Autrui et la connaissance de soi
Publié le 08/04/2025
Extrait du document
«
« Ce n'est pas en se contemplant soi-même que l'on se connaît, c'est en se confrontant à
autrui », écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe.
À travers cette affirmation, Beauvoir
invite à penser que la connaissance de soi passe par la relation aux autres, ce qui semble écarter
l’idée même que nous pourrions parvenir à nous connaître par la seule introspection.
Pourtant, ne
sommes-nous pas les plus à même de nous définir ? Un paradoxe semble alors émerger : est-ce par
le rapport à autrui que nous serions capables de savoir qui nous sommes ? Au quotidien, les
remarques anodines des autres révèlent parfois des aspects de nous-mêmes que nous ignorions : un
ami qui nous qualifie d’« impulsif », ou qui souligne notre calme face à une situation… Ces
observations, sans y paraître, agissent comme le reflet de notre personnalité.
Ainsi, dans nos
interactions, dans le regard de ceux qui nous entourent, nous découvrons des facettes de notre
identité que nous n’aurions peut-être jamais soupçonnées par nous-mêmes.
Pourtant, si le regard d’autrui peut éclairer certains aspects de nous-mêmes, il est aussi parfois
source d’ambiguïté et peut révéler une nature en décalage avec la réalité, c’est à dire une vision
malhonnête, empêchant notamment de se découvrir et de s’affirmer.
Ainsi plusieurs questions
apparaissent : apprendre à se connaître relève-t-il d’une quête solitaire ou d’un travail en relation
avec autrui ? Les autres sont-ils une aide lorsque je cherche à savoir qui je suis, ou bien
représentent-t-il un obstacle à la connaissance de moi-même ? Nous verrons ainsi dans un premier
temps en quoi l’autre peut être une aide indispensable dans la quête de notre identité, avant
d’analyser les limites du rapport à l’autre pour notre authenticité.
On peut donc premièrement affirmer que les autres apportent une aide précieuse dans la
quête de la connaissance de soi.
Ils peuvent en effet m'aider en me donnant des points de repère objectifs décisifs.
L'homme
est un être social comme l’explique Aristote dans Éthique à Nicomaque, qui a nécessairement
besoin de vivre en société, non seulement pour subvenir à ses besoins premiers, mais également
pour développer ses facultés, intellectuelles ou encore psychologiques : « l’homme qui se suffit à
soi-même aurait besoin d’amitié pour apprendre à se connaître soi-même ».
L'ouvrage de Michel
Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, insiste sur le fait que l'être humain cultive une
dépendance à l'altérité : seul, Robinson Crusoé perd tout repère, devenant presque fou : « Autrui,
pièce maîtresse de mon univers… Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de
nouvelles fissures dans mon univers personnel.
Je sais ce que je risquerais en perdant l'usage de la
parole, et je combats de toute l'ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance.
Mais mes relations
avec les choses se trouvent elles-mêmes dénaturées par ma solitude ».
Par cet exemple, on peut
même aller jusqu'à affirmer que l'homme, sans autrui, perd son identité, qu’il ne parvient plus à se
reconnaître en l’absence de ses semblables.
La présence d'autrui se révèle ainsi indispensable pour se construire soi-même.
Dans cette
optique, le regard d'autrui, c'est-à-dire l'image que l'autre me renvoie de moi-même, est nécessaire
pour la conscience de soi et pour la connaissance de soi.
Comme le souligne notamment Jean-Paul
Sartre dans L'existentialisme est un humanisme, autrui joue le rôle d'un "miroir" pour la conscience :
l'homme "ne peut rien être […] sauf si les autres le reconnaissent comme tel.
Pour obtenir une vérité
quelconque sur moi, il faut que je passe par l'autre.
» De même, dans son ouvrage L’Être et le
Néant, Sartre évoque cet aspect : "autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même".
En
ce sens, autrui apparaît comme un être qui peut me révéler qui je suis.
De fait, c'est en prenant
compte de la vision que les autres ont de moi que je parviens à me connaître intimement.
De plus, grâce aux autres, je peux éviter une vision exclusivement subjective de moi-même,
c’est-à-dire une perspective unilatérale et limitée.
Lorsque je suis amené à me définir, il est souvent
utile de recueillir différentes opinions et points de vue.
Michel de Foucault rejoint cette thèse dans
Dits et Écrits : pour bien se soucier de soi, il faut écouter les leçons d’un maître.
On a besoin d’un
guide, d’un conseiller, d’un ami, de quelqu’un qui vous dise la vérité ».
Prenons l’exemple d’une
personne qui se considère comme introvertie.
En discutant avec des amis, elle peut découvrir qu'ils
la voient également comme telle et que c’est ce qu’ils apprécie chez elle, ce qui lui permet
d'apprécier des traits qu'elle n'aurait pas valorisés autrement.
Les retours des autres peuvent ainsi
nuancer et enrichir le regard que j’ai sur moi-même.
Consulter autrui s'avère donc essentiel dans
notre construction personnelle, car cela nous aide à construire une image plus complète et équilibrée
de qui nous sommes.
Peut-on seulement considérer que le jugement des autres permet d’accéder à
une connaissance absolue de nous-même ?
Le caractère social de l’homme se révèle être ambivalent, c’est-à-dire que pour tout
individu, autrui est à la fois une aide dans la connaissance de soi, comme nous avons pu le présenter....
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