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BALZAC, Eugénie Grandet, « portrait de Melle d'Aubrion » Commentaire rédigé du passage depuis « Mademoiselle d'Aubrion… » jusqu’à « …dans un musée. »

Publié le 21/09/2011

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Les romanciers majeurs du XIXème, Stendhal, Balzac, Flaubert, ont su donner vie à des univers romanesques très caractérisés, tant par leur manière d’évoquer des lieux que par leurs personnages. Ces « êtres de papier « sont devenus, pour les lecteurs, indissociables de leurs auteurs : Stendhal et Julien ou Fabrice, sans oublier Flaubert qui se plaisait à dire : « Madame Bovary, c’est moi ! « Dans son roman Eugénie Grandet, paru en 1833, Balzac fait évoluer un petit nombre de personnages, dans le cadre provincial de la ville de Saumur où l’intrigue se noue autour sur la passion d’Eugénie pour son cousin, sur fond d’avarice paternelle. Le roman présente un certain nombre de portraits plus ou moins détaillés et parfois qui évoluent au fil de l’histoire, telle la servante, « la grande Nanon «, qui est campée avec de nombreux de détails comiques mais aussi cruels, et que l’on retrouve dans les derniers instants de l’histoire, devenue Madame Cornoiller, « bourgeoise de Saumur «.

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« tels désavantages … » (l.10-11).

Ce début de phrase exprime deux fois l'opposition : dans la grammaire de la phrase, par l'emploi de la conjonction « mais », et dans le vocabulaire, avec le verbe « contre-balancer ».

De plus, un chiasme sonore est audible dans « de tels désavantages » car les sons d/t/d/t se combinent pour mettre en valeur toute la difficulté de cette éducation, et semblent imiter les efforts engagés pour réussir dans cetteentreprise de camouflage d'une telle cruauté anatomique. L'éducation de Mademoiselle d'Aubrion est largement disséquée dans le passage, et bon nombre de verbes au plus que parfait illustrent la méthode employée : « avait donné à sa fille » (l.

11-12), « l'avait soumise » (l. 12), « lui avait appris » (l.14), « l'avait dotée » (l.

15), « lui avait enseigné » (l.

14-15), « lui avait montré » (l. 18).

A travers ces verbes d'action, nous constatons que cette éducation est pour le moins dirigiste : elle laisse peude place à l'échange et au dialogue, et la contrainte y est grande.

Dans le même ordre d'idées, il est aussi notableque tous ces verbes d'action ont pour sujet la mère, pour objet , la fille.

Ainsi, Mademoiselle d'Aubrion est façonnée par sa mère, et cela n'est pas sans rappeler l'histoire de Pygmalion et Galatée dont la mythologie grecques'honore. Enfin, l'emploi de la locution prépositionnelle , « au moyen de … » (l.22), qui a le sens de « à l'aide de, avec, grâce à », annonce une suite d'éléments concrets qui permettront de détourner la réalité de ce physiquedisharmonieux : «… de manches larges, de corsages menteurs, de robes bouffantes…, d'un corset à haute pression » (l.

22 à 24).

Ainsi, outre les actions engagées pour améliorer les attitudes de la jeune fille, il y a recours à des éléments de la toilette féminine qui soulignent l'artifice sous jacent.

L' accumulation de ces atours fait oublier la personne même : Mademoiselle d'Aubrion n'est plus qu'assemblage savant de toilettes successives. *** Cette éducation se présente donc en apparence comme une classique éducation de jeune fille del'aristocratie des années 1830 en ce qu'elle obéit aux règles du maintien, du savoir-vivre, de la conversation del'époque.

Toutefois, s'il apparaît bien que Mademoiselle d'Aubrion est modelée pour son siècle, elle l'est aussi poursatisfaire aux exigences plus personnelles de sa mère. *** La mère de Mathilde appartient à la noblesse de Cour, son titre est précisé : « la marquise d'Aubrion » (l.11). Associée à cette idée, nous pouvons relever un champ lexical qui illustre les différents aspects de son statut social : « un air très distingué » (l.22), « l'art de se mettre avec goût » (l.14-15), « de jolies manières » (l.15).

Si elle transmet ces qualités à sa fille, c'est bien parce qu'elle-même les possède.

Face à la disgrâce de la fille, la mèrese signale par la réussite dans son rôle de femme du monde : « trente huit ans…belle encore … » (l.9).

Ces deux précisions objectives sont un avis digne d'un Balzac connaisseur dont on sait qu'il aimait les femmes.

Ainsi, à défaut d'être visiblement génétique, la transmission entre mère et fille fera entre elles par l'acquisition du bon usage.

L'autre aspect important de la marquise d'Aubrion est perceptible dans l'idée qu'elle « avait des prétentions » (l.10).

L'emploi du pluriel est aussi significatif… Prétentions de quel ordre, dira-t-on ? Deux termes développent en partie la nature de ces prétentions : « « la manœuvre » et « le parti » : « elle lui avait montré la manœuvre du pied … » (l.18-19), « elle avait tiré de sa fille un parti très satisfaisant .

» (l.21).

Ainsi, nous voyons qu'il s'agit d'une stratégie éducative, d'une éducation qui se donne un autre but qu'éduquer : Mademoiselle d'Aubriondoit trouver le bon mari, faire le bon mariage qui mettra à l'abri sa famille, aristocrate et désargentée, comme c'estsouvent le cas déjà à cette époque.

D'une certaine manière, nous pouvons avancer que la marquise, éduquant safille, pense fortement à son propre avenir, que l'éducation qu'elle lui donne représente une sorte de politique socialeet familiale délibérément choisie.

Enfin, un dernier point nous semble être remarquable à propos de ce personnage, c'est la contradiction interne qu'il porte, contradiction entre l'être et le paraître.

Madame la marquise d'Aubrion nous est présentée à la fois comme un véritable modèle de mère dévouée dans son rôle éducatif, un modèle « pour l'instruction des mères » (l.25-26), digne d'être montré « dans un musée » (l.26), mais aussi comme le comble de l'hypocrisie , car le factice est sans cesse souligné, de même que le mensonge inhérent à cette éducation.

Concernant cet aspect, iln'est que de citer l'inventaire des moyens mis en œuvre pour duper l'éventuel prétendant depuis « ces regards mélancoliques…qui lui font croire qu'il va rencontrer l'ange … » (l.16) jusqu'à ces « corsages menteurs » (l.22), tout n'est que pièges, duperies, attraits trompeurs.

Balzac ironise fortement sur cette mère manipulatrice et calculatrice,bourreau bienveillant de son unique fille. *** Ce portrait est inséré dans le long paragraphe qui expose le retour de Charles des Indes tant attendu par Eugénie et par le lecteur.

Ce portrait passe un peu inaperçu au regard de l'émotion du retour, et semble donc peuattirer l'attention du lecteur.

Si le portrait de Mademoiselle d'Aubrion suscite le rire, et dans un premier tempsn'éveille chez le lecteur aucune pitié, pourtant, lorsque l'on observe plus attentivement les conditions de vie dejeune fille riche, que l'on imagine les souffrances endurées au long de son éducation, il est possible que l'on soit,finalement touché.

Mademoiselle d'Aubrion subit sa mère et illustre un aspect particulier de l'histoire de l'éducationdes filles du début du XIXème siècle.A travers le portrait de la fille, c'est bien la mère que Balzac vise.. »

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