Devoir de Philosophie

Apollinaire : Alcools : Les Femmes

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

apollinaire

 

Dans la maison du vigneron les femmes cousent Lenchen remplis le poêle et mets l'eau du café Dessus - Le chat s'étire après s'être chauffé - Gertrude et son voisin Martin enfin s'épousent Le rossignol aveugle essaya de chanter Mais l'effraie ululant il trembla dans sa cage Ce cyprès là-bas a l'air du pape en voyage Sous la neige - Le facteur vient de s'arrêter Pour causer avec le nouveau maître d'école - Cet hiver est très froid le vin sera très bon - Le sacristain sourd et boiteux est moribond - La fille du vieux bourgmestre brode une étole Pour la fête du curé La forêt là-bas Grâce au vent chantait à voix grave de grand orgue Le songe Herr Traum survint avec sa sÏur Frau Sorge Kaethi tu n'as pas bien raccommodé ces bas - Apporte le café le beurre et les tartines La marmelade le saindoux un pot de lait -Encore un peu de café Lenchen s'il te plaît On dirait que le vent dit des phrases latines - Encore un peu de café Lenchen s'il te plaît - Lotte es-tu triste O petit cÏur - Je crois qu'elle aime - Dieu garde - Pour ma part je n'aime que moi-même - Chut A présent grand-mère dit son chapelet - Il me faut du sucre candi Leni je tousse - Pierre mène son furet chasser les lapins Le vent faisait danser en rond tous les sapins Lotte l'amour rend triste - Ilse la vie est douce La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus Devenaient dans l'obscurité des ossuaires En neige et repliés gisaient là des suaires Et des chiens aboyaient aux passants morfondus Il est mort écoutez La cloche de l'église Sonnait tout doucement la mort du sacristain Lise il faut attiser le poêle qui s'éteint Les femmes se signaient dans la nuit indécise Apollinaire, Les Femmes

 

 

 

Les nombreuses phrases en italique du poème sont des discours rapportés au style direct insérés dans un texte composé de narration et de description dont le locuteur est extérieur à la scène et bien distinct des personnes qui se parlent ici. Ces fragments en italique sont les répliques qu'échangent les femmes dans une maison villageoise en hiver. Les marques de ce discours direct sont les verbes à l'impératif (« mets «, « apporte «, « écoutez «), l'emploi de la 2e personne du singulier (« tu n'as pas bien [...] «, « es-tu triste [...] «). Ces paroles rapportées sont des échos de la vie quotidienne, elles donnent aussi des nouvelles du village (v. 4 : « Gertrude et son voisin Martin enfin s'épousent «). Cette variété typographique frappe le regard, éveille la curiosité et nous aide à découvrir la polyphonie de ce poème.

 

apollinaire

« chapelet ».

On peut donc supposer qu'il y a sept femmes réunies dans la maison du vigneron, des jeunes filles enâge d'aimer, comme Lotte ou Ilse, une mère et une grand-mère.

Le chiffre sept a bien sûr une résonancesymbolique, il laisse poindre le légendaire et l'onirique dans un univers réel et quotidien.Ce qui frappe aussi, c'est que l'on ne peut attribuer une réplique à une voix précise.

Leur identité individuelle estmoins importante que la petite communaute qu'elles forment, rassemblées près du feu par un soir d'hiver.

Cesfemmes d'âge différent parlent de la vie, de l'amour et de la mort, tout en échangeant aussi des nouvelles de leurvillage.

Elles sont à la fois singulières et universelles, singulières car leurs prénoms évoquent l'Allemagne, universellesparce que la plupart de leurs propos pourraient être tenus par d'autres femmes de la campagne, dans une autrerégion. 3.

On perçoit aisément la présence de deux décors dans ce poème : d'une part, l'intérieur où se tiennent les femmesen train de coudre et de causer, « la maison du vigneron », d'autre part l'extérieur évoqué notamment dans l'avant-dernière strophe, un paysage hivernal et enneigé.

Le contraste entre les deux est saisissant : l'intérieur est chaudet rassurant, on s'y réchauffe, on s'y nourrit copieusement (« le beurre et les tartines//la marmelade le saindoux unpot de lait ») ; l'extérieur est glacial, c'est un paysage en noir et blanc, quelque peu macabre lorsque les ceps devignes font penser à des ossuaires.

De l'extérieur parviennent le cri de l'effraie, oiseau de nuit, le chant du vent, leson de la cloche annonçant la mort du sacristain.

Si les femmes aperçoivent à l'extérieur des scènes familièrescomme le facteur en conversation avec le maître d'école, le poète — du moins cette autre voix transcrite encaractères romains — évoque un univers extérieur inquiétant et mystérieux, proche des rêves et des contes, avecdes personnages légendaires ou allégoriques (« Herr Traum », « Frau Sorge »), des sapins qui dansent dans la nuit,des suaires. Commentaire composé Introduction - « Les femmes », poème tiré du recueil Alcools publié par Guillaume Apollinaire en 1913, appartient à la sectionintitulée « Rhénanes ».

Ce poème a été composé entre septembre 1901 et mai 1902 pendant le séjour du poète enRhénanie.

Il a d'abord été publié en 1904 dans une revue, puis inséré dans Alcools.

Apollinaire décida en 1912 deretirer toute la ponctuation de ses poèmes.- Si points et virgules ont disparu, il reste les tirets introduisant les répliques des femmes, écrites en italique.

Ce quifrappe d'abord c'est cette double typographie, puis la polyphonie du poème : plusieurs voix de femmes se mêlent àcelle du poète.

Toutes ces femmes parlent de la vie courante, au coin du feu, tandis que s'installe une nuit d'hiversur les forêts d'Allemagne.- Le commentaire s'intéressera à la scène que forment les villageoises dans la maison du vigneron, à l'atmosphèrequi règne entre elles, puis examinera les relations entre cet univers protégé et le monde extérieur. I.

Une paisible scène d'intérieur Le premier vers présente une scène de la vie quotidienne dans un village.

Les femmes sont vues dans une activitétraditionnelle : elles sont au foyer — où sont les hommes en cet hiver qui rend impossibles les travaux des champs ?— et raccommodent le linge.

Leur ouvrage est moins un passe-temps qu'une obligation.

Cette scène d'intérieur aune forte empreinte réaliste, elle rappelle la peinture d'un Vermeer ou d'un Chardin. 1.

Sept voix de femmesC'est bien un tableau vivant que nous offre le poème, une scène avec des personnages parlants.

Vingt-deux verssur trente-six, écrits en italique, rapportent au style direct les propos des femmes Ces femmes échangent despropos anodins sur le village (v.

4 : « Gertrude et son voisin Martin enfin s'épousent », v.

12 et 13 : « la fille duvieux bourgmestre brode une étole pour la fête du curé »), formulent des demandes très banales (v.

19, v.

21 : «Encore un peu de café Lenchen s'il te plaît »).

Mais la conversation est aussi ponctuée de remarques sur la vie, surl'amour (v.

28 : « Lotte l'amour rend triste - Ilse la vie est douce »).

Derrière l'apparente banalité, on devine dessentiments et des rapports d'affection entre ces femmes.Elles sont sept, rassemblées dans la maison du vigneron.

Cinq portent des prénoms : Lenchen, Kaethi, Lotte, Ilse etLise, mais il y a aussi « grand-mère » (v.

24) et certainement une mère, la maîtresse de maison, qui donne desordres (v.

2, v.

17 et 18, v.

35) et fait des remontrances (v.

16).

Trois générations de femmes, trois des quatreâges de la vie : la jeunesse, l'âge mûr, la vieillesse.

Des femmes unies par le lien du sang : mère, filles, soeurs, parl'affection, comme l'atteste la question posée à Lotte au vers 22.

Le nombre sept introduit le symbole et la légende,il rappelle ces vers de « Nuit rhénane » : « [...] Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmesTordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds » Le chiffre sept établit la jonction entre l'univers réaliste qui domine dans « Les femmes » et le monde des légendes.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles