Affaire Chabert: Plaidoyer
Publié le 03/02/2013
Extrait du document
«
comment expliquez-vous que, même après avoir pris connaissance de la survie et du retour du Colonel, elle n’a même pas daigné l’aider, le
sortir du terrible embarras financier dans lequel il était ?
Pour terminer, Mesdames, Messieurs, je me dois, en tant qu’avoué, de faire éclater la vérité au grand jour.
Saviez-vous que Madame
Ferraud, après avoir reconnu son mari, a tenté une nouvelle fois de le trahir, espérant qu’il se fasse oublier et qu’il renonce à tout ce dont il avait
droit? Peut-être tentera-t-elle de nier avoir su que son mari était encore vivant mais je réciproquerai alors en agitant ceci devant vous tous : les
dizaines de lettres que le Colonel Chabert lui a envoyées.
Elles ont toutes été retrouvées dans la demeure de Madame Ferraud, décachetées et
donc sans aucun doute, lues.
Ce qu’a fait la comtesse est d’une gravité extrême et rien ne peut pardonner ses actes, elle a fait du tort à une
personne qui était foncièrement bonne.
Effectivement, la bonté du Colonel Chabert était difficilement égalable.
D’ailleurs, saviez-vous que, dans
un acte d’extrême générosité, le Colonel Chabert avait légué une partie conséquente de sa fortune aux pauvres? Enfin, cela était sans compter les
nombreux stratagèmes dont Madame Ferraud a usé pour disposer à sa guise de plus d’argent… Est-ce que toutes les femmes endeuillées sont
aussi calculatrices ? Si tel était le cas, nous vivrions dans un monde bien triste, n’est-ce pas ?
Actuellement, je ne crois même plus à avoir à vous convaincre, Monsieur le Juge, Mesdames, Messieurs les membres du Juré.
N’est-il pas
évident que ce qui est dû à mon client doit lui être rendu ? Et que, pour les méfaits qu’elle a commis, Madame Ferraud doit inévitablement être
sanctionnée ? Je ne suis pas quelqu’un qui aime ruiner la vie des gens, contrairement à la femme assise juste en face de vous, Votre Honneur...
Je
ne réclamerai donc aucune sanction prédéfinie, je laisserai juste votre bon sens choisir une punition adaptée.
Toutefois, je réitère la demande de
dédommagement de mon client qui est plus que nécessaire et qui lui permettra d’être sauvé du titre de « vagabond » qui lui a été attribué trop
rapidement.
Après ce court mais percutant réquisitoire, la totalité de la salle hocha la tête d’un air entendu.
Monsieur Derville était un homme de talent et il
l’avait prouvé une fois de plus.
La sentence de Madame Ferraud tomba.
Certes, la comtesse eut à dédommager son époux légal et dut payer une
amende qui n’allait pas amoindrir sa fortune outre mesure mais, tout de même, le fait qu’un homme miséreux l’emporte sur une riche comtesse
de renom relevait de l’exploit.
La somme récoltée par le Colonel Chabert allait lui être suffisante pour qu’il reprenne un train de vie quasiment
normal..
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