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ACTE I : LE MISANTHROPE - Analyse de la Pièce - Molière

Publié le 08/03/2011

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       Alceste et Philinte. — L'homme au sonnet.    4 juin 1666.-Juin, ce n'est pas la belle saison pour le théâtre, mais on sait de reste que « les grands auteurs ne veulent guère exposer leurs pièces nouvelles que depuis la Toussaint jusqu'à Pâques « : les comédies sont spectacles d'été. C'est un-vendredi : « la première représentation d'une pièce nouvelle se donne toujours le vendredi, pour préparer l'assemblée à se rendre plus grande le dimanche suivant, par les éloges que lui donnent l'annonce et l'affiche «. L'annonce, chère à Molière, n'a pas été faite par lui, obligé qu'il est de se ménager : depuis 1664, c'est La Grange qui annonce à sa place. La pièce est affichée pour deux heures ; mais le public, qui sait ce qu'affiche veut dire, n'a garde de prendre sitôt le chemin du  Palais-Royal. Vers quatre heures seulement, le théâtre commence à s'emplir. Le parterre d'abord où « le clerc « a, pour la circonstance, acheté le droit d'applaudir ou de siffler, non pour quinze sous, mais pour trente ; c'est jour de « première « : « on joue au double «. Puis se garnissent les premières loges, l'amphithéâtre, les loges hautes où la place a été payée de trois à onze livres. Enfin, à la dernière minute, les possesseurs de « billets de théâtre « mentent sur scène.

« Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus. Philinte. Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte? Alceste. Allez, vous devriez mourir de pure honte ; Une telle action ne saurait s'excuser, Et tout homme d'honneur s'en doitscandaliser.

Je vous vois accabler un homme de caresses, Et témoigner pour lui les dernières tendresses ; Deprotestations, d'offres et de serments Vous chargez la fureur de vos embrassements ; Et quand je vous demandeaprès quel est cet homme, A peine pouvez-vous dire comme il se nomme ; Votre chaleur pour lui tombe en vousséparant, Et vous me le traitez, à moi, d'indifférent.

Morbleu ! c'est une chose indigne, lâche, infâme, De s'abaisserainsi jusqu'à trahir son âme ; Et si, par un malheur, j'en avais fait autant, Je m'irais, de regret, pendre tout àl'instant. Voilà donc la cause de ce grand courroux ! La mode était alors, entre gens du bel air, de prodiguer les embrassades,en manière de salutation, comme elle sera en d'autres temps de se saluer du bout des doigts et se dire bonjour dubout des lèvres, comme elle est aujourd'hui à ces américaines poignées de mains qu'on appelle shake hand.

Molières'était déjà moqué de ce ridicule dans les Fâcheux, où il laisse deux de ses importuns « dans les convulsions de leurscivilités ».

L'usage datait de loin puisqu'on en trouve la trace chez les écrivains du XVIe siècle, et que Montaignes'en est plaint.

Il survivra au Misanthrope.

Le Théognis de La Bruyère «embrasse un homme qu'il trouve sous sa main; il lui presse la tête contre sa poitrine ; il demande ensuite qui est celui qu'il a embrassé ».

Tel est le crime dePhilinte. L'ami d'Alceste a-t-il, pour si peu, mérité d'être rangé parmi les « cœurs corrompus » ? L'exagération même destermes, — mourir de pure honte...

se scandaliser...

chose indigne, lâche, infâme...

s}abaisser...

trahir son âme...s'aller pendre, — est un trait du caractère d'Alceste.

Cette disproportion entre le mot et la chose qui, mêmeaujourd'hui, éclate aux yeux, choquait plus encore au XVIIe siècle.

Nous avons pris l'habitude de l'hyperbole : elle nefait plus se retourner les gens.

Ajoutez que les mots s'usent: « honte », « scandale », pour avoir beaucoup servi,ont perdu beaucoup de leur force.

Ce sont médailles frustes, auxquelles nous avons peine à restituer leur relief. Notons-le une fois pour toutes : sur le fond des choses, sur les principes, nous sommes presque toujours d'accordavec Alceste.

Le désaccord porte sur la question de forme, — et sur celle d'opportunité.

Alceste dira : Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur,On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. Nous le voulons aussi.

La question est de savoir si, en certains cas, le mieux n'est pas de se taire. Heurté par ce terme d' « ami » dont s'est servi Philinte, Alceste établit entre l'amitié véritable et son semblant une distinction, à laquelle chacun de nous est prêt à souscrire : Sur quelque préférence une estime se fonde, Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.

Puisque vous ydonnez dans ces vices du temps, Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens.

Je refuse d'un cœur la vastecomplaisance, Qui ne fait de mérite aucune différence ; Je veux qu'on me distingue ; et, pour le trancher net, L'amidu genre humain n'est pas du tout mon fait. L'amitié suppose le choix : qui le conteste ? La question est de savoir si, pour s'être conformé à l'usage du monde etaux règles d'une politesse tout extérieure, on devient incapable et indigne d'amitié vraie. Ces principes absolus, dont nous tombons d'accord avec Alceste, doivent-ils entrer dans la pratique de la vie socialesans subir d'atténuation ? Oui, proclame sans hésiter l'intransigeance de notre misanthrope.

Non, répond la sagesseavertie de Philinte.

Telles sont, à l'égard du « monde », les deux attitudes que personnifient les deux rôles. Philinte. Mais, quand on est du monde, il faut bien que l'on Quelques dehors civils que l'usage demande, [rende Alceste. Non, vous dis-je, on devrait châtier sans pitié Ce commerce honteux de semblants d'amitié. Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute ren- [contre. »

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