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William Gladstone

Publié le 22/02/2012

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Dans le journal personnel qu'il a religieusement tenu chaque jour depuis l'âge de quinze ans avec le plus extrême scrupule, Gladstone voyait un " livre de compte de ce don si précieux : le Temps ". De fait, tout au long de son existence, le temps a été bien rempli, puisque ces annotations quotidiennes forment une masse compacte de sept cent cinquante volumes : à l'image d'une carrière politique qui, commencée à vingt-deux ans en 1832 s'achève en 1894 à quatre-vingt-quatre ans. Mais ce n'est pas seulement par ces soixante-deux années de vie publique active que Gladstone fait figure de géant politique du XIXe siècle. C'est surtout parce qu'il a exercé à quatre reprises les fonctions de Premier ministre : performance jamais égalée par aucun autre homme d'État britannique. Ce rôle prépondérant, à la fois dans la conduite des affaires de l'État et à la tête du parti libéral, a valu à Gladstone des oppositions farouches, voire des haines forcenées, dont on a peine aujourd'hui à mesurer le venin. C'est surtout du côté des classes dirigeantes que ses options de plus en plus radicales ont rencontré une hostilité grandissante : depuis cette dame tory du grand monde qui considérait " le nom de Gladstone (comme) synonyme de Satan " jusqu'à la reine Victoria qui ne pouvait supporter un Premier ministre aux principes aussi froids et aux idées aussi avancées et qui n'hésitait pas à le qualifier " d'incendiaire à demi fou ". Inversement, Gladstone a bénéficié d'un extraordinaire prestige auprès des masses populaires. En dépit de certaines attitudes foncièrement conservatrices de sa part, et malgré sa méconnaissance profonde de la question ouvrière, il a été l'objet d'une véritable vénération de la part des humbles. Jusqu'à l'émergence de Keir Hardie comme incarnation du Labour (parti travailliste) après 1900, Gladstone a été de loin le leader politique le plus respecté et le plus populaire auprès des ouvriers. Un militant socialiste et révolutionnaire tel que Lansbury (l'un des futurs chefs du travaillisme) rapporte que jamais personne dans son milieu, à commencer par lui-même, ne se serait permis de parler de lui autrement qu'en disant " M. Gladstone "

« avec éloquence les positions traditionalistes contre le modernisme réformateur des whigs.

Cependant, il fait trèsjeune une première expérience du pouvoir : en 1834-35, il est Junior Lord à la Trésorerie, puis sous-secrétaire d'Étataux Colonies dans un éphémère gouvernement conservateur dirigé par Peel.

Le reste du temps, il se retrouve dansl'opposition, jusqu'en 1841.

Il affiche crânement ses convictions, proclamées également dans un livre qu'il publie en1838 sur les rapports de l'Église et de l'État.

Cette même année son cœur est conquis par une gracieuse jeune fillequ'il rencontre à Rome : Catherine Glynne, originaire d'une vieille famille whig du pays de Galles.

La personnalitéprofonde de Gladstone se révèle tout entière dans la demande de mariage qu'il adresse à la jeune fille.

C'est ainsique la phrase centrale de la lettre ne compte pas moins de cent quarante mots en raison de toutes les déclarations,incidentes, restrictions, promesses et protestations dont elle est bourrée ! Le mariage a lieu en 1839.

C'est le débutd'une vie familiale paisible : toute la carrière du politicien se déroulera sur cet arrière-fond de bonheur domestique.C'est aussi le début de longs et fréquents séjours au château de Hawarden, aux confins de l'Angleterre et du paysde Galles : lieu de solitude campagnarde où Gladstone aime se retremper au milieu des livres et des arbres, loin desaffrontements politiques londoniens. A partir de 1841, s'ouvre pour Gladstone une nouvelle phase d'existence qui va durer jusqu'en 1865.

Cette périodeest marquée par un glissement progressif du conservatisme au libéralisme.

Les élections de 1841 en effet portent lesconservateurs au pouvoir.

Peel, devenu Premier ministre, fait du jeune et ambitieux Gladstone le vice-président(1841-1843), puis le président (1843-1845) du Board of Trade, et, en 1846, le ministre des Colonies.

Confronté auxproblèmes du commerce extérieur la question cruciale est alors celle du maintien ou de l'abolition des Corn lawsGladstone suit la même évolution que son chef Peel.

Il se convainc petit à petit que le libre-échange représente laseule solution avantageuse pour l'avenir du pays et il se range du côté de Peel lorsque celui-ci fait voter en 1846l'abolition des Corn laws. Mais la mesure casse en deux le parti conservateur.

A droite se rangent, irréconciliables, les défenseursintransigeants du protectionnisme et de l'aristocratie foncière autour de Derby et de Disraeli.

Vilipendés par leursanciens amis, les “ peelistes ” se retrouvent au centre de l'échiquier politique.

Ce sont des réformateurs soucieux deprogrès et désireux de jeter un pont en direction de la nouvelle bourgeoisie industrielle et capitaliste.

Par la forcedes choses, c'est-à-dire par la force de l'arithmétique parlementaire, ils font alliance avec les libéraux, et Gladstonesuit le mouvement.

En 1852, Lord Aberdeen, chargé de former un gouvernement de coalition, fait appel à lui commechancelier de l'Échiquier.

A ce poste qu'il occupe de 1853 à 1855, puis de 1859 à 1865, Gladstone ne démontre passeulement sa maîtrise technique en matière de finances publiques, il intervient par le moyen du budget dans toutesles grandes options de politique générale (c'est à partir de son passage à la Trésorerie que la fonction de chancelierde l'Échiquier acquiert le second rang dans la hiérarchie du Cabinet, immédiatement après le Premier ministre).

Enmême temps, Gladstone administre la preuve de ses brillants dons de debater parlementaire.

En politique extérieure,il s'oppose aux initiatives cassantes ou fracassantes de Palmerston.

Au nom des libertés fondamentales et des droitsde la conscience, il prend position en faveur des nationalités.

Il s'élève contre la répression menée par les régimesabsolutistes.

Il dénonce par exemple le régime des prisons dans le royaume de Naples.

Plus tard, il soutient l'unitéitalienne.

Son autorité morale et politique ne cesse de grandir.

Aussi lorsque Palmerston meurt en 1865, c'est toutnaturellement à lui qu'on fait appel comme chef du parti libéral. Les vingt années qui vont de 1866 à 1886 marquent l'apogée de la carrière de Gladstone.

Le champion duparlementarisme libéral est alors au faîte de ses capacités et de sa gloire.

C'est l'époque de la rivalité fameuse avecDisraeli.

Les deux hommes éprouvent vis-à-vis l'un de l'autre une profonde antipathie personnelle.

Mais au-delà desoppositions de tempérament, au-delà même des antagonismes politiques, ce sont deux visions du monde qui entrenten conflit.

Face à Gladstone, Disraeli, mondain, cynique, jouant les esprits affranchis, renforce encore sespenchants au réalisme sarcastique.

De son côté, Gladstone, du ton du prédicateur qui rappelle les grands de cemonde à leurs devoirs, accentue la tournure religieuse de son argumentation.

Sous prétexte de moraliser la politique,il se pose en défenseur incorruptible des principes, planant au-dessus des contingences, sinon des intérêts.

Pourl'un, la politique se pratique comme une affaire ; pour l'autre, elle s'élève à la hauteur d'une mystique.

Gladstonereproche à Disraeli son perpétuel cabotinage, son absence de scrupules et d'idéal.

Disraeli accuse d'hypocrisiemonstrueuse son rival qui à force d'enrôler dans son camp les idées nobles leur fait couvrir la cuisine politique la plusnauséabonde.

A ces grands combats oratoires, le système représentatif offre un théâtre de choix.

Tels deuxgladiateurs, les adversaires s'affrontent devant les regards experts de la foule politicienne.

C'est la réédition desjeux du cirque, mais transposés dans l'enceinte du Parlement, avec les deux protagonistes en redingote. Gladstone est devenu Premier ministre pour la première fois après la réforme électorale de 1867, pour laquelle il avaitfait campagne avec détermination.

Ce premier cabinet (1868-1874), qu'il a appelé “ un des meilleurs instruments degouvernement jamais mis sur pied ”, entreprend une œuvre réformatrice considérable.

En 1869, c'est ledésétablissement de l'Église d'Irlande (en effet, dès sa nomination comme Premier ministre, Gladstone avait annoncé: “ Ma mission est de pacifier l'Irlande ”).

Puis c'est en 1870 la première réforme agraire irlandaise, la loi généralisantl'enseignement primaire en Grande-Bretagne, la réforme de la fonction publique désormais recrutée par concours, laréforme du code matrimonial de façon à protéger les biens des femmes mariées.

En 1871, c'est la confirmation etl'élargissement des droits syndicaux, la réforme de l'armée ; en 1870, l'introduction du scrutin secret, le premiercontrôle de l'hygiène publique par l'État, la restriction des débits de boissons pour lutter contre l'alcoolisme.

Maiscette mesure en faveur de la tempérance, prise sous la pression des non-conformistes, aliène une partie du corpsélectoral et aux élections de 1874 les libéraux sont battus : emportés, comme le dit Gladstone, “ dans un torrent degin et de bière ”. Au cours de ces années, l'activité de Gladstone continue de se déployer dans toutes les directions : depuis de. »

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