Devoir de Philosophie

ACADÉMIE GONCOURT

Publié le 14/11/2018

Extrait du document

goncourt

ACADÉMIE GONCOURT. Le rôle et le sens de l’Académie Goncourt ont changé avec le siècle : comme à ses débuts, cette contre-académie reste bien sûr un club amical où Ton parle littérature, mais l’enjeu du prix a changé bien des choses. Son audience, son importance commerciale font de lui un symbole en même temps qu’elles attirent sur F Académie les foudres des critiques habituels de l’institution. Discuter l’existence du Goncourt reste cependant, si l’on peut dire, une question académique et réservée aux lecteurs avertis qui, justement, lisent bien autre chose que le Goncourt, quand ils le lisent! Pour les autres, c’est-à-dire la grande majorité, l’image de marque demeure et la promotion garde son efficacité : en fait, le Goncourt a moins l’intérêt de signaler le meilleur roman de l’année que de « mettre en scène » un livre, d’en faire un événement. Malgré les « affaires », les cabales et les brouilles, ce côté spectaculaire a ses mérites : il signale aussi et surtout une évolution indiscutable du système éditorial et littéraire.

 

Une contre-académie

 

L'Académie Goncourt a une préhistoire puisque, bien avant sa naissance, un journal de 1882 en annonce la fondation future. Les échotiers ont raison : depuis longtemps, Edmond de Goncourt et son frère Jules (mort en 1870) ont songé à une académie moins conservatrice que l'autre, plus ouverte à la littérature de son temps, à tous les amis romanciers aussi, qui fréquenteront le fameux « Grenier d’Auteuil » où Edmond a installé ses pénates, ses estampes et ses objets chinois. Après sa mort, la succession qu'il laissera et les droits de ses œuvres (dont le Journal, encore inédit pour une bonne part) permettront de servir une rente à dix écrivains qu'il aura choisis et qui décerneront le prix annuel « des Goncourt » au « meilleur ouvrage d’imagination en prose », en fait au meilleur roman puisque ce genre a sa préférence. La liste des heureux élus changera bien sûr avec le temps, les brouilles et les décès : y figureront entre autres Flaubert, Maupassant et Céard (rayés par la suite), Th. de Banville, Barbey d’Aurevilly, Fromentin, Veuillot, L. Cladel et Vallès, Loti, Bourget et Zola (ces trois derniers rayés en raison de leur candidature à l’Académie française, et malgré l’échec de Zola).

 

E. de Goncourt meurt en 1896 et laisse le testament prévu, dont A. Daudet et Hennique doivent être les exécuteurs fidèles. Malgré un procès des héritiers naturels, le testament est jugé valable et l’Académie Goncourt peut être enfin constituée : fondation en 1900, réunions dès 1902 et décret d’utilité publique en 1903. A l’inverse de l'académie concurrente, celle du quai Conti [voir Académie française], elle ne comprendra, dit le testament, « ni grands seigneurs, ni hommes politiques », mais des hommes de lettres dont on connaît à présent les noms : A. Daudet, bientôt remplacé par son fils Léon, Huysmans. O. Mirbeau, les deux frères Rosny, Hennique, G. Geffroy, P. Margueritte, rejoints un peu plus tard par L. Descaves et E. Bourges, élus par leurs pairs. Dotés d'une rente de 6 000 F, ils se réunissent chaque mois pour un « dîner à 20 F par tête » : ce repas (un déjeuner depuis 1912), d’abord pris chez Champeaux, puis au Café de Paris, est aujourd’hui fermement installé au restaurant Drouant, place Gaillon, où les jurés disposent de couverts gravés au nom de leurs prédécesseurs à chacun! Pour l’anecdote, on rappellera aussi la « rente provisoire » de 5 000 F voulue par E. de Goncourt : une belle somme pour l'époque, mais bientôt rongée par l’inflation et réduite maintenant à un chèque symbolique de 50 F — souvent gardé par le destinataire! Mais l'important est bien sûr l’événement littéraire que constitue le prix chaque année, à la fin novembre : avec son petit frère, le prix Théophraste-Renaudot (1926), et ses concurrents (le Femina, 1904; le prix du Roman de l'Académie française, 1914; l’interallié, 1930, et le Médicis, 1958), mais plus efficace qu’eux tous, le Goncourt occupe en effet l’actualité avec un livre dont il fait, par sa seule grâce, un succès de librairie [voir Prix littéraires].

 

Une chronique agitée

 

La progression des chiffres est parlante, malgré la différence entre les époques : des 5 000 exemplaires d’avant 1914 au demi-million (et plus) des meilleures réussites actuelles, l’histoire des Goncourt et du Goncourt marque d’abord le succès d’un outil de promotion. Les crises, cependant, n’ont pas manqué dans une chronique qui, d’élections difficiles en votes douteux, permet aussi de discerner des choix littéraires, des mouvements d’opinion et de goûts.

 

Parmi les membres les plus célèbres : Jules Renard (1907), qui succède à Huysmans, Judith Gautier (1910), fille de Théophile et première femme élue, H. Céard (1918), Courteline (1926), F. Carco (1937) et... Sacha Guitry (élection difficile en 1939 et démission en 1948, après la mort de R. Benjamin). On notera aussi, à la Libération, la démission de La Varende (après l’élection du critique A. Billy) et surtout l’espèce d’épuration littéraire qui écarte des débats, sous des formes diverses, R. Benjamin, J. Ajalbert et S. Guitry. Après la guerre sont élus entre autres Colette, bien sûr (1945), P. Mac Orlan ( 1950), R. Queneau (1951), malgré certaines oppositions — comme à l’élection d'H. Bazin (1958) — deux grands noms, encore, avec J. Giono (1967) et Aragon (1967, démission en 1968). Plus près de nous, enfin, M. Tournier (1972), F. Mallet-Joris (1970), J. Cayrol (1973), F. Nourissier et A. Stil (1977), B. Clavel aussi (1971, démission en 1977) dont l’élection surprise contre F. Marceau provoque une belle polémique entre P. Hériat, R. Queneau, A. Salacrou et leurs confrères.

 

C’est cependant pour ou contre le prix que l’on se bat le plus fort : pour ou contre tel ou tel lauréat, pour ou contre son attribution ou son existence même. Déjà avant 14, les décisions du jury sont contestées puisque celui-ci a préféré J.-A. Nau à C.-L. Philippe, A. Savi-gnon à J. Benda, M. Elder à Alain-Fournier, à Proust et à Valéry Larbaud! Avec la Première Guerre, le prix est d’abord différé (1914), puis c’est le roman d’un blessé (R. Benjamin, 1915), des romans patriotiques ou de guerre qui l’emportent (notamment le Feu, de Barbusse, 1916). Les contestations et les luttes reprennent après la guerre, par exemple à propos de Maran (1921, contre Chardonne), de Fabre (1923, contre Mauriac) ou de Sandre (1924, contre Morand). Aucun prix, cependant, ne sera plus discuté que celui de 1932 où G. Mazeline l’emporte sur Céline : celui-ci, en faveur de qui une majorité semblait se dégager, a-t-il fait peur ou bien certains membres ont-ils changé de vote pour des raisons moins avouables? Le cas, en fait, est moins symptomatique d’une quelconque malhonnêteté du jury que de sa prudence excessive : en effet, pour un Proust, finalement reconnu en 1919, ou un Malraux (1933), que de Mazeline et de Pérochon...

 

Les risques du succès

 

La Seconde Guerre désorganise et divise le jury et l’on y décèle des fractures que la Libération confirme avec non seulement le départ de certains membres, mais avec, aussi, le prix d’E. Triolet (1944), bien loin idéologiquement d’un H. Pourrat (1941). Depuis lors, peut-on vraiment discerner une logique ou une grande tendance dans l’attribution des quarante derniers prix? En fait, si la qualité d’ensemble est meilleure qu'avant guerre, on note plus de romans solides que de créations audacieuses

goncourt

« --- Femina, 1904; le prix du Roman de l'Académie fran­ çaise, 1914; l'Interallié, 1930, et le Médicis, 1958), mais plus efficace qu'eux tous, le Goncourt occupe en effet J'actualité avec un livre dont il fait, par sa seule grâce, un succès de librairie [voir PRIX UTTÉRAJRES).

Une chronique agitée La progression des chiffres est parlante, malgré la différence entre les époques : des 5 000 exemplaires d'avant 1914 au demi-million (et plus) des meilleures réussites actuelles, l'histoire des Goncourt et du Gon­ court marque d'abord le succès d'un outil de promotion.

Les crises, cependant, n'ont pas manqué dans une chro­ nique qui, d'élections difficiles en votes douteux, permet aussi de discerner des choix littéraires, des mouvements d'opinion et de goûts.

Parmi les membres les plus célèbres : Jules Renard ( 1907), qui succède à Huysmans, Judith Gautier (191 0), fille de Théophile et première femme élue, H.

Céard (1918), Courteline (1926), F.

Carco (1937) et ...

Sacha Guitry (élection difficile en 1939 et démission en 1948, après la mort de R.

Benjamjn).

On notera aussi, à la Libération, la démission de La Varende (après l'élection du critique A.

Billy) et surtout l'espèce d'épuration litté­ raire qui écarte des débats, sous des formes diverses, R.

Benjamin, J.

Ajalbert et S.

Guitry.

Après la guerre sont élus entre autres Colette, bien sûr ( 1945), P.

Mac Orlan (1950), R.

Queneau (1951), malgré certaines oppo­ sitions -comme à l'élection d'H.

Bazin (1958) -deux grands noms, encore, avec J.

Giono (1967) et Aragon (1967, démission en 1968).

Plus près de nous, enfin, M.

Tournier ( 1972), F.

Mallet-Joris ( 1970), J.

Cayrol ( 1973), F.

Nourissier et A.

Stil (1977), B.

Clavel aussi ( 1971, démission en 1977) dont 1 'élection surprise contre F.

Marceau provoque une belle polémique entre P.

Hériat, R.

Queneau, A.

Salacrou et leurs confrères.

C'est cependant pour ou contre le prix que l'on se bat le plus fort : pour ou contre tel ou tel lauréat, pour ou contre son attribution ou son existence même.

Déjà avant 14, les décisions du jury sont contestées puisque celui-ci a préféré J.-A.

Nau [voir NAU) à C.-L.

Philippe, A.

Savi­ gnon à J.

Benda, M.

Eider à Alain-Fournier, à Proust et à Valery Larbaud! Avec la Première Guerre, le prix est d'abord différé (1914), puis c'est le roman d'un blessé (R.

Benjamin, 19 15), des romans patriotiques ou de guerre qui l'emportent (notamment le Feu, de Barbusse, 1916).

Les contestations et les luttes reprennent après la guerre, par exemple à propos de Maran ( 1921, contre Chardonne), de Fabre ( 1923, contre Mauriac) ou de San­ dre (1924, contre Morand).

Aucun prix, cependant, ne sera plus discuté que celui de 1932 où G.

Mazeline l'em­ porte sur Céline : celui-ci, en faveur de qui une majorité semblait se dégager, a-t-il fait peur ou bien certains membres ont-ils changé de vote pour des raisons moins avouables? Le cas, en fait, est moins symptomatique d'une quelconque malhonnêteté du jury que de sa pru­ dence excessive : en effet, pour un Proust, finalement reconnu en 1919, ou un Malraux ( 1933), que de Mazeline et de Pérochon ...

Les risques du succès La Seconde Guerre désorganise et divise le jury et 1' on y décèle des fractures que la Libération confirme avec non seulement le départ de certains membres, mais avec, aussi, le prix d' E.

Triolet ( 1944), bien loin idéolo­ giquement d'un H.

Pourrat (1941).

Depuis lors, peut-on vraiment discerner une logique ou une grande tendance dans l'attribution des quarante derniers prix? En fait, si la qualité d'ensemble est meilleure qu'avant guerre, on note plus de romans solides que de créations audacieuses (la Loi, de Vailland, 1957, contre la Modification, et Lanoux en 1963, contre Le Clézio) -1 'audace venant parfois après coup (M.

Duras, 1984).

D'un autre côté et de façon plus positive, on peut observer un effort vers la francophonie (le Suisse J.

Chessex, 1973, ou l'Aca­ dienne A.

Maillet, 1979) et l'utilisation de la renommée des Goncourt au profit d'autres livres : la sélection de romans annoncée à l'avance, la bourse de la nouvelle (1974), du récit historique (1974), de la biographie (1980), de la poésie (1985), toutes attribuées en pro­ vince, vont dans ce sens.

C'est cependant l'existence même du prix et de ce qu'il représente que discutent certains critiques et cer­ tains écrivains.

Le Goncourt n'est plus, en effet, la récompense confidentielle du début du siècle; il est devenu un événement médiatique (et commercial) à part entière qui intéresse le grand public, et l'on rapporte les moindres détails de sa petite histoire : les transes de l'un avant le résultat, l'absence scandaleuse de l'autre au palmarès (R.

Sabatier en 1969), l'utilisation par tel troisième de ses droits d'auteur- un journaliste allant même jusqu'à s'enfermer dans une armoire pour connaî­ tre le secret des délibérations ...

! Ce vedettariat et cette fièvre médiatique n'ont pas grand rapport, il faut l'avouer, avec la littérature : J.

Gracq y réagit en refusant le prix (1951) après avoir dénoncé ce qu'il appelle « la Littérature à l'estomac».

D'autres lanceront des tracts chez Drouant ( 1952), éviteront toute rencontre avec la presse (S.

de Beauvoir, 1954), agresseront même le jury à coups de cocktails Molotov, de tartes à la crème, de ketchup ou de contre-prix lettristes, maniant tantôt l'in­ jure, tantôt la dérision.

C'est que les griefs sont nom­ breux et graves.

en dehors même de l'exhibition publici­ taire qu'on reproche au Goncourt.

D'abord le soupçon d'éventuelles manœuvres éditoriales destinées à s'an­ nexer le pactole par le biais de jurés influents, influença­ bles ou simplement trop bienveillants; d'où, aussi, le dosage difficile de ces mêmes jurés et des prix entre les différents éditeurs: Gallimard, largement prépondérant, Grasset, Albin Michel, Julliard, le Seuil.

..

et les autres, mis à la portion congrue et criant à l'injustice.

Plus inté­ ressantes sur un plan littéraire, certaines hésitations de l'Académie elle-même, bien résumées par P.

Hériat en 1963 :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles