Alfred de MUSSET: La nuit de mai
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
LA MUSE
Poète, prends ton luth et me donne un baiser ;
La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore,
Le printemps naît ce soir ; les vents vont s'embraser ;
Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.
LE POÈTE
Comme il fait noir dans la vallée !
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
Son pied rasait l'herbe fleurie ;
C'est une étrange rêverie ;
Elle s'efface et disparaît.
LA MUSE
Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse,
Balance le zéphyr dans son voile odorant.
La rose, vierge encor, se referme jalouse
Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.
Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée.
Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée
Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.
Ce soir, tout va fleurir : l'immortelle nature
Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,
Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.
LE POÈTE
Pourquoi mon coeur bat-il si vite ?
Qu'ai-je donc en moi qui s'agite
Dont je me sens épouvanté ?
Ne frappe-t-on pas à ma porte ?
Pourquoi ma lampe à demi morte
M'éblouit-elle de clarté ?
Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.
Qui vient ? qui m'appelle ? - Personne.
Je suis seul ; c'est l'heure qui sonne ;
Ô solitude ! ô pauvreté !
Pour construire votre commentaire, intéressez-vous à l'évolution des sentiments du poète : au début, il est solitaire et souffre de cette solitude. Sa souffrance se lit dans ses vers, fragiles et instables. Progressivement, des images plus optimistes apparaissent, liées à l'écriture, à l'amour et au printemps.
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B.
Une parole inquiète
Instabilité et fragilité de la parole du poète :
emploi d'un mètre relativement bref (l'octosyllabe) ;
accumulation de phrases courtes voire nominales (« Qui vient ? qui m'appelle ? — Personne.
», v.
31) ;
ponctuation expressive abondante qui transforme la parole en un cri (« Pourquoi mon cœur bat-il si vite ? », v.
24).
II — L'appel à la création
A.
La Muse, nouvelle amante
1.
Une rencontre amoureuse.
La Muse propose au Poète de prendre la plaie laissée vide à ses côtés (champ lexical de l'amour : « baiser », v.
1 et 6, répété deux fois et placé à la rime ; « bien-aimée », v.
18, « amour », v.22, deux jeunes époux », v.
23).
2.
La sensualité.
Sensualité de la description de la nature qui fait appel à tous les sens : vue (« buissons verts », v.
5, « le frelon nacré », v.
17) ; odorat (« La fleur de l'églantier », v.
2, « voile odorant », v.
15, « « La Jose », v.16, « parfums », v.
22) ; toucher (« les vents vont s'embraser », v.
3) ; ouïe (« murmure », v.
22).
II - La poésie, une nouvelle aurore
1.
L'injonction de la Muse.
La Muse conseille au poète de se remettre à écrire (récurrence des impératifs : « prends », « donne »).
2.
La poésie et le printemps.
récriture est comme l'annonce d'un niveau, associé au printemps (vers 3) et au jour (vers 4) qui met fin à la nuit (vers 14 et 20) de la souffrance.
Récurrence du futur proche (vers 3 et 21).
Conclusion
« La Nuit de mai » s'ouvre sur un discours optimiste de la Muse qui offre l'espoir d'un renouveau au Poète.
Cedernier, aveuglé par la souffrance, n'entend pas encore cet appel à la création mais l'écriture même du poèmesuggère qu'il finira par entendre les conseils de l'« immortelle »..
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