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BAUDELAIRE: Une poétique de la conspiration

Publié le 07/09/2013

Extrait du document

baudelaire

 

Benjamin, dans son étude déjà citée sur la modernité de

Baudelaire, a proposé le commentaire suivant de cette réserve

concertée qui voile les intentions sous une volonté

d'objectivité pour donner plus d'éclat et de force à la charge

subversive du poème :

«Sous les masques qu'il utilisait, le poète, chez Baudelaire,

préservait son incognito. Il était dans son oeuvre

aussi prudent qu'il pouvait paraître provocant dans les

relations personnelles. L'incognito était la loi de sa poésie.

Sa prosodie est comparable au plan d'une grande

ville où l'on peut circuler discrètement à l'abri des pâtés

de maisons, des portes cochères ou des cours. Sur ce

plan, les mots ont leurs places exactement définies,

comme des conspirateurs avant que n'éclate la révolte.

Baudelaire conspire avec le langage lui-même. Il en calcule

les effets pas à pas. «

Un souper chez les pauvres

Et plus loin, Benjamin relève un emploi discordant de l'allégorie

qui montre que Baudelaire n'a pas été seulement le

chantre de la modernité par les thèmes qu'il a abordés, mais

qu'il a su également créer un langage poétique nouveau fondé

sur une cacophonie savamment calculée, sur le rapprochement

de mots de registres différents.

Dans une analyse d'inspiration marxiste, Benjamin associe

cet art d'essence blasphématoire à un goût profond pour la

conspiration qui ne s'est jamais démenti. On peut, à l'appui

de cette lecture décapante des Fleurs du Mal, citer cette

réflexion que Baudelaire a notée dans ses carnets, sous la

rubrique des projets littéraires qu'il n'a jamais réalisés:

«La Conspiration [ ..• ] Le goût de la mort a toujours

régné en moi conjointement avec le goût de la vie. J'ai

joui de la vie avec amertume. Si les conspirateurs lâchent

pied, plus d'intérêt dans ma vie. Je suis donc

intéressé à ranimer la conspiration. [ •.. ] «

Puis, faisant allusion à une phrase de Robespierre qu'il avait

déjà citée dans Les Paradis artificiels: «L'homme ne voit

jamais l'homme sans plaisir!«, Baudelaire ajoute:

«C'est Robespierre, je crois, qui disait dans ce style

sentencieux dont ma jeunesse s'est enivrée ... Depuis

combien d'années cette phrase est-elle devenue inintelligible

pour moi? Car pareille horreur de l'homme

a-t-elle jamais existé ailleurs que chez moi?... Depuis

l'heure du lever et jusqu'à l'heure bénie et souvent

redoutée où j'entre dans le sommeil, il n'est pas une

fonction de la vie qui ne réclame la présence et le secours

de l'homme ... Or, à peine la conspiration trouvée,

toute la jeunesse revient. Les yeux prennent intérêt à la

vie. Les souvenirs ne sont plus accablants (Un souper

chez les pauvres. Il y a donc quelque vertu dans l'humanité.

Humilité, serviabilité, générosité). - A peine la

conspiration éclipsée, le goût du néant revient. «

Ce fragment éclaire, me semble-t-il, l'assimilation tentée par

Benjamin entre la dissimulation dont font preuve les conspirateurs

et les précautions dont use Baudelaire pour rendre sa

poésie plus «détonante«. Mais ces notes quelque peu décousues

et d'autant plus percutantes se rapportent également au

«Crépuscule du soir«.

Comment, en effet, ne pas rattacher ce« souper chez les pauvres

« aux vers du poème où il est question des pauvres dont:

"Plus d'un ne viendra plus chercher la soupe parfumée,

Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.,,

baudelaire

« chantre de la modernité par les thèmes qu'il a abordés, mais qu'il a su également créer un langage poétique nouveau fondé sur une cacophonie savamment calculée, sur le rapproche­ ment de mots de registres différents.

Dans une analyse d'inspiration marxiste, Benjamin associe cet art d'essence blasphématoire à un goût profond pour la conspiration qui ne s'est jamais démenti.

On peut, à l'appui de cette lecture décapante des Fleurs du Mal, citer cette réflexion que Baudelaire a notée dans ses carnets, sous la rubrique des projets littéraires qu'il n'a jamais réalisés: «La Conspiration [ ..• ] Le goût de la mort a toujours régné en moi conjointement avec le goût de la vie.

J'ai joui de la vie avec amertume.

Si les conspirateurs lâ­ chent pied, plus d'intérêt dans ma vie.

Je suis donc intéressé à ranimer la conspiration.

[ •..

] » Puis, faisant allusion à une phrase de Robespierre qu'il avait déjà citée dans Les Paradis artificiels: «L'homme ne voit jamais l'homme sans plaisir!», Baudelaire ajoute: «C'est Robespierre, je crois, qui disait dans ce style sentencieux dont ma jeunesse s'est enivrée ...

Depuis combien d'années cette phrase est-elle devenue inintelli­ gible pour moi? Car pareille horreur de l'homme a-t-elle jamais existé ailleurs que chez moi?...

Depuis l'heure du lever et jusqu'à l'heure bénie et souvent redoutée où j'entre dans le sommeil, il n'est pas une fonction de la vie qui ne réclame la présence et le se­ cours de l'homme ...

Or, à peine la conspiration trouvée, toute la jeunesse revient.

Les yeux prennent intérêt à la vie.

Les souvenirs ne sont plus accablants (Un souper chez les pauvres.

Il y a donc quelque vertu dans l'huma­ nité.

Humilité, serviabilité, générosité).

- A peine la conspiration éclipsée, le goût du néant revient.

» Ce fragment éclaire, me semble-t-il, l'assimilation tentée par Benjamin entre la dissimulation dont font preuve les conspi­ rateurs et les précautions dont use Baudelaire pour rendre sa poésie plus «détonante».

Mais ces notes quelque peu décou­ sues et d'autant plus percutantes se rapportent également au «Crépuscule du soir».

Comment, en effet, ne pas rattacher ce« souper chez les pau­ vres» aux vers du poème où il est question des pauvres dont:. »

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