ART ET LITTÉRATURE

« Les artistes Ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume » (Léo Ferré).

On les traite d'originaux, de marginaux, voired'irresponsables et de dangereux.

Le philosophe Platon, dans l'Antiquité, les exclut de son projet de société.

Parcequ'ils vont au-delà du réel, on les accuse de n'avoir pas les pieds sur terre.

Leur langage n'est pas celui de tous lesjours; les formes de leur expression sont bizarres ou incompréhensibles.

Ils sont coupés du grand public.

Certainssont « maudits ».

Tous ces reproches expriment le caractère dérangeant de l'oeuvre d'art.

L'artiste bouscule notremanière de penser, notre confort intellectuel.

Souvent, il exprime des « visions » qui seront demain des réalitésacceptées par tous :Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir », écrivait Rimbaud.

Le grand artiste est un « voleur de feu ».

Il estsouvent en avance sur son temps, ce qui ne veut pas dire qu'il méprise les hommes de son époque.

Stendhal savaitqu'il ne serait pas compris de son temps et on condamna les vers de Baudelaire jugés immoraux.

La lumière pourl'artiste ne se fait souvent que sur sa tombe. II.

La littérature Tant que les hommes parlent ou écrivent simplement pour communiquer leurs pensées, leur langue n'a rien pour celade littéraire.

Mais dès qu'ils veulent plaire, toucher, émouvoir, non seulement par ce qu'ils disent mais aussi par lamanière dont ils le disent, la littérature existe.La littérature représente l'ensemble des oeuvres écrites dans la mesure où elles portent la marque despréoccupations esthétiques. 1.

L'art des mots Un matériau communComme le peintre utilise les couleurs, le musicien les sons et le cinéaste les images, l'écrivain se sert des mots.

Ladifficulté de l'art littéraire semble plus grande que celle des autres arts.

En effet, l'écrivain doit créer « du beau »avec une langue qui est la même que celle de tous et qui sert à la communication pratique et quotidienne (le peintreou le musicien utilisent des matériaux moins courants).Dans le langage ordinaire « les mots servent ( ) à désigner, de façon qu'on puisse les identifier sans hésitation, desobjets, des faits, des idées » (Th.

Monod).

Dans la langue littéraire, les mots ne sont pas seulement le véhiculeutilitaire des idées; ils ont une valeur expressive.

Ils touchent par leur sonorité propre, par l'émotion qu'ils fontpasser, par la tonalité de la phrase dans laquelle ils s'insèrent.

Cette utilité « par ricochet », « en écho », n'est pastoujours comprise par la masse des « consommateurs » de mots que nous sommes :« En vérité les jeunes gens se moquent des mots gui ne sont que des mots.

Ils attendent d'un auteur qu'il soit unhomme, parlant à d'autres hommes de la condition humaine » (F.

Mauriac).

Le style représente en réalité deux notions différentes.

En un premier sens, il s'agit de l'expression conforme àl'usage ou à la grammaire.

Au sens littéraire, le style désigne l'expression propre à chaque écrivain.

En ce sens, onpeut dire : « le style c'est l'homme même »; la façon d'écrire est en effet inimitable et exprime le fond de lapersonnalité de l'écrivain, son « moi », l'influence de son milieu, sa culture, son tempérament propre, etc.

Le styleen littérature permet de poser le problème capital du rapport entre le fond et la forme.

On croit naïvement quel'écrivain, avant de se mettre au travail, possède le schéma de l'idée dans sa tête, qu'il n'aurait plus ensuite qu'àtranscrire en mots.

En réalité, s'il détient un canevas général de son « histoire », tout reste à faire et le sens nedevient définitif qu'une fois revêtu de la forme qui l'exprime.

Pour l'écrivain, le style n'est pas la traduction d'une idéepréétablie, il est la chair, la substance même de l'idée. 2.

Utilité de la littérature A quoi sert la littérature? Que représente-t-elle pour l'écrivain d'une part, et pour le lecteur d'autre part? Un témoignage sur la vie socialeMalgré les tentatives épisodiques de fonder une littérature qui ne serait que belle et ne devrait servir à rien, laplupart des courants et écoles ont défini l'art littéraire comme un témoignage sur la vie en société :« Ecrire, si ça sert à quelque chose, ce doit être ça : à témoigner.

A laisser ses souvenirs inscrits, à déposerdoucement, sans en avoir l'air, sa grappe d'oeufs qui fermenteront » (Le Clézio, sujet 3, 1984).Certains genres plus que d'autres ont une fonction de témoignage : le roman au XIXe siècle est comme le voulaitStendhal « le miroir de la société ».

Et rien n'est plus utile que de s'adresser à Balzac pour comprendre la premièremoitié du siècle.Au-delà du témoignage, il y a l'engagement.

On appelle écrivain engagé, celui qui prend position à travers sesoeuvres sur les problèmes philosophiques, moraux, politiques de son temps.

Sartre a bâti une théorie del'engagement de l'écrivain :« Nous ne voulons pas avoir honte d'écrire et n'avons pas envie de parler pour ne rien dire ( ).

Tout écrit possèdeun sens même si ce sens est fort loin de celui que l'auteur avait rêvé d'y mettre.

(...) L'écrivain (...) est « dans lecoup », quoiqu'il fasse, marqué, compromis jusque dans sa plus lointaine retraite (...) puisque l'écrivain n'a aucunmoyen de s'évader, nous voulons qu'il embrasse étroitement son époque; elle est sa chance unique : elle s'est faitepour lui et il est fait pour elle (...).

Nous ne voulons rien manquer de notre temps : peut-être en est-il de plusbeaux, mais c'est le nôtre, nous n'avons que cette vie à vivre, au milieu de cette guerre, de cette révolution peut-. »