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ACTE II, SCÈNE 7 (Electre de Giraudoux)

Publié le 17/01/2022

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Le comportement d'Électre dans la scène est des plus intéressants. C'est à elle qu'Égisthe s'adresse dès la première réplique (« Électre est là [...] Merci, Électre! »). Puis, c'est un hymne à ses dons de devineresse et d'éveilleuse de conscience qu'il entonne, s'interrogeant sur la vivante énigme qu'est la jeune fille. Clytemnestre, comme le Président, se méprendront sur le sens de ces propos, n'y voyant que des louanges déplacées, propres à faire rougir Électre.

« Christ Jésus », selon ses propres termes, sur le chemin de Damas.

D'abord aveuglé par cette lumière divine, Pauldevait recouvrer la vue après son baptême.

Pour Égisthe, il s'agit d'une révélation dans la lumière du matin.

Ilévoque ainsi « le lever du jour », « le soleil levant sur Argos ».

Cette révélation est un don d'essence divine (« Dieuau matin ne mesure pas ses cadeaux ») qui reste à l'échelle humaine (« Pour toujours j'ai reçu ce matin ma villecomme une mère son enfant »).

Cependant, pour Marianne Mercier-Campiche, « cette déclaration d'Égisthe al'aspect d'une conversion, mais d'une conversion laïque » (Le Théâtre de Giraudoux et la condition humaine). Effectivement, ce n'est pas en saint que se transforme Égisthe, mais en roi, et la métaphore de « l'huile sainte » nedoit pas faire illusion. Transfiguration, cette révélation transforme profondément le personnage d'Égisthe, jusqu'alors autoritaire,méprisant, sûr de lui.

Il y a une véritable transcendance de l'être, ce que traduit la présence de l'oiseau au-dessusde sa tête, preuve tangible de cette métamorphose, auréole et couronne tout à la fois.

Elle rappelle qu'Égisthe estun élu du destin.

L'oiseau royal (Clytemnestre demande s'il s'agit d'un milan ou d'un aigle) dorme une légitimité au roiqui s'est déclaré en Égisthe.

Le langage est l'autre preuve matérielle de cette transfiguration.

Il suffit d'examiner lesrépliques où il s'adresse à Électre, en une langue empreinte de poésie et d'émotion.

Il suffit sur- tout de regarder la tirade des pages 105-106 et la tenue du discours.

Aucun doute, la langue a gagné ennetteté, en précision, mais aussi en noblesse, en force et en conviction. État de grâce, la révélation a élevé Égisthe à des vues plus hautes, loin des réalités mesquines.

C'est ainsi qu'ilrenonce à son rôle de régent comme à son rôle d'amant.

Il met à l'écart Agathe, reléguée au rang d'épouseinfidèle, et le Président.

« Je ne suis plus celui qui t'a pris Agathe », déclare-t-il à ce dernier.

De même, ilépouse Clytemnestre « pour rejeter un peu de vérité dans le mensonge passé ».

Son patriotisme est à la foisnoble et réaliste, parce qu'il est à dimension humaine.

Égisthe fait preuve d'humilité lorsqu'il s'affirme heureuxqu'on lui ait fait le don d'une patrie à sa mesure, d'une cité qui a nom Argos plutôt qu'un pays lointain ou uneville prestigieuse : « Quelle joie ! On m'a donné la place aux bestiaux d'Argos et non les trésors de Corinthe, lenez court des filles d'Argos et non le nez de leur Pallas, le pruneau ridé d'Argos et non la figue d'or de Thèbes ! Pour cette patrie, il est prêt à faire son devoir de roi et à assumer son destin jusqu'à la mort.

« Pur, fort,parfait », tel se sent Égisthe, accordé à la patrie révélée. L'attitude d'Électre Le comportement d'Électre dans la scène est des plus intéressants.

C'est à elle qu'Égisthe s'adresse dès lapremière réplique (« Électre est là [...] Merci, Électre! »).

Puis, c'est un hymne à ses dons de devineresse etd'éveilleuse de conscience qu'il entonne, s'interrogeant sur la vivante énigme qu'est la jeune fille.Clytemnestre, comme le Président, se méprendront sur le sens de ces propos, n'y voyant que des louangesdéplacées, propres à faire rougir Électre.

Celle-ci se cantonne dans un mutisme total.

Et pourtant, malgré cesilence, Égisthe semble vouloir revenir sans cesse vers ce même foyer, comme s'il était le centre de toutes sespréoccupations.

Avant qu'Électre ne se décide à parler, il aura employé à onze reprises son nom, devenu unleitmotiv obsédant où la jeune fille est appelée comme témoin, comme caution de cette renaissance. Pendant tout ce temps, Électre se tait.

Il faudra attendre la page 106, soit 65 répliques (y compris la longue tiraded'Égisthe), pour qu'elle se décide à parler.

À quoi tient donc ce mutisme ? Quelle signification peut-on lui donner ? Tout d'abord, l'étonnement.

La métamorphose d'Égisthe est un coup de théâtre.

Sans doute était-il le dernierpersonnage dont on pouvait attendre une aussi radicale métamorphose.

Ensuite, le trouble.

C'est en effet à Électrequ'Égisthe s'adresse initialement et préférentiellement, c'est à elle qu'il revient.

Ce qu'elle entend, pour la premièrefois, c'est la reconnaissance de son identité profonde, de son rôle.

Jusqu'alors, Égisthe ne la considérait que commeune fauteuse de troubles.

Comment ne pas être troublée ? Enfin, Électre peut être déstabilisée par cettemétamorphose d'Égisthe que sa nouvelle noblesse, son humilité, son état de grâce, sa prise de conscience d'undevoir devraient lui rendre particulièrement proches.

Après tout, elle n'a pas trouvé autant de grandeur morale chezson jeune frère, Oreste.

Voir Égisthe soucieux de la patrie — la terre du père — est bien troublant pour celle dont lepère est, à proprement parler, l'unique patrie, l'unique raison de vivre.Si le destin d'Égisthe est totalement changé, que va devenir celui d'Électre ? Il ne reste à celle-ci qu'à nier lapurification du régent qui s'est déclaré roi, à lui dénier la légitimité de son prétendu « devoir », à redevenir ce blocde haine et de refus qu'elle a toujours été.

C'est l'attitude qu'Électre adopte à partir de ce moment, allant jusqu'àappeler son frère au secours.

Elle consomme ainsi haine et refus jusqu'à la limite de son devoir.Une telle attitude est-elle logique ? Oui, si l'on n'oublie pas que le personnage d'Électre est essentiellement axé surl'inflexibilité et l'intransigeance.

« On n'a le droit de sauver une patrie qu'avec des mains pures » n'est jamais que lareprise d'un thème fondamental chez Électre.

Malgré la menace qui pèse sur Argos, malgré l'indéniable grandeurmorale d'Égisthe, Électre persiste dans son obstination farouche.

Bien sûr, il y a là une représentation exemplaire del'hybris , chère aux tragiques grecs.

Mais cette démesure a une réelle cohérence : si la jeune fille renonçait à sesexigences initiales, son rôle dramatique n'aurait plus de raison d'être.Grandeur et médiocrité :une ligne de partage des personnagesLa scène semble être un aboutissement qui met en relief une différence essentielle entre deux types depersonnages.

D'un côté, il y a la race des héros, de l'autre celle des médiocres.

On ne tiendra pas compte du rôleambigu du Mendiant, dont on ignore la véritable identité.

Les héros, ce sont principalement Électre et Égisthe.

Ilsont accédé à un statut très particulier, à une grâce qui les a mis à part, qui les isole.

D'ailleurs, si Égisthe a tant. »

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