Arts et Culture FRANÇOIS RABELAIS
Publié le 09/02/2019
Extrait du document

Parce que «rire est le propre de l’homme», Rabelais en fait une arme de combat. Dans son œuvre, c’est la totalité du monde qu’il soumet à une vaste entreprise de parodie et de dérision. Il fait la satire d’un univers qu’il reproduit en le déformant. Il pourfend les travers de ses contemporains en les rejetant dans la bouffonnerie, qu’il s’agisse des «hypocrites et bigots, vieux mata-gots», des «cafards empantouflés, gueux emmitouflés, frappards, écorniflés», des «juristes mâchefoins» ou des «avaleurs de brouillards, courbés, carmards, cerbères crétins...».
Rabelais s’acharne sur certaines classes sociales, certaines institutions qu’il ridiculise: enseignants désastreux («les sorbonicquards»), juristes parlant un galimatias incompréhensible et développant des raisonnements fumeux, philosophes verbeux qui peuplent le royaume de la Quinte Essence, va-t-en-guerre mégalomanes. Mais cela n’exclut pas la profondeur d’une pensée généreuse: Rabelais est un humaniste de la Renaissance qui, tout en pourfendant les ridicules, affiche une confiance immense en la nature, vrai guide de l’homme.
Le Quart Livre et le Cinquième Livre
Dans le Quart Livre et le Cinquième Livre, les escales dans les îles sont autant d’occasions d’ajuster le tir. La religion est la cible favorite: catholiques, protestants, prêtres, pape, tous sont représentés sous des formes grotesques, parfois animales, menant des vies absurdes...
Les hommes de justice en prennent eux aussi pour leur grade: ils sont peints sous les traits de «Chats fourrés», monstres corrompus, mangeurs d’enfants et soumis à l’autorité de l’archiduc Grippeminault. Cette dimension polémique et agressive explique pourquoi, à sa parution, l’œuvre a attiré sur elle la censure de la Sorbonne, puissante institution universitaire et religieuse de l’époque.
Rabelais invite son lecteur à ne pas en rester à la fantaisie apparente, au burlesque affiché par son œuvre. Il faut chercher la sagesse dissimulée en profondeur, «rompre l’os et sucer la susbtanti-fique moelle». Cette sagesse complexe repose sur une conception de l’homme inventée par la Renaissance. Comme les humanistes de son temps, Rabelais a le souci de faire de l’homme un être épanoui, joyeux. Il s’oppose donc aux idées qui avaient prévalu au Moyen Âge, selon lesquelles l’homme était une créature contrainte, angoissée, marquée par le péché originel. Cette défense d’un nouvel art de vivre est sensible dans les pages concernant l’éducation de Gargantua. Rabelais y oppose vigoureusement les méthodes anciennes, néfastes, qui rendent «fou, niais, tout rêveur et rassoté», à un modèle idéal d’éducation
princière. L’enseignement dispensé par Ponocra-tès est le plus complet possible: il associe étude des textes anciens et connaissance directe de la nature et il favorise l’épanouissement parallèle de l’esprit et du corps.
Cette sagesse s’inscrit plus largement dans une philosophie un peu païenne, où est valorisé le corps humain - partie prenante de cette belle nature. Rabelais fait l’apologie du corps dans tous ses états, s’adonnant sans retenue à des goinfreries, des beuveries, des orgies, aux plaisirs de l’amour et du sexe. Rabelais se délecte autant quand il décrit de colossales bagarres où l’on s’étri-pe dans la joie et la bonne humeur que lorsqu’il développe discours, raisonnements, joutes oratoires où l’intelligence humaine - et inversement, la bêtise humaine - se déploie dans toute sa puissance.
L’œuvre rabelaisienne retentit de multiples appels à jouir de la vie. L’épisode final de la Dive Bouteille proclame l’alliance entre l’esprit (assoiffé de connaissances) et le corps (ama
teur de bon vin), alliance entre la vitalité physique, insatiable, et l’intelligence éveillée, constamment aux aguets.

«
Rabelais
temple de la Dive Bouteille, l'oracle s'exprime
d'un mot: «Trinch», c'est-à-dire «Bois!»: incitation
à la boisson ou encouragement à l'ivresse des
connaissances ?
Rires et sarcasmes
Parce que «rire est le propre de l'homme», Rabe
lais en fait une arme de combat.
Dans son œuvre,
c'est la totalité du monde qu'il soumet à une
vaste entreprise de parodie et de dérision.
ll fait
la satire d'un univers qu'il reproduit en le défor
mant.
ll pourfend les travers de ses contempo
rains en les rejetant dans la bouffonnerie, qu'il
s'agisse des «hypocrites et bigots, vieux mata
gats», des «cafards empantouflés, gueux emmi
touflés, frappards, écorniflés», des «juristes
mâchefoins » ou des «avaleurs de brouillards,
courbés, carmards, cerbères crétins ...
».
Rabelais s'acharne sur certaines classes
sociales, certaines institutions qu'il ridiculise:
enseignants désastreux (•des sorbonicquards»),
juristes parlant un galimatias incompréhensible
et développant des raisonnements fumeux, philo
sophes verbeux qui peuplent le royaume de la
Quinte Essence , va-t-en-guerre mégalomanes.
Mais cela n'exclut pas la profondeur d'une pen
sée généreuse: Rabelais est un humaniste de la
Renaissance qui, tout en pourfendant les ridicules,
affiche une confiance immense en la nature, vrai
guide de l'homme.
Le Quart Livre et le Cinquième Livre
Dans le Quart Livre et le Cinquième Livre, les
escales dans les îles sont autant d'occasions
d'ajuster le tir.
La religion est la cible favorite:
catholiques, protestants, prêtres, pape, tous sont
représentés sous des formes grotesques, parfois
animales, menant des vies absurdes ...
Les hommes de justice en prennent eux aussi
pour leur grade: ils sont peints sous les traits de
«Chats fourrés», monstres corrompus, mangeurs
d'enfants et soumis à l'autorité de l'archiduc
Grippeminault.
Cette dimension polémique et
agressive explique pourquoi, à sa parution,
l'œuvre a attiré sur elle la censure de la Sor
bonne, puissante institution universitaire et reli
gieuse de l'époque.
�
Illustration de Dubout (1954)
pour Pantagruel.
Dans l'univers de Rabelais,
peuplé de géants, l'éxagération comique,
ta truculence, tes grossissements caricaturaux
sont une source de rire inépuisable.
Illustration de Dubout (1954) pour .....
te Quart Livre.
Dans te Quart Livre
et te Cinquième Livre, tes escales du navire
de Pantagruet donnent à Rabelais
t'occasion de ridiculiser tes gens de religion:
catholiques de 171e de Tapinois dirigés
par Carême-Prenant; adorateurs du pape
dans ta trop riche île des Papimanes;
protestants austères de ta sinistre île des
Pape figues (ceux qui font ta • figue» au pape).
Une sagesse complexe
Rabelais invite son lecteur à ne pas en rester à la
fantaisie apparente, au burlesque affiché par son
œuvre.
Il faut chercher la sagesse dissimulée en
profondeur , «rompre l'os et sucer la susbtanti-
fique moelle>> .
Cette sagesse complexe repose sur
une conception de l'homme inventée par la
Renaissance.
Comme les humanistes de son
temps, Rabelais a le souci de faire de l'homme
un être épanoui, joyeux.
Il s'oppose _donc aux
idées qui avaient prévalu au Moyen Age, selon
lesquelles l'homme était une créature contrainte,
angoissée, marquée par le péché originel.
Cette
défense d'un nouvel art de vivre est sensible dans
les pages concernant l'éducation de Gargantua.
Rabelais y oppose vigoureusement les méthodes
anciennes, néfastes, qui rendent «fou, niais, tout Sur
le plan littérai-
re, cet amour de la vie
se traduit par une gour
mandise pour le langage et les
mots.
Les connaissances encyclo
pédiques de Rabelais lui permettent d'uti-
liser et de parodier les langages savants (latin,
grec, jargons juridiques, éloquence médiévale)
aussi bien que les parlers populaires, les patois.
Une langue exubérante
I..:écrivain multiplie les inventions verbales, les énu
mération s démesurées ; il aligne des noms
cocasses forgés à partir d'étymologies fantaisistes,
rêveur
et rasso té>>, à un modèle idéal d'éducation
princière.
I..:enseignement dispensé par Ponocra
tès est le plus complet possible: il associe étude
des textes anciens et connaissance directe de la
nature et il favorise l'épanouissement
parallèle de l'esprit et du corps.
-���!Il..
truffe
son texte de calembours, de contre
pèteries; il mélange obscénités et citations
savantes (vraies ou fausses) Dans un épiso
de fameux du Quart Livre, Pantagruel et ses
compagnons, isolés aux confins de «la mer
glaciale ••, entendent dans l'air des voix,
des cris, des bruits de bataille : ils ont
atteint une zone de «p aroles gelées>>
durant l'hiver précédent; le printemps
Cette
sagesse s'inscrit plus largement
dans une philosophie un peu païenne,
où est valorisé le corps humain -partie
prenante de cette belle nature.
Rabelais
fait l'apologie du corps dans tous ses
états, s'adonnant sans retenue à des goin
freries, des beuveries, des orgies, aux plai
sirs de l'amour et du sexe.
naissant
les fait fondre, libère «des mots
Rabelais se délecte autant
quand il décrit de colos
sales bagarres où l'on s'étri
pe dans la joie et la bonne
humeur que lorsqu'il déve
loppe discours, raison
nements, joutes oratoi
res où l'intelligence
humaine -et inverse
ment, la bêtise humai-
ne -se déploie dans
toute sa puissance.
L'œuvre rabelai
sienne retentit de mul
tiples appels à jouir de
la vie.
I..:épisode final de
la Dive Bouteille procla
me l'alliance entre l'es
prit (assoiffé de connais
sances) et le corps (ama- Er
le mor proferes,
Auqad pcndmoncœar.
En la une diaiDc liqueur,
BaCCIIS qui fut d'Inde niuqu cur,
Tient toute vcrité cnclofc.
Vint �nt diuin loin de toy cft fordofc
Toute me��fonJC ,lie roure rromper•c.
En ioye foie l"Aico dc.Noacb clof(o
Lequel d�uJ uy.c: J;ft la rcmpcric.
Somme lihcau mot, ioa'en·prie,
Q& mcc!oir ollcr dcmiferc.
Ainli DC fe perde YDC aou{tC.
De roJ , foir blaDch• ou foie nrmcillc.
0 Sourcille
teur de bon vin), alliance entre la
vitalité physique, insatiable, et
l'intelligence éveillée, cons
tamment aux aguets.
Jllainc
roar&
De myllc rea
D'wnoaur$iil lo
let' cfco1uc
Neclilf'trct.
de
gueule, des mots de sinople,
des mots d'azur, des mots
de sable, des mots dorés» et
fait entendre toutes sortes de
paroles, « piquantes, san
glantes, horrifiques ...
>>.
Un réel hommage à la
parole vivante.
Panta
gruel se fait le porte
parole de l'écrivain,
quand il dit que «don
ner paroles•• est «acte
des amoureux>> .
� Dessin de
ta Dive Bouteille.
Le message renvoie
à un mot clé prononcé
par l'oracle: •Trinch»
(Bois!).
Ce maître mot
est ambivalent: il est
autant un éloge du vin
qu'une incitation
à étancher une vaste
soif de connaissances..
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