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Andromaque de Racine: Scène II - Acte II

Publié le 16/02/2011

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andromaque

Hermione

Hélas ! pour mon malheur, je l'ai trop écouté.

Je n'ai point du silence affecté le mystère :

Je croyais sans péril pouvoir être sincère,

Et sans armer mes yeux d'un moment de rigueur,

Je n'ai pour lui parler consulté que mon cœur.

Et qui ne se serait comme moi déclarée

Sur la foi d'une amour si saintement jurée ?

Me voyait-il de l'oeil qu'il me voit aujourd'hui ?

Tu t'en souviens encor, tout conspirait pour lui :

Ma famille vengée, et les Grecs dans la joie,

Nos vaisseaux tout chargés des dépouilles de Troie,

Les exploits de son père effacés par les siens,

Ses feux que je croyais plus ardents que les miens,

Mon cœur, toi-même enfin de sa gloire éblouie,

Avant qu'il me trahît, vous m'avez tous trahie.

Mais c'en est trop, Cléone, et quel que soit Pyrrhus,

Hermione est sensible, Oreste a des vertus ;

Il sait aimer du moins, et même sans qu'on l'aime,

Et peut-être il saura se faire aimer lui-même.

Allons : Qu'il vienne enfin.

Cléone

Madame, le voici.

Hermione

Ah ! je ne croyais pas qu'il fût si près d'ici.

Andromaque — Il — 2. Commentaire.    « Hélas, pour mon malheur, je l'ai trop écouté...    ... « Ah! je ne croyais pas qu'il fut si près d'ici. «    Les circonstances :    Hermione est repoussée par Pyrrhus et recherchée par Oreste, vers qui Cléone s'efforce en vain d'incliner son choix, et pour qui Hermione éprouve une insurmontable répulsion. Cléone essaie, d'autre part, de lui montrer l'absurdité de la passion sans issue qu'elle nourrit pour Pyrrhus, passion qui porte en elle un germe de mort. A cette croisée des chemins, Hermione hésite; écoutant la voix de son orgueil et de sa lassitude, elle accepterait Oreste, meurtrie et blessée; mais ce n'est là qu'un pis-aller auquel sa passion ardente lui interdit de s'attarder, et qu'elle ne peut envisager sans un dégoût non dissimulé.   

andromaque

« dans l'abandon de Pyrrhus fait la part de ses responsabilités personnelles.

Par un revirement brusque elle se justifie,oppose la fiancée d'autrefois à la femme délaissée d'aujourd'hui.

Furieuse, aigrie, injuste dans sa souffrance, elleinculpe Cléone.

Elle oppose à Pyrrhus, sarcastique et dur, Oreste, humble et tendre, inlassablement fidèle.

Ellel'appelle alors, par un besoin quasi-animal d'affection, pour apaiser son cœur endolori, qui a besoin d'être réchauffépar un amour, quel qu'il soit, et alors peu lui importe d'où il vienne.

Mais à l'arrivée d'Oreste, la répulsion lasubmerge, confine à l'écœurement, et à la pensée d'un face à face immédiat, ses forces défaillent. composition : Constamment sinueuse, elle suit les mouvements alternés du cœur : 1 ) L'accusation personnelle : « Hélas, pour mon malheur...

....

consulté que mon cœur » 2) La justification personnelle : « Et qui ne se serait...

....

si saintement jurée » 3) La comparaison du passé et du présent : « Me voyait-il...

vous m'avez tous trahie » 4) L'appel à Oreste suivi de l'acceptation réticente, dissimulant mal une répulsion secrète. Explication littérale : « Hélas, pour mon malheur, je l'ai trop écouté.

» La plainte prend la forme d'un gémissement.

Le passé se déroule devant la conscience d'Hermione, et celle-cis'accuse.

Elle aurait du prêter une oreille moins complaisante aux paroles de Pyrrhus, d'une tendresse frauduleuse,parodiant le langage de la passion.

Plus réservée, plus prudente, plus tacticienne et plus savamment coquette, ellen'aurait pas dû prodiguer aveuglément sa tendresse, et ne pas mettre ainsi son cœur à nu; sa candeur se retournecruellement contre elle : « Je n'ai point du silence affecté le mystère.

»... Impulsive, spontanée, elle n'a rien laissé à deviner à Pyrrhus de ce cœur qui n'avait pas de secret, et dans lequel il pouvait lire jusqu'au fond : « Je croyais sans péril pouvoir être sincère Et, sans armer mes yeux d'un moment de rigueur, Je n'ai pour lui parler consulté que mon cœur.

» L'expérience apprend à Hermione que seules la réserve, la retenue, sont susceptibles d'attirer vraiment etd'attacher.

Sans doute voit-elle, avec quelle humiliante lucidité, que cette réserve mystérieuse, un peu lointaine,est l'essence même du charme d'Andromaque, et le secret de sa toute-puissance sur Pyrrhus. « Et qui ne se serait comme moi déclarée Sur la foi d'une amour si saintement jurée? » Par ce revirement brusque s'effondrent toutes les raisons pour lesquelles Hermione essaie d'expliquer et de justifierle mépris de Pyrrhus; comment pouvait-il paraître présomptueux de ne pas ajouter foi à la sainteté de fiançaillesproclamées devant tout un peuple, d'un serment dont les dieux mêmes avaient été témoins? « Me voyait-il de l'oeil qu'il me voit aujourd'hui? » Elle oppose le regard de Pyrrhus, hautain, dur, lointain, à celui du fiancé où elle croyait lire tant d'ardeur passionnée. « Tu t'en souviens encor, tout conspirai! pour lui : Ma famille vengée, et les Grecs dans la joie,. »

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