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ACTE IV La jalousie d'Alceste (Le Misanthrope de Molière)

Publié le 08/03/2011

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alceste

   Assurés, comme nous le sommes, que la menace d'Arsinoé n'est pas vaine, nous sentons venir la scène d'explication, — la scène à faire, — qui va éclater, comme éclate un orage prévu, entre Célimène et Alceste. Patientons encore un peu : nous avons à recevoir quelques indications nécessaires pour comprendre la suite des événements. On nous avise d'abord que l'affaire du sonnet a été arrangée tant bien que mal, le tribunal des maréchaux s'étant empressé d'envelopper toute la procédure dans une embrassade. Puis Eliante nous renseigne sur l'état de son âme et sur ses projets. Certes ses préférences sont pour Alceste : elle aussi, elle subit l'attrait qu'exerce sur les cœurs féminins cette nature singulière...

alceste

« raison que nous avons déjà dite et parce que, pas plus qu'Alceste, elle n'a sur cet article du code de l'honneur desscrupules qui seront d'une autre époque.

Elle nie, non pas que la lettre soit d'elle, mais qu'elle soit pour Oronte : Oronte ! qui vous dit que la lettre est pour lui ? Mais si c'est une femme à qui va ce billet ?... Pauvre défaite, mensonge insoutenable.

L'affaire est mal engagée, elle prend mauvaise tournure.

Célimène va-t-elleachever de se perdre en se noyant dans les explications ? Elle est femme et trop fine pour commettre une si lourdefaute.

Un coup de stratégie féminine va la tirer d'affaire.

Aux questions d'Alceste qui la presse de se défendre etdéjà s'apprête à triompher de ses « ruses grossières », elle riposte par ce simple mot qui coupe court à toutediscussion : Il ne me plaît pas, moi. Une femme, et qui se sait aimée, quel besoin a-t-elle de chercher à se disculper ? Elle n'a de loi que son bon plaisiret c'est l'a.

b.

c.

de la coquetterie. Cette réplique marque un changement de front.

D'Alceste l'offensive passe à Célimène.

Tout à l'heure réduite às'excuser, elle relève la tête, défie l'adversaire.

Lui, se replie, baisse le ton, du reproche passe à la plainte, supplieCélimène de prouver son innocence, s'offre presque à l'y aider. Ah ! que vous savez bien ici, contre moi-même,Perfide, vous servir de ma faiblesse extrême,Et ménager pour vous l'excès prodigieuxDe ce fatal amour né de vos traîtres yeux !Défendez-vous au moins d'un crime qui m'accable,Et cessez d'affecter d'être envers moi coupable ;Rendez-moi, s'il se peut, ce billet innocent :A vous prêter les mains ma tendresse consent ;Efforcez-vous ici de paraître fidèle,Et je m'efforcerai, moi, de vous croire telle. Mais nous savons déjà qu'il ne plaît pas à Célimène... Bien loin d'entrer dans cette voie périlleuse, elle s'en détourne résolument.

Il n'en sera plus question.

Quand un sujetvous désoblige, le mieux n'est-il pas de l'écarter ? C'est ce que font d'instinct les enfants, de qui les femmes ontappris ce manège.

Célimène n'y manque pas.

Elle parle d'autre chose, rappelle mainte obligeante assurance qu'elle adonnée à Alceste de ses sentiments, lui laisse entrevoir qu'elle pourrait bien ne le point haïr, en vient aux reproches,aux plaintes, à l'éternel argument de toute femme qui se sait passionnément aimée : Non, vous ne m'aimez point comme il faut que l'on aime. Le détour est habile ; Alceste s'y prête aisément, déjà il a oublié l'objet de sa querelle, pour ne plus songer qu'à cereproche, le plus cruel au cœur d'un amoureux : Ah ! rien n'est comparable à mon amour extrême ;Et dans l'ardeur qu'il a de se montrer à tous,Il va jusqu'à former des souhaits contre vous.Oui, je voudrais qu'aucun ne vous trouvât aimable,Que vous fussiez réduite en un sort misérable,Que le Ciel, en naissant, ne vous eût donné rien;Que vous n'eussiez ni rang, ni naissance, ni bien,Afin que de mon cœur l'éclatant sacrificeVous pût d'un pareil sort réparer l'injustice,Et que j'eusse la joie et la gloire, en ce jour,De vous voir tenir tout des mains de mon amour. Qu'on se rappelle la violence avec laquelle s'exprimait son courroux au début de la scène; qu'on en rapproche laviolence de l'explosion amoureuse sur laquelle la scène se termine : le revirement est complet, le contraste absolu.Ou, pour mieux dire, l'emportement est le même et ce ne sont que deux formes différentes de la même passion.

Asoupçonner, à quereller Célimène, Alceste a gagné de lui exprimer avec plus d'ardeur que jamais un amour dontpeut-être n'a-t-il jamais éprouvé davantage l'irrésistible force.

Tel est le sens de cette admirable scène, et telle enest l'éternelle vérité. On sait qu'une partie s'en trouvait déjà dans Dont Garde de Navarre : admirons comment Molière, en la transposant,l'a transformée pour l'amener à la perfection.

Simple esquisse, première ébauche, ou mieux encore amorce de lascène du Misanthrope, il manquait à celle de Dom Garde ce qui va lui donner son dessin dramatique et sa. »

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