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Apollinaire - "Nuit rhénane" (lecture linéaire n°2)

Publié le 06/01/2023

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« Apollinaire - "Nuit rhénane" (lecture linéaire n°2) Nuit rhénane Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d’un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n’entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire ___________________________ "Nuit Rhénane" appartient à la section nommée Rhénanes, composée de 9 poèmes inspirés par le séjur d'Apollinaire au bord du Rhin et par son amour pour Annie Playden.

L'originalité de ce poème tient à ce qu'il emprunte aux légendes folkloriques germaniques (les "nixes" ou en français "ondine" sont les divinités/esprits des eaux ; elles sont séduisantes et maléfiques) et qu'il est ancré dans un univers fantastique inquiétant. Strophe 1 Le poème s'ouvre sur l'évocation d'une scène paisible dans un cabaret, le soir au bord du Rhin, comme l'indique le titre.

Le poète contemple son verre empli de vin en écoutant "la chanson lente d'un batelier".

Ce dernier évoque l'apparition de "sept femmes" aux "cheveux verts" (les ondines/nixes supposées vivre au fond du fleuve dans un palais de cristal où elles attirent et gardent prisonniers les navigateurs qu'elles ont charmés par leur chant). Strophe 2 Brutalement, la deuxième strophe évoque l'effroi du protagoniste (celui qui dit "je"), qui s'adresse cette fois à ses compagnons de boisson : "Debout chantez plus haut en dansant une ronde".

C'est le chant du batelier et les nixes/ondines qui suscitent en lui la frayeur et la terreur.

Il tente de conjurer leur puissance maléfique en s'entourant de jeunes filles ordinaires "blondes", inexpressives ("au regard immobile") et sages ("aux nattes repliées"). Strophe 3 La troisième strophe marque encore une progression dans l'ordre de l'inquiétante étrangeté.

Le poète y découvre l'ivresse du fleuve lui-même ; et la répétition ("Le Rhin le rhin est ivre") traduit justement son saisissement et son appréhension que partagent aussi les étoiles ("l'or des nuits") qui tombent dans le Rhin. Strophe 4 La quatrième strophe constituée d'un seul alexandrin, contraste par sa brièveté avec les quatrains précédents.

Elle traduit précisément l'éclatement inattendu du verre comme sous l'effet des sorts jetés par les "fées aux cheveux verts".

L'absence de conclusion prouve la stupeur du protagoniste devant le triomphe du surnaturel, laissant le lecteur partager son incrédulité. Le poème est ainsi composé de 4 strophes et contient 13 vers, il a donc l'apparence d'un sonnet auquel il manque un vers - ce vers de commentaire/conclusion que le poète, stupéfait et tétanisé, ne peut écrire car il est en proie à l'angoisse. Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme Le poème est placé sous le signe de l'ivresse (le vin).

Apollinaire joue également sur l'homophonie vers (que l'on écrit) et verre (que l'on boit).

Il établit donc conformément au titre du recueil une équivalence entre l'ivresse et la poésie.

Ce n'est pas là quelque chose de moderne puisqu'en Grèce antique, Dionysos, dieu du vin et de la démesure, était le dieu de l'inspiration et de l'énergie créatrice. Apollinaire reprend donc cette idée centrale : la création poétique naît de l'exaltation, de l'ivresse des facultés. Le vin est associé au feu (comparaison : "comme une flamme"), là encore rien d'original, les grecs considéraient le vin comme "une eau de feu".

On voit ici un écho de la fin du poème "Zone" ("Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie"). "Vin trembleur" est une personnification mais est-ce le vin réellement qui tremble, ou n'est-ce pas plutôt la main qui le tient, celle du poète qui a trop bu ? Écoutez la chanson lente d’un batelier L'impératif ("écoutez") nous invite à partager, nous lecteurs, les impressions du poète.

"Lente" insiste sur le caractère envoûtant, hypnotique de la chanson, souligné par une assonance ("trembleur", "chanson lente"). Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Le chant se présente comme le récit d'une chose vue (un témoignage) ; néanmoins l'atmosphère nocturne et le chiffre sept (chiffre magique/mystique : 7 jours dans une semaine, 7 péchés capitaux, les 7 joies et 7 douleurs de Marie mère de Jésus, les 7 têtes de la bête dans l'apocalypse) dénote d'emblée un caractère fantastique. Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds Caractère fantastique qui se confirme ici ("cheveux verts" anormalement longs et tordus qui se confondent avec la couleur et l'aspect du fleuve), les êtres.... »

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