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Publié le 24/11/2012

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La lutte contre l'abstraction -- la signification de l'acte de voir dans La Peste d'Albert Camus -- Maki ANDO On peut considérer le terme « abstraction « comme un des plus importants dans La Peste, comme Peter Cryle et Harutoshi Inada l'ont mis en valeur ??. Si l'on se réfère à la Concordance?? qui couvre tous les romans sauf La Mort heureuse et Le Premier Homme, oeuvres inachevées et posthumes, le mot d'abstraction ne se trouve en effet que dans La Peste, dont la première publication date de 1947. Or, à l'époque où Camus rédigeait La Peste, il écrit dans Combat en 1946??: « Nous vivons dans la terreur [...], parce que nous vivons dans le monde de l'abstraction ??«. Il est sans doute certain qu'à travers la Seconde Guerre mondiale, où Camus se consacrait à écrire ce roman, il a attaché de l'importance à l'idée de l'abstraction. Dans ce roman dans lequel Camus a transposé plus ou moins son expérience de la guerre d'une façon allégorique, comment l'idée de l'abstraction est-elle décrite? En abordant cette question, nous pourrons révéler ce qui caractérise ce roman : la primauté de la perception visuelle. I. L'invasion des abstractions À propos de la fréquence du mot « abstraction(s) «, on ne saurait trop souligner que le plus grand nombre apparaît autour de la scène du deuxième entretien du docteur Rieux avec le journaliste Rambert. Tout en refusant à ce dernier le certificat de complaisance qui lui permettrait de sortir de la ville, le docteur fait résonner dans sa tête, d'une façon obsessionnelle, un mot que le journaliste lui a adressé : « Vous vivez dans l'abstraction ???. « (p.1290) Dans cette 243 ??Voir Peter Cryle, « La Peste et le monde concret : étude abstraite « in La Revue des Lettres modernes, Albert Camus 8, sous la direction de B. T. Fitch, Minard, 1976, pp.9-25 ; Harutoshi Inada, « Comment raconter son propre malheur? - La dialectique de l'individuel et du général dans La Peste- «, in Études de Langue et Littérature françaises, n?52, 1988, pp.159-176. ??Albert Camus : Konkordanz zu den Romanen und Erzahlungen, édité par Manfred Sprissler, avec l'aide de Hans-Dieter Hansen, Hildesheim, G.Olms, 1988. ??Jacqueline Lévi-Valensi recueille clairement les correspondances entre La Peste et Combat. Voir Jacqueline Lévi-Valensi, La peste d'Albert Camus, foliothèque, 1997, pp.163-168. On peut consulter sur ce point Jeanyves Guérin, « Jalons pour une lecture politique de La Peste «, in Roman 20-50, Revue d'étude du roman du XXe siècle, n?2, décembre 1986, pp.7-25. ??Albert Camus, Ni Victimes ni bourreaux , in Essais, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade «, 1993, p.332. ??Les italiques le sont toujours par nous. ??Albert Camus, La Peste, in Théâtre Récits Nouvelles, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade«, scène, l'abstraction apparaît essentiellement comme obstacle au bonheur et attribut du malheur : « il y avait dans le malheur une part d'abstraction et d'irréalité. « (p.1291) En effet, Rieux définit la période de la peste comme « cette espèce de lutte morne entre le bonheur de chaque homme et les abstractions de la peste « (p.1293). En particulier, c'est dans la quête du bonheur chez Rambert que se montre l'opposition entre le bonheur et l'abstraction : « L'abstraction pour Rambert était tout ce qui s'opposait à son bonheur. « (p.1293) Pour lui, le bonheur est évidemment rejoindre sa femme qu'il a été obligé de quitter à cause de la fermeture de la ville. L'abstraction se lie donc à un des thèmes majeurs du roman : la séparation ??. Examinons le chap.1 de la deuxième partie et la troisième partie entière, où se trouve la situation générale des « séparés «. Dans la première phase, les séparés qui sont enfermés dans la ville souffrent de l'« imagination insuffisante « (p.1366), à savoir qu'ils ont de la difficulté à imaginer ce que font leurs amoureux, quand ils pensent à eux. Si l'on considère que Tarrou remarque que c'est le manque d'imagination de l'administration qui retarde les soins des pestiférés (deuxième partie, chap.7), il est impossible de négliger le problème de l'imagination, dont nous traiterons plus tard. Ensuite, dans la deuxième phase, où les séparés perdent la « mémoire « (p.1366), il y a une mention significative de l'abstraction : « leur[=les Oranais] amour même avait pour eux la figure la plus abstraite. « (p.1368) Pour préciser l'amour abstrait, il faut faire remarquer que les amoureux absents sont qualifiés d'« ombres « (p.1281, p.1366)??, et que « ces ombres pouvaient encore devenir plus décharnées « (p.1366). D'ailleurs, au moment de la rencontre de Rambert avec sa femme après la fin de la peste, on retrouve l'opposition de l'amour abstrait et de la chair : « [...] cet amour ou cette tendresse que les mois de peste avaient réduits à l'abstraction, Rambert attendait

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