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BAÏF Jean Antoine de : sa vie et son oeuvre

Publié le 15/11/2018

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BAÏF Jean Antoine de (1532-1589). Poète, Baïf survit mal à son siècle, en partie parce que ses tentatives ont été trop exclusivement inscrites dans les modes érudites de son temps, qu’il a cru pouvoir influencer de l’extérieur et dont il a pourtant été dépendant; en partie aussi parce qu’il était, comme l’a dit son contemporain Pas-quier, « assez mal né à la poésie ».
Né à Venise d'une mère italienne au moment où son père, le grand humaniste Lazare de Baïf, y était ambassadeur de François Ier, il revient en France avec lui en 1534 et reçoit successivement de Charles Estienne, d’Ange Vergèce et de l’helléniste Jacques Toussain l'éducation la plus savante et la plus attentive qu'on ait pu concevoir dans ces années-là. Il n’a que douze ans quand son père le reprend avec lui et lui donne comme précepteur le fameux helléniste et poète néo-latin Jean Dorat; il a alors pour compagnon de travail, juste avant que son père ne meure (1547), le jeune Ronsard, qui vient de perdre son propre père. Ensemble ils rejoignent le collège de Coqueret, où enseigne Dorat, et leur amitié, assez houleuse, durera toute leur vie. Baïf voyage un peu en compagnie d’amis : à Poitiers avec Tahureau, en Normandie avec Vauquelin de La Fresnaye, à Tours avec Ronsard (qui l’évoque dans l’un de ses plus beaux poèmes); il passe quelques mois à Trente, en Italie (1562-1563); pour le reste, il est parisien, et très bien en cour. Il demeure dans la belle maison que son père lui a laissée hors les murs, rue des Fossés-Saint-Victor, toute proche de l'ancienne abbaye Saint-Victor, qui favorisait le courant platonicien depuis le Moyen Age. C’est là qu’il fonde la première académie platonicienne de France, en 1570.
Auparavant, l’activité littéraire de Baïf est considérable, orientée à la fois vers la poésie et le théâtre. Son œuvre poétique comprend d’abord des recueils amoureux : les Amours, de 1552, qu’il intitulera plus tard Amours de Méline, l'Amour de Francine, de 1555, et les Diverses Amours, de 1573. Seul l'Amour de Francine semble avoir eu une inspiratrice réelle, Françoise de Gennes, rencontrée à Poitiers. Ces textes prolixes, surchargés de références antiques, italiennes ou néo-latines, traitent indéfiniment les thèmes plus ou moins pétrar-quistes du moment, d’une façon insipide propre à en dégoûter le lecteur. On chercherait en vain, dans ces vers de tous mètres, de tous agencements strophiques, une inspiration masquée par la recherche systématique, les chevilles. La seule variété relative est dans la répartition des formes choisies : ainsi de l'Amour de Francine, qui rassemble des sonnets dans ses deux premiers livres, des odes variées dans un autre, des poèmes à forme plus longue dans un dernier. Les Passe-temps, de 1573, et la poésie de circonstance — Remonstrance..., de 1557, Neuf Livres de poèmes, de 1573, qui n’oublient dans l’éloge aucun des grands — ne valent guère mieux. Partout un « alexandrinisme » épris de mythologie, sans aucun goût pour les mots. Le recueil versifié des Mimes, Enseignements et Proverbes (1576), augmenté plusieurs fois, a connu un grand succès d'édition jusqu’aux premières années du xviie siècle, qui appréciait beaucoup cette poésie gnomique, déroutante dans son mélange de fables, d’apologues et de proverbes populaires, groupés en strophes régulières :
Le Porc enseignera Minerve.
Qui ne sait maistriser qu'il serve : Chacun pour soy et Dieu pour tout : Qui se pourra sauver se sauve. Fortune par-derrière est chauve. Prendre faut tout par le bon bout...
Imitant l’Italien Pontano, Baïf a aussi, dans le vaste poème des Météores, sacrifié au goût de son temps pour la poésie « scientifique ». Même travail énorme chez l’auteur de tragédies et de comédies. Influencé par le milieu de son père, qui a contribué à l'essor du théâtre humaniste, Baïf, enfant précoce, traduit des pièces — aujourd’hui perdues — du répertoire latin et grec; il songe, avant Jodelle, à une Cléopâtre, adapte avec habileté l’Antigone de Sophocle, l'Eunuque de Térence, et surtout réussit, avec le Brave, tiré de Plaute, une des meilleures comédies humanistes; il y donne un tour alerte aux vers et francise les situations et les noms propres : Taillebras, Bontams, Gallepain... La pièce obtint un vif succès devant la Cour en 1567.
Mais le plus grand mérite de Baïf, et qui lui valut son renom légitime, est d’avoir organisé en 1570 cette académie de poésie et musique qu’Henri III remplacera, en 1574, par l'Académie du Palais. Si elle n’a pas fait prendre conscience la première de la complexité des rapports entre les deux arts — chose déjà bien évidente dans les plaintes des poètes devant le morcellement de leurs textes dans la polyphonie —, elle a du moins établi des bases rigoureuses nouvelles pour cette collaboration, bases qui seront fort louées au xviie siècle par le spécialiste de ces questions, le père Mersenne. Au départ, tout est venu du travail de Baïf sur les vers mesurés; pour lui, comme pour les poètes italiens et français qui s’y étaient



« précédemment essayés, il fallait retrouver le vers anti­ que, qui s'accordait à la musique des Anciens dans l'al­ ternance des syllabes longues et brèves.

Plus n'était besoin du rythme syllabique régulier ni des rimes.

La musique devait être servie plus librement par ces textes, et obtenir des effets moraux et psychologiques plus intenses sur l'auditeur.

Baïf a intéressé les meilleurs compositeurs :Thibault de Courville, qui fonde l' Acadé­ mie avec lui; Claudio Le Jeune, qui met en musique ses vers pour le mariage du duc de Joyeuse (1581); Beaulieu; enfin Jacques Mauduit, qui partage avec lui le projet d'une poésie religieuse catholique, mise en musique pour être chantée par tous.

Si l'Académie de 1570 était plutôt une sorte de collège pour chantres, musiciens et compo­ siteurs, financé par des auditeurs soumis eux-mêmes à des règles, l'Académie du Palais a réuni, autour de Henri Til, Ronsard, Desportes, Tyard, du Perron et des invités de marque, en compagnie de quelques grands de la Cour.

Si l'on songe à l'extrême importance de la musi­ que dans toute la vie du xv1• siècle, on comprend mieux que cet auteur « nombreux », trop dispersé dans une œuvre pesante, ait donné le meilleur de lui-même dans ce qui, pour nous, est perdu, mais intéresse encore beau­ coup les musicologues.

[Voir aussi PLÉIADE].

BIBLIOGRAPHIE Pour la quasi-totalité de l'œuvre voir Many-Laveaux, la Pléiade françoise, Paris, Lemerre, V Ill-Xli, 1881-1890 (reprint Slatkine); le Brave, éd.

S.

Maser, Droz.

1979; A.-M.

Schmidt, Pnères du xvi' siècle, Gallimard, 1953, p.

997-1010, a publié les « Chansonnettes mesurées, mises en musique à quatre parties par Jacques Mauduit ».qui n'avaient pas été publiées au xvr• siècle; E.

Caldarini a édité les Amours de Francine, Dro z , 1969; Mimes, enseignemems er proverbes, éd.

par J.

Vignes, Genève.

Droz, 1992; le Premier Livre des poèmes, éd.

par Guy Demerson, Grenoble.

Presses Universitaires.

1975; Mathieu Augé-Chiquet, la Vie, les idées er l'œuvre de Jean-Amoine de Baif, Paris, 1909.

Cf aussi Henri Chamard, Hisroire de la Pléiade, Par is.

1939-1940.

Sur vers mesurés et musiq ue, Baïf est constamment cité dans deux ouvrages importants : Frances Yates, rhe French Academies of the xvrh Cenrury, Warburg Institute, 1947; Musique er poésie au xvi' siècle, Paris.

C.N.R.S., 1954 (cf.

notamment les articles de Kenneth lay Levy.

p.

184-201, et Frances Yates, p.

241-264).

M.-M.

FONTAINE lûS. »

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