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Analyse de "Solitude" de Baudelaire

Publié le 11/09/2018

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XXIII  LA SOLITUDE

Un gazetier philanthrope me dit que la solitude est mauvaise pour l’homme ; et à l’appui de sa thèse, il cite, comme tous les incrédules, des paroles des Pères de l’Église.

Je sais que le Démon fréquente volontiers les lieux arides, et que l’Esprit de meurtre et de lubricité s’enflamme merveilleusement dans les solitudes. Mais il serait possible que cette solitude ne fût dangereuse que pour l’âme oisive et divagante qui la peuple de ses passions et de ses chimères.

Il est certain qu’un bavard, dont le suprême plaisir consiste à parler du haut d’une chaire ou d’une tribune, risquerait fort de devenir fou furieux dans l’île de Robinson. Je n’exige pas de mon gazetier les courageuses vertus de Crusoé, mais je demande qu’il ne décrète pas d’accusation les amoureux de la solitude et du mystère.

Il y a dans nos races jacassières des individus qui accepteraient avec moins de répugnance le supplice suprême, s’il leur était permis de faire du haut de l’échafaud une copieuse harangue, sans craindre que les tambours de Santerre ne leur coupassent intempestivement la parole.

Je ne les plains pas, parce que je devine que leurs effusions oratoires leur procurent des voluptés égales à celles que d’autres tirent du silence et du recueillement ; mais je les méprise.

Je désire surtout que mon maudit gazetier me laisse m’amuser à ma guise. « Vous n’éprouvez donc jamais, — me dit-il, avec un ton de nez très-apostolique, — le besoin de partager vos jouissances ? » Voyez-vous le subtil envieux ! Il sait que je dédaigne les siennes, et il vient s’insinuer dans les miennes, le hideux trouble-fête !

« Ce grand malheur de ne pouvoir être seul !….. » dit quelque part La Bruyère, comme pour faire honte à tous ceux qui courent s’oublier dans la foule, craignant sans doute de ne pouvoir se supporter eux-mêmes.

« Presque tous nos malheurs nous viennent de n’avoir pas su rester dans notre chambre, » dit un autre sage, Pascal, je crois, rappelant ainsi dans la cellule du recueillement tous ces affolés qui cherchent le bonheur dans le mouvement et dans une prostitution que je pourrais appeler fraternitaire, si je voulais parler la belle langue de mon siècle.

6°§ : organisation autour d'un dialogue.

Anaphore du « je » : 'je sais', je ne les plains pas', 'je désire' …

Anaphore de la tournure impersonnelle 3° - 4° §:

Effet d'anaphore dans l'ouverture des 2 derniers paragraphes par une citation.

→ mélodie du texte.

 

Rythme ternaire sur le 5° §.

Rythme ternaire sur le 6° § dans le dialogue, particulièrement marqué par l'usage des tirets.

Même § : chiasme. 'subtil envieux' 'hideux trouble fait' sont les éléments encadrant, les éléments encadrés sont les 2 pronoms possessifs 'les siennes', 'les miennes'. Chiasme + parallélisme de construction : sujet – verbe – complément.

 

 

 

Conclusion :

Synthèse parfaite entre argumentation et poésie, puisque si le poème a une portée argumentative explicite, l'essentiel de la stratégie de Baudelaire repose sur une persuasion liée intimement au moyen de la poésie : l'implicite, ici par l'ironie, les images et le jeux sur les rythmes. Comment Baudelaire, dans ses autres textes, parvient-il à faire en quelque sorte l'apologie de la solitude ?

 

 

 

« Il y a beaucoup de gens dont la facilité de parler ne vient que de l'impuissance de se taire » [Edmond Rostand] Cyrano de Bergerac.

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« journaliste a alors une valeur nulle. « Voyez-vous le subtil envieux » (l.

23) : il prend le lecteur en témoin, avec la tournure présentative, « Dédaigner » (l.

23) → mépris profond, renforcé par la modalité exclamative 2x. Double opposition donne une force de frappe polémique à la phrase « dédaigner / s'insinuer ».« avec un ton de nez très apostolique » (l.

21).

Développe l'opposition amorcée dans le 1° paragraphe : l'incrédulité par rapport à la couverture religieuse.

Opposition dans ce 6° paragraphe : apostolique / envieux + s'insinuer qui rappelle le serpent.

Baudelaire dénonce le vide de son argumentation, qui se réduit à citer les paroles de la Bible.

Dénonce aussi le côté sentencieux, donneur de leçon, mais ce n'est qu'un jaloux qui vient troubler le plaisir d'autrui.

Forte opposition entre les apparences de sérieux, donneur de leçon, qui ne dévoile en fait qu'un jaloux serpent venimeux, qui veut priver les autres de leurs plaisirs : Baudelaire, les aristocrates. 2° argument l.

10 à 12.

Illustration de l'argument 2 par un exemple. Enfin, il poursuit l'argumentation avec l'illustration par l'exemple par 2 arguments d'autorité qui lui permettent une conclusion logique, après une série de réfutation de la thèse adverse : l'antithèse du gazetier, la thèse de Baudelaire.

Thèse explicitée dans les 2 citations finales.

Ces 2 citations associent clairement l'absence de solitude et de malheur. 1° argument : réduction de l'extension de la thèse de l'adversaire.

La solitude est dangereuse pour les âmes malades. 2° : spécification du premier : solitude mauvaise pour ceux qui ont la folie du bavardage. 3° : chacun pense comme il veut, mais chacun doit avoir les libertés de faire ce qu'il veut. 4° / 5° : citations de 2 grands auteurs moralistes du XIX°s.

Consolidation pour d'assurer le lien avec la conclusion. Il énonce l'idéologie fraternitaire, selon laquelle les hommes sont libres, égaux.

Mot auquel Baudelaire met une importance, en italique, pincettes qu'il utilise pour ce mot qui lui inspire dégoût, profonde répugnance.

Récuse (s'oppose à, remet en cause) l'idéologie fraternitaire selon laquelle tous les hommes sont frères, égaux, doivent vivre en commun : récuse la promiscuité sociale qui ne lui inspire que du dégoût. Il est asocial, misanthrope, élitiste, s'isole des autres.

(Elitisme = une toute petite partie supérieure aux autres qui peut les gouverner) Baudelaire croyait en une aristocratie de l'esprit : dandysme de l'esprit. II.

Mise en œuvre des procédés poétiques A.

Implication massive du 'je' comme indice de la persuasion 'Je' en début de §, le 'je' se met en position de supériorité.

Les verbes utilisés montrent d'autant plus cette supériorité : 'je sais', 'je crois', 'je devine' position d'omniscience.

Ou encore 'je dédaigne', 'je voulais', 'je. »

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