Cambridge Jay Winter, la journée la plus sanglante de l'histoire britannique: 60 000 victimes dont 20 000 morts! De meme dans l’historiographie allemande, la Somme tient une place considérable alors que celle de Verdun est plutôt restreinte. Pour le soldat allemand, la Somme revêt le meme sens que Verdun pour le soldat français. Sur la Somme — l'historien allemand Gerd Krumeich l’a montré de façon lumineuse —, le soldat allemand a été convaincu de protéger directement son pays contre les Britanniques. La «garde sur la Somme» n'était qu'un avant-poste de la «garde sur le Rhin».

 

Stratégies infructueuses

 

Si l'on considère le déroulement du conflit, Verdun et la Somme ont la même signification: la recherche d’une nouvelle méthode pour gagner la guerre.

 

Lorsque en août 1914 les armées allemande et française se lancent l’une contre l'autre, l'offensive française en Lorraine, au centre du dispositif allemand, échoue immédiatement. Quant au vaste mouvement tournant engagé par l’armée allemande à travers la Belgique, il manque prendre l’armée française comme dans un filet, mais est finalement brisé par la bataille de la Marne. En très peu de temps, les deux armées, auxquelles du côté français se sont joints des soldats britanniques de plus en plus nombreux, se retrouvent enterrées face à face dans des réseaux de tranchées qui courent de la mer du Nord à la frontière suisse. La guerre de mouvement préparée par les états-majors se transforme en une guerre de siège imprévue. Du côté allemand, les plans initiaux sont renversés et l’effort principal reporté sur le front russe, afin — la Russie vaincue — de pouvoir concentrer toutes les forces à l’Ouest. Du côté de l’Entente, certains, Britanniques notamment comme Winston Churchill, imaginent pouvoir gagner la guerre par une stratégie périphérique, en attaquant la Turquie alliée de l'Allemagne et en forçant les Détroits, ce qui permettrait de rétablir les liaisons avec la Russie ; mais le commandement français et la plupart des généraux britanniques ne se résignent pas à la guerre de siège. Le général Joffre pour la France jusqu’à la fin de 1916, les maréchaux French jusqu'à la fin de 1915. puis Haig pour la Grande-Bretagne, sont convaincus qu’il est possible de forcer le front allemand et de reprendre la guerre de mouvement. Dès la fin de 1914 et pendant toute l’année 1915, les Franco-Britanniques mènent une série d'offensives de rupture en Artois, en Champagne, en Flandre, en même temps que Joffre prétend «grignoter» l’adversaire dans des assauts moins importants, mais extrêmement coûteux en hommes. Malgré quelques succès initiaux, toutes ces offensives échouent. Le perfectionnement des techniques d’attaque, l’augmentation considérable des moyens, l’allongement de la durée des bombardements des positions ennemies n’empêchent en aucun cas les réserves adverses d’arriver avant la rupture du front.

 

Néanmoins, à l’Est, les Allemands et les Austro-Hongrois parviennent en 1915 à remporter de grandes victoires sur la Russie — l’espace permet de livrer une guerre de mouvement. Ils reprennent la Galicie autrichienne, s'emparent de la Pologne russe et de la Lituanie, mais n’enlèvent pas la victoire décisive. Les effectifs de l'armée allemande consacrés au front oriental sont d’autant plus insuffisants que l'armée austro-hongroise doit faire face à son tour à un second front sur les Alpes depuis qu’en mai 1915 l’Italie est entrée dans la guerre aux côtés de l’Entente.

Les massacres de 1916

 

Le chef du grand état-major allemand, le général von Fal-kenhayn, successeur du général von Moltke dès le 14 septembre 1914. après la bataille de la Marne, change alors une seconde fois de stratégie. S’opposant aux généraux von Hindenburg et von Ludendorff qui commandent sur le front oriental, il estime en effet que la guerre doit bien être gagnée à l’Ouest, mais en en modifiant les méthodes. En décembre 1915, il expose son plan au Kaiser. La force principale de l’Entente est la Grande-Bretagne, mais la guerre ne peut être gagnée qu’en abattant l'armée française, non pas vraiment en gagnant du terrain, mais en la «saignant à blanc». Pour cela, il faut choisir un terrain d’attaque que les Français, du fait de sa résonance symbolique, seront obligés de défendre pied à pied — on envisagera un moment Belfort — dans des conditions suffisamment défavorables pour que leurs pertes soient très supérieures à celles de leurs adversaires. C’est la stratégie de l'usure qui remplace celle de la percée. 

« VERDUN.

Presque effacée de la mémoire collective des Français, la bataille de la Somme fut plus meurtrière encore que celle de Verdun.

Ci-dessus: cadm•res de soldats allemands dans la Somme.

©Archives Larousse · Giraudon mouvement tournant engagé par l'armée allemande à travers la Bel­ gique, il manque prendre l'armée française comme dans un filet, mais est finalement brisé par la bataille de la Marne.

En très peu de temps, les deux armées, auxquelles du côté français se sont joints des soldats britanniques de plus en plus nombreux, se retrouvent enterrées face à face dans des réseaux de tranchées qui courent de la mer du Nord à la frontière suisse.

La guerre de mouvement préparée par les états· majo rs se transforme en une guerre de siège imprévue.

Du côté alle­ mand, les plans initiaux sont renversés et l'effort principal reporté sur le front russe, afin -la Russie vaincue -de pouvoir concentrer toutes les force.s à l'Ouest.

Du côté de l'Entente, certains, Britan­ niques notamment comme Winston Churchill, imaginent pouvoir ga· gner la guerre par une stratégie périphérique, en attaquant la Turquie alliée de l'Allemagne et en forçant les Détroits, ce qui permettrait de rétablir les liaisons avec la Russie; mais le commandement français et la plupart des généraux britanniques ne se résignent pas à la guerre de siège.

Le général Joffre pour la France jusqu'à la fin de 1916, les maréchaux French jusqu'à la fin de 1915, puis Haig pour la Grande­ Bretagne, sont convaincus qu'il est possible de forcer le front alle­ mand et de reprendre la guerre de mouvement.

Dès la fin de 1914 ct pendant toute l'année 1915, les Franco-Britanniques mènent une série d'offensives de rupture en Artois, en Champagne, en Flandre, en même temps que Joffre prétend « grignoter>• l'adversaire dans des assauts moins importants, mais extrêmement coûteux en hommes.

Malgré quelques succès initiaux, toutes ces offensives échouent.

Le perfectionnement des techniques d'attaque, l'augmentation considé­ rable des moyens, l'allongement de la durée des bombardements des positions ennemies n'empêchent en aucun cas les réserves adverses d'arriver avant la rupture dn front.

Néanmoins, à l'Est, les Allemands et les Austro-Hongrois parviennent en 1915 à remporter de grandes victoires sur la Russie - l'espace permet de livrer une guerre de mouvement.

Ils reprennent la Galicie autrichienne, s'emparent de la Pologne russe et de la Lituanie, mais n'enlèvent pas la victoire décisive.

Les effectifs de l'armée alle­ mande consacrés au front oriental sont d'autant plus insuffisants que l'armée austro-hongroise doit faire face à son tour à un second front sur les Alpes depuis qu'en mai 1915 l'Italie est entrée dans la guerre aux côtés de l'Entente.

L Es MASSACREs DE 1916 Le chef du grand état-major allemand, le général von Fal­ kenhayn, successeur du général von Moltke dès le 14 septembre 1914, après la bataille de la Marne, change alors une seconde fois de straté· gie.

S'opposant aux généraux von Hindenburg et von Ludendorff qui commandent sur le front oriental, il estime en effet que la guerre doit bien être gagnée à l'Ouest, mais en en modifiant les méthodes.

En décembre 1915, il expose son plan au Kaiser.

La force principale de l'Entente est la Grande-Bretagne, mais la guerre ne peut être gagnée qu'en abattant l'armée française, non pas vraiment en gagnant du terrain, mais en la «Saignant à blanc».

Pour cela, il faut choisir un terrain d'attaque que les Français, du fait de sa résonance symbolique, seront obligés de défendre pied à pied -on envisagera un moment Belfort -dans des conditions suffisamment défavorables pour que leurs pertes soient très supérieures à celles de leurs adversaires.

C'est la stratégie de l'usure qui remplace celle de la percée.

Le commande­ ment allemand choisit le secteur de Verdun à cause de sa position en saillant qui en rendra la défense malaisée; en outre, la place forte est mal défendue: en effet, dans la stratégie de percée, une attaque allemande dans ce secteur fortifié est alors considérée comme \mpro­ bable.

Pour obtenir le résultat souhaité, l'état-major allemand n'a pas l'intention de procéder à une ruée sur Verdun, mais à une série d'at­ taques méthodiques et successives, chacune d'entre elles étant précé­ dée d'une intense préparation d'artillerie de 2 000 pièces.

Dans ces conditions, il pense que les unités françaises seront écrasées les unes après les autres et que les pertes de l'infanterie allemande seront relativement légères.

En fait, le plan allemand ne se déroule pas selon les prévisions.

Le général Pétain, qui a été chargé de défendre Verdun le 26 février 1916 -l'attaque allemande a commencé le 21 février -, sait en effet résoudre le problème majeur, celui du ravitaillement.

Il parvient à assurer l'acheminement des hommes, du matériel et des munitions par l'utilisation de la route de Bar-le Duc à Verdun, la «Voie sacrée»: Il 500 camions transportent chaque semaine 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions.

Ensuite Pétain orga­ nise une défensive pied à pied rendue efficace par le remplacement rapide des divisions engagées -presque toute l'armée française passe à Verdun -,appuyée sur une f�rmidable artillerie disposant de muni­ tions en quantités illimitées.

A la mi-juillet 1916, l'artillerie lourde allemande a tiré 21 millions d'obus -140 000 par jour -et l'artillerie lourde française 10 millions.

De ce point de vue, Verdun est un parfait symbole de la guerre de 1914, un gigantesque duel d'artillerie.

Le commandement allemand arrête l'offensive le 12 juillet.

En novembre et en décembre 1916, les troupes françaises reprennent la plus grande partie du terrain perdu.

Quand les combats s'arrêtent le 18 décembre, la bataille aura duré 302 jours pour aucun résultat, si ce n'est des pertes humaines effarantes: 300 000 morts et près de 500 000 blessés.

L'échec des Allemands est dû au fait que les pertes françaises n'ont pas été très supérieures aux leurs: Falkenhayn avait sous-estimé les difficultés de l'assaillant dans une région très fortifiée et surestimé les effets de son artillerie.

Pendant que se déroule la première phase de la bataille de Verdun, les Franco-Britanniques préparent une autre offensive.

La décision en a été prise, sans avoir connaissance des préparatifs alle­ mand, lors d'un conseil interallié tenu en décembre 1915 et qui pré­ voyait pendant l'été suivant de.s offensives combinées des Russes, des Italiens et des Franco-Britanniques.

Le but fondamental était d'em­ pêcher l'adversaire de déplacer ses réserves d'un front à l'autre puisque la lutte se déroulerait sur chacun des fronts simultanément.

À peu près au même moment donc, on est arrivé à la même conclusion dans les deux camps: le sort de la guerre dépend de l'épuisement des réserve.s de l'adversaire.

L'offensive sur la Somme que préparent les Alliés est en fait de type mixte: elle vise, comme les Allemands à Verdun, à «user>> l'armée adverse, mais elle reste plus nettement dans l'optique des offensives de rupture.

Menée du l" juillet au 18 no­ vembre 1916, l'offensive franco-britannique soulage le front de Ver­ dun, ce qui n'était pas son objectif à l'origine, en obligeant le commandement allemand à déplacer une partie de son artillerie de Verdun vers la Somme.

Mais elle se solde de la même façon, avec des pertes plus considérables encore qu'à Verdun, pour un résultat négli­ geable.

ENSEIGNEMENTS CONTRADICTOIRES À la fin de 1916, les trois stratégies mises en œuvre succes­ sivement, le mouvement, la rupture, l'usure, ont toutes trois échoué.

On peut comprendre que le moment est venu de renouveler les commandements.

Pas seulement pour des raisons militaires.

En France, au début de la guerre, on a admis comme principe que la «conduite des opérations» est du ressort du haut-commandement, et. »

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