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ACTE I, SCÈNE 4 - Electre de Giraudoux

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Égisthe cherchera plusieurs fois à imposer le silence à Électre comme à Clytemnestre : « Vais-je pouvoir parler ? », « Va-t-il falloir te faire taire de force ! », « Est-ce fini, oui ou non, Clytemnestre ? », « Silence ! », « Cela suffit »...

« cesser le duel entre les deux femmes.

Électre hésite entre tutoiement et vouvoiement lorsqu'elle s'adresse à samère. Enfin, preuve même que cette scène d'opposition est un sys-tème complexe : l'affrontement de Clytemnestre etd'Électre est-il un duel entre mère et fille ou un duel entre femmes ? La répétition : obstination et maturation Cette question est d'un intérêt capital.

En effet, il est trop simpliste de considérer que le mouvement de la scèneest régi par le seul souci de souligner l'obstination d'Électre.

Certes, la scène révèle le choix de la jeune fille, d'unestratégie qui est autant celle de la guerre de position que celle de la guerre psychologique, ce qui détermine, biensûr, tout le mouvement dramatique. Mais on précisera que l'obstination n'est pas uniquement le fait d'Électre.

Après un temps de répit (le conflit entreClytemnestre et le Jardinier est une pause illusoire), la querelle reprend de plus belle, ce que met en évidence laquestion impuissante d'Égisthe : « Vont-elles recommencer ? ».

Le même Égisthe fera remarquer son obstination àClytemnestre, fascinée par une querelle à laquelle elle revient malgré elle : « Qui la croit, qui l'écoute, excepté vous?.

» Cette obstination fait des deux femmes, proches par le sang, deux adversaires farouches qui ne s'épargnent guère.L'enjeu paraît dérisoire : « Quel intérêt présente maintenant la question ? », s'étonne le Président.

Cetteobstination, c'est bien évidemment la recherche de la vérité.

Et si Électre harcèle sa mère, c'est parce qu'elle estpersuadée qu'elle réus sira.

Le débat autour de la chute du jeune Oreste semble déri-soire, presque abstu.de.

Électre a toutes les apparences de la paranoïa.

Comment pourrait-elle se souvenir aussi précisément de tous ces détails quiprennent systématiquement ' le contre-pied des allégations maternelles ? « Elles sont de bonne foi toutes deux. C'est ça la vérité », propose comme éclaircissement le Mendiant. Mais l'obstination d'Électre a une autre valeur : elle est le signe d'une progression, d'une maturation.

Ce n'est pastant la mémoire d'Électre qu'il faut admirer que son intuition et sa volonté.

Celle qui affirme : « Je suis la veuve demon père, à défaut d'autres », n'a pas encore mis en pleine lumière la vérité.

Égisthe qui l'a qualifiée de «somnambule en plein jour » n'a pas compris qu'Électre est une conscience en marche, une mémoire intemporelle («D'au-delà de toute mémoire, , je me le rappelle »). Aussi le rôle du dialogue, avec ses temps forts, ses hésitations, ses reprises, ses outrances, son agressivité est-ild'amener à maturation la vérité, de lui donner une consistance par les mots.

Le harcèlement d'Électre n'est pas celuid'une fille dénaturée s'acharnant sur sa mère ; il est le difficile cheminement du somnambule avant le réveil. Quelle vérité ? Dans une scène où s'affrontent aussi violemment deux vérités, il paraît difficile de ne pas accorder un plein crédit àÉlectre, ne serait-ce que parce qu'elle représente la justice intégrale.

Cependant la jeune fille invente sa vérité.Comment pour-rait-elle se souvenir de ce qui s'est passé alors qu'elle avait quinze mois ? Cette vérité est ressentiecomme fondamentale, essentielle.

« Si c'est moi qui ai poussé Oreste, j'aime mieux mourir, j'aime mieux me tuer [...].Ma vie n'a aucun sens !)>, tel est le credo d'Électre.

On l'a déjà remarqué : chez elle, il n'y a pas présence attestéede la vérité par des faits tangibles ou par des preuves, mais il y a intuition de la vérité. C'est le thème de la chute originelle du jeune frère qui va servir de point de départ et de leitmotiv à la véritéd'Électre.

Elle lutte pied à pied, face aux souvenirs vraisemblables de sa mère.

Elle en est réduite à nier (« C'est fauxJe n'ai pas poussé Oreste ! »), à prendre Oreste, l'absent, à témoin (« Ô- Oreste où que tu sois, entends-moi ! »), àaccuser Clytemnestre (« Elle ment, Oreste, elle ment !), à inventer et à fabriquer des souvenirs (elle ira jusqu'àprétendre avoir retenu Oreste « [...] Par son sillage.

Par son ombre »).

L'argumentation est invraisemblable.

Etpourtant le spectateur croit en Électre. Sans doute la grande force d'Électre est-elle sa pureté intransigeante, ce goût tragique de l'absolu.

Chez elle,aucune compromission, aucune peur.

C'est Égisthe qui sursaute lorsque le Mendiant crie le nom d'Électre.

Électre necache rien ; elle révèle directement ou indirectement.

Parlant du « complot » d'Égisthe et de Clytemnestre, elleévoque sans le savoir celui qui a coûté la vie à son père.

Le spectateur se persuade de .r l'innocence d'Électrelorsque sont dénoncées les menées souterraines d'Égisthe contre les prétendants (« On dit que vous avez menacésecrètement de mort tous les princes qui pourraient épouser Électre »).

De même, il ne peut que remarquerl'évidente mauvaise foi de Clytemnestre face au Jardinier : son jardin n'est pas un terrain vague et ses ongles nesont pas noirs.

À la fin de la scène, lorsque le Mendiant affirme : « J'ai idée qu'elle aussi a peur, la mère », il portel'estocade.

De cette peur, il avait été question dès la scène 1 (cf.

les Petites Euménides évoquant Clytemnestre, acte I, scène 1).

Décidément, la vérité paraît avoir déserté le camp de la reine et du régent.. »

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