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B. CENDRARS, Moravagine

Publié le 18/09/2011

Extrait du document

Nous remontions l'Orénoque sans parler. Cela dura des semaines, des mois. Il faisait une chaleur d'étuve. Deux d'entre nous étaient toujours en train de ramer, le troisième s'occupait de pêche et de chasse. A l'aide de quelques branchages et des palmes, nous avions transformé notre chaloupe en carbet.

Nous étions donc à l'ombre. Malgré cela, nous pelions, la peau nous tombait de partout et nos visages étaient tellement racornis que chacun de nous avait l'air de porter un masque. Et ce masque

nouveau qui nous collait au visage, qui se rétrécissait, nous comprimait le crâne, nous meurtrissait, nous déformait le cerveau. Coincées, à l'étroit, nos pensées s'atrophiaient. Vie mystérieuse de l'oeil. Agrandissement. Milliards d'éphémères, d'infusoires, de bacilles, d'algues, de levures, regards, ferments du cerveau.

Silence.

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Sous la forme d'un commentaire composé, vous montrerez par exemple, comment Cendrars fait progressivement ressentir l'exubérance agressive de la nature équatoriale.

« Sous la forme d'un commentaire composé, vous montrerez par exemple, comment Cendrars fait progressivement ressentir l'exubé­ rance agressive de la nature équatoriale.

Ce texte de Cendrars nous présente la nature sous un jour inhabituel, bien différent des descriptions romantiques par exem­ ple, qui exaltent l'harmonie de la nature en accord avec les sentiments humains.

Mais ce jour nouveau est toutefois très vivant et évocateur.

La nature apparait dans ce passage comme étant en un perpétuel renouvellement.

Tout est affecté par cette rotation, ce cycle éternel : depuis les nuages qui sont« en formation» jusqu'à la vie animale ou végétale, toute chose, tout être obéit à cette loi immuable du renouveau.

La nature est sans cesse en « Devenir ».

La « Boursouflure d'un bourgeon » engendre l' « éclosion d'une feuille ».

Mais c'est sans doute avec cette juxtaposition que Cendrars définit le mieux ce cycle : « Germination .

Champignon­ n age .

Phosphorescence.

Pourriture.

Vie ».

La germination des graines précède la croissance décrite par le néologisme « Champi­ gnonnage » qui évoque la croissance des champignons dans un milieu humide, obscur et fertile comme l'est la forêt vierge.

« Phosphorescence » : la connotation de ce nom c'est le vert, la couleur de la vie.

Puis la plante pourrit, retourne à l' « humus glauque», et la vie reprend.

Tout le récit baigne dans un milieu liquide : dès la première phrase, le narrateur nous apprend qu'il remonte l'Orénoque, un des plus grands fleuves du monde ; il emploie le terme « solitude aquatique ».

Or l'eau est le milieu dans lequel la vie est née, dans lequel elle s'est développée avant de coloniser les terres; c'est un milieu nourricier.

La forêt vierge elle-même est décrite comme liquide : « ces vapeurs molles , cette route ondoyante, cet océan de feuilles, de coton , d'étoupe, de lichens, de mousses », l' « humus glauque " · C'est au milieu de cet « écoulement » que la vie se développe.

Elle n'en sera que plus puissante et démesurée.

Car cette Nature est toute entière marquée par la démesure.

Démesure d'abord de sa taille, de ses dimensions : le fleuve s'élargit à mesure que l'on le remonte.

La forêt est impénétrable, formée de « taillis élastiques » et de « fourrés secrets ».

Mais elle est aussi monstrueuse, au sens originel du mot : sa nature est. »

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