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Apollinaire: « Zone »: en quoi ce poème est-il novateur ?

Publié le 12/09/2018

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Apollinaire utilise les procédés liés à la poésie en les détournant ; cette utilisation insolite de figures traditionnelles est créatrice d’images nouvelles. Ainsi, il personnifie ou animalise les objets : la Tour Eiffel devient « bergère », la cloche « aboie », la sirène « gémit ». Le monde moderne qui peut paraître froid est doté de vie par le poète. Le texte multiplie les associations de perceptions auditives et visuelles, la poésie est évoquée par métaphore au vers 11 avec l’expression « chantent tout haut » : l’image se fonde sur la vue (les mots en gras) et le son (les couleurs sont si éclatantes qu’elles semblent « chanter »). La rue évoquée aux vers 15 et 16 est associée elle aussi de manière positive à un bruit intense « le clairon » et à une image éclatante « le soleil ». On peut d’ailleurs noter la proximité sonore de « clairon » et « éclairer ».

Apollinaire fait résolument le choix d’une poésie moderne non seulement dans le fond mais aussi sur la forme.

 

Le poète fait part dans ce premier poème de ses désillusions : l’art est vieux et l’enfance est perdue à tout jamais. C’est pourquoi il cherche un renouvellement, une transformation, un « alcool » qui provoquera une ivresse nouvelle et redonnera l’émerveillement de la vie. C’est à la poésie d’explorer ces nouveautés. Le recueil Alcools apparaît comme l’objet d’une quête. L’écriture aussi est renouvelée par l’association du burlesque, du saugrenu, des impressions auditives et visuelles. Apollinaire illustre ici son lien avec le cubisme : il cherche à montrer la réalité sous plusieurs aspects en même temps. « Zone » est alors un « cri » du cœur, enthousiaste et désespéré.

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« « Zone », poème inaugural, propose un véritable éloge de la modernité et ancre la poésie d’Apollinaire dans la nouveauté et l’avant-garde.Apollinaire évoque tout d’abord la religion en lui conférant un statut paradoxal puisqu’il en fait une valeur pérenne.

En effet, la religion est à la fois signe du passé mais aussi ce qu’il y a de plus moderne pour le poète.

Le vers 5 semblerait incompréhensible si l’on ne songeait que la religion étant liée à l’enfance du poète, elle se trouve aussi d’une certaine manière liée à la jeunesse.

Ainsi, la religion est jeune parce qu’elle appartient au domaine de l’enfance.

Le vers 5 est encadré par le mot « religion » ce qui en fait un vers symétrique visuellement mais aussi d’un point de vue sonore.

De plus, le pivot central du vers, « est restée », renforce à l’extrême l’impression de religion immuable, peut-être immuablement neuve.

Aux vers 7 et 8, Apollinaire poursuite sa description d’un christianisme jeune même si la référence au Pape Pie X est surprenante puisqu’il est considéré comme un pape conservateur.

On note la construction en parallèle des deux vers : « Europe »/ « Européen », « pas antique »/ « la plus moderne », « Christianisme »/ « Pape Pie X » qui met en valeur la religion.

Au vers 6, l’image devient saugrenue en comparant la religion à l’aviation : peut-être Apollinaire crée-t-il une image de modernisme extrême ? L’éloge de la modernité se construit aussi à travers l’hommage qu’Apollinaire rend à la ville moderne. Le poème évoque un monde industriel que parcourt le poète.

Le titre « Zone » signifie « ceinture « en grec et renvoie à un Paris de banlieue, ici connoté positivement.

Apollinaire prend parti de façon très nette en évoquant dès le début du poème la Tour Eiffel qui est un symbole très controversé et dont l’esthétique a suscité de nombreuses polémiques à l’époque.

L’utilisation du vocatif marque l’admiration du poète pour ce monument.

En outre, Apollinaire mentionne des quartiers industriels récents dans son poème avec « les hangars de Port-Aviation » vers 6 et la rue industrielle à partir du vers 15.

Ces évocations se font de manière idéalisée, l’enthousiasme du poète est perceptible grâce au champ lexical de la beauté associé à ses descriptions avec les termes : « jolie », « neuve et propre », « belles », « grâce ».

Ce lexique valorisant est renforcé par le verbe de sentiment « J’aime » au vers 23 qui constitue une véritable déclaration à la fin du passage.

Par ailleurs, ces quartiers sont associés aux nombreux pluriels vers 17, 21, 22, 14 qui traduisent la vie et l’agitation ; à des couleurs vives au vers 22 « à la façon des perroquets » ; et à la variété des sons et des bruits : vers2 « bêle », vers 11 « chantent », vers 22 « criaillent, vers20 « aboie ». La laideur et les inconvénients du monde moderne sont ici gommés au profit d’une présentation lumineuse et diversifiée.

A cette évocation correspond une forme nouvelle. Apollinaire ne choisit pas « Zone » par hasard pour ouvrir son recueil.

A travers ce poème, il fait le choix d’une poésie moderne qui s’inspire du quotidien. Le poète innove en proposant une forme déroutante qui s’éloigne de la tradition classique.

On ne retrouve pas de strophes régulières et de nombreux vers sont isolés : c’est le cas des deux premiers vers.

De même, on note une absence de régularité dans les vers : ils sont plutôt longs et ressemblent à de la prose. Apollinaire fait le choix du vers libre qui s’affranchit de la versification classique.

Il en va de même avec les rimes, Apollinaire les laisse de côté et préfère utiliser des assonances qui ponctuent les phrases.

La modernité la plus visible de la forme réside dans l’absence de ponctuation, le rythme est induit par les vers eux -mêmes et le changement abrupt de référents des pronoms brouille volontaire le sens.

Ainsi dans le vers 3 le « tu » peut à la fois désigner la Tour Eiffel et le poète, au lecteur de faire la part des choses.

Ce choix d’une forme novatrice correspond au morcellement des images captées au hasard des promenades du poète. Le renouvellement du genre ne passe pas seulement par la forme mais aussi par l’emploi d’un langage. »

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