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AJAR (Émile)

Publié le 13/02/2019

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AJAR (Émile), pseudonyme de Romain Gary. En 1975, le prix Goncourt couronnait la Vie devant soi, second roman d'un écrivain dont on ne savait pas grand-chose, sinon qu'il avait publié l'année précédente un autre livre déjà remarqué, Gros Câlin. Le succès de la Vie devant soi fut grand (confirmé par l'adaptation du roman pour le cinéma),

 

et le public s'intéressa à cet écrivain mystérieux, d'une discrétion qui frisait l'absence, et qui avait en outre refusé son Goncourt. Deux autres livres suivirent, Pseudo (1976), clin d'œil dont on ne comprit le sens qu'un peu plus tard, et VAngoisse du roi Salomon (1979). Tout le monde croyait qu'Ajar était le pseudonyme d'un neveu de Romain Gary, Paul Pavlowitch (c'était lui qui répondait aux interviews et traitait avec l'éditeur), lorsqu'en juin 1981 éclata « l'affaire Ajar » Pavlowitch révéla dans l'Homme que l'on croyait, le seul livre qui fût vraiment de lui, qu'Ajar c'était Romain Gary, son oncle, auquel il avait accepté de servir de prête-nom, Pseudo... Ajar était mort, quelques mois seulement après le suicide, bien réel celui-là, de Gary. C’est cette mort choisie qui donne son sens à ce qui, sans elle, n'eût été qu'une nouvelle mystification littéraire. C'est elle qui justifie que, dans un dictionnaire, Ajar existe à côté de Gary : si le propre de l'écriture littéraire est de construire un univers unique et qui s'autosuffit, Ajar est un écrivain à part entière, un autre absolu, qui a permis à Gary de vivre en effet deux fois. Cette différence, ce ne sont pas les thèmes qui la manifestent vraiment : il y avait pas mal d'épaves dans les romans de Gary, il y a beaucoup de laissés-pour-compte dans les textes d'Ajar. Ceux, d'abord, qui sont toujours « sur les marges », les chiens perdus institutionnels : immigrés, prostituées, juifs — Mllc Dreyfus dans Gros Câlin (« une Noire de la Guyane française, comme son nom l'indique, Dreyfus, qui est là-bas très souvent adopté par les gens du cru, à cause de la gloire locale et pour encourager le tourisme »), Mme Rosa, Mohammed et M. Hamil dans la Vie devant soi, Yoko l’Ivoirien, Tong le Cambodgien, M. Salomon, dans l'Angoisse du roi Salomon. Ensuite, tous les autres, c'est-à-dire chacun d'entre nous : les anonymes, chez qui le téléphone sonne toujours par erreur (Cousin, le petit employé de Gros Câlin] ; les oubliés (Mlle Cora, la vieille chanteuse réaliste du Roi Salomon) ; les vieux surtout, que nous serons tous un jour, ce qui fait des hommes une espèce

« en voie de disparition (au pied de la lettre) comme les serpents pythons, les bébés phoques.

les oiseaux de mer qu'englue la marée noire, les baleines ...

Deux figures dominent le monde d'Ajar et ce sont des figures de vieillards : Mm• Rosa.

dédommagée juste à temps par l'affection de Momo.

le petit Arabe de la Goutte-d'Or (la Vic devant soi); M.

Salomon, le roi du pantalon en prêt-à-porter, qui oppose à la vieiUesse et à la fin menaçante ( « oe n'était pas un homme à se laisser mourir facile­ ment ») ses costumes « princiers de Galles » et son amour des autres : pour ceux qui n'ont personne à qui crier leur peur et leur solitude, il a fondé le service de secours de l'angoisse, « S.

O.

S.

Béné­ voles, 24 heures sur 24 >>.

Ce qui fait évidemment la réussite de l'œuvre d'Ajar.

et ce qui, l'empêchant de glisser dans un humanisme vague, la rend « paternelle et non paternaliste ».

c'est l'invention et la drôlerie tendre de son écriture, d'une écriture consciente de ce qu'elle est et de ses pouvoirs.

Au moins deux des personnages principaux d'Ajar.

Momo et Jeannot, sont des écrivains en puissance que fascinent les livres, et notamment les dictionnaires, « le seul endroit du monde où tout est expliqué et où ils ont la liberté d'esprit>>.

Fixés dans les dictionnaires, les mots sont recours contre l'angoisse et moyens de s'assurer un peu dans le monde.

Ainsi peut-on trouver « immortel, qui n'est pas sujet à la mort >>.

un mot qui fait toujours plaisir, ou Dieu.

ou « amour, disposition à vouloir le bien d'un autre que soi et à se dévouer à lui >> ...

Dès qu'en revanche ils se mettent à circuler, les mots deviennent vagues.

équivoques, douteux.

Il faut sans cesse les faire jouer, les prendre au mot et au sérieux, même quand ils ont l'air si usés qu'ils ne veulent plus rien dire.

Comme Que­ neau, mais avec plus de conséquence, Ajar les recharge et les décape, les rapproche amicalement ou amèrement.

Ses personnages ont beau souvent « se marrer comme des baleines qu'on exter­ mine >>, ils savent qu'il faut se hàter de faire quelque chose contre la haine et contre l'angoisse.

paroe que c'est tou- jours vraiment « une question de vie ou de mort>>.. »

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