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Lecture méthodique de l’acte II, scène 6 d'Electre de Giraudoux

Publié le 07/01/2020

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Agathe. - Je suis jolie et il est laid. Je suis jeune et il est vieux. J’ai de l’esprit et il est bête. J’ai une âme et il n’en a pas. Et c’est lui qui a tout. En tout cas, il m’a. Et c’est moi qui n’ai rien. En tout cas, je l’ai. Et jusqu’à ce matin, moi qui donnais tout, c’est moi qui devais paraître comblée. Pourquoi?... Je lui cire ses chaussures. Pourquoi ?... Je lui brosse ses pellicules. Pourquoi ?... Je lui filtre son café. Pourquoi ? Alors que la vérité serait que je l’empoisonne, que je frotte son col de poix et de cendre. Les souliers encore, je comprends. Je crachais sur eux. Je crachais sur toi. Mais c’est fini, c’est fini... Salut, ô vérité. Électre m’a donné son courage. C’est fait, c’est fait. J’aime autant mourir !

Le mendiant. - Elles chantent bien, les épouses.

Le président. - Qui est-ce ?

Électre. - Écoute, mère ! Écoute-toi ! C’est toi qui parles !

Agathe. - Qui est-ce? Ils croient, tous ces maris, que ce n’est qu’une personne!

Le président. - Des amants ? Tu as des amants ?

Agathe. - Ils croient que nous ne les trompons qu’avec des amants. Avec les amants aussi, sûrement... Nous vous trompons avec tout. Quand ma main glisse, au réveil, et machinalement tâte le bois du lit, c’est mon premier adultère. Employons-le, pour une fois, ton mot « adultère ». Que je l’ai caressé, ce bois, en te tournant le dos, durant mes insomnies1 C’est de l’olivier. Quel grain doux ! Quel nom charmant! Quand j’entends le mot «olivier» dans la me, j’en ai un sursaut. J’entends le nom de mon amant ! Et mon second adultère, c’est quand mes yeux s’ouvrent et voient le jour à travers la persienne. Et mon troisième, c’est quand mon pied touche l’eau du bain, c’est quand j’y plonge. Je te trompe avec mon doigt, avec mes yeux, avec la plante de mes pieds. Quand je te regarde, je te trompe. Quand je t’écoute, quand je feins de t’admirer à ton tribunal, je te trompe. Tue les oliviers, tue les pigeons, les enfants de cinq 35 ans, fillettes et garçons, et l’eau, et la terre, et le feu ! Tue ce mendiant. Tu es trompé par eux.

Extrait de l’acte II, scène 6, p. 96-97.

La première tirade d'Agathe est un habile plaidoyer pro domo\\ Elle explique son infidélité de telle sorte qu'elle retourne à son avantage sa situation, inconfortable pour l'époque1 2, de femme adultère.

La description qu'elle fait de son couple la place d'abord en position de victime : « Je suis jolie et il est laid » (1.1 ). Traditionnellement, la conjonction de coordination « et » possède une valeur additive. De plus, quand elle relie les pronoms personnels « je » et « il » (ou « lui »), le pluriel attendu est un « nous », qui symbolise l'image même du couple. Ici au contraire, la conjonction « et » équivaut à une disjonction : elle n'unit plus, elle sépare. La suite des antithèses accentue cette séparation : « jolie » / « laid » ; « jeune » / « vieux » ; « esprit / bête » ; « tout » / « rien ». Par ce cri de vérité, Agathe capte la sympathie du spectateur. Pourquoi resterait-elle en effet fidèle à un tel mari ?

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« t'écoute, quand je feins de t'admirer à ton tribunal, je te trompe.

Tue les oliviers, tue les pigeons, les enfants de cinq 35 ans, fillettes et garçons, et l'eau, et la terre, et le feu! Tue ce mendiant.

Tu es trompé par eux.

Extrait de l'acte II, scène 6, p.

96-97.

--· INTRODUCTION Situation du passage Clytemnestre a fini par avouer à sa fille qu'elle avait un amant.

Électre la presse de lui dire le nom de cet homme.

Clytemnestre n'a pas le temps de lui répondre : surviennent Agathe et le pré­ sident en pleine scène de ménage.

Le président somme sa femme de lui révéler qui est son amant.

Loin de nier son infidé­ lité, Agathe la reconnaît et même la clame.

Abasourdi, le prési­ dent n'en croit pas ses oreilles.

Il n'est pas au bout de ses sur­ prises.

Agathe lui entonne la« chanson des épouses)): c'est un cri de haine et de dégoût à l'égard de son mari.

Justification des axes d'étude En deux tirades brièvement séparées par les commentaires du mendiant et d'Électre, Agathe se libère de ses humiliations conjugales trop longtemps accumulées et supportées en silence.

Elle le fait en une plaidoirie habile qui, pour être d'un comique cruel, n'en constitue pas moins une scène clé de l'intrigue.

UNE PLAIDOIRIE HABILE Renouvelant le thème de la femme infidèle, Jean Giraudoux prend soin de faire d'Agathe un personnage qui échappe à toute vulgarité.

Celle-ci ne manque pas en effet d'arguments pour jus­ tifier son adultère et elle sait dépasser son cas personnel pour s'ériger en avocate de la cause des épouses malheureuses.. »

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