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BAYLE Pierre : sa vie et son oeuvre

Publié le 16/11/2018

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BAYLE Pierre (1647-1706). Pierre Bayle est considéré comme l’un des pères de la philosophie des Lumières; son nom est communément associé à celui de Fontenelle, comme s’ils s’étaient tous deux voués à la même œuvre, s’étaient obstinément attachés à promouvoir (et, plus souvent peut-être, à ruiner) les mêmes valeurs. En fait, ce parallèle doit plus à la rhétorique qu’à l’histoire exacte : un abîme sépare les deux hommes.

 

Pierre Bayle naquit en 1647 à Carla-le-Comte (aujourd’hui, Carla-Bayle). Éduqué d’abord par son père dans la religion réformée, il fut ensuite envoyé à l’académie de Puylaurens, mais, en 1669, il abjura le calvinisme et entra au collège de jésuites de Toulouse. Conversion sincère ou opportunisme? Nous n’en savons rien. Mais, un an plus tard, Bayle revint au protestantisme. Il était désormais un « relaps » — définitivement rejeté par les catholiques, suspect aux yeux des huguenots.

 

Sa vie est dès lors celle d’un aventurier, qui court l’Europe. Précepteur à Genève en 1670, puis à Coppet, puis à Rouen en 1674, il est, de 1675 à 1681, professeur de philosophie à l’académie de Sedan. Il est ensuite appelé en Hollande et enseigne la philosophie et l'histoire à Rotterdam.

 

Les Provinces-Unies sont alors divisées en deux camps : les grands bourgeois libéraux, pacifistes et tolérants, et le peuple, attaché d’ordinaire au Stathouder Guillaume d'Orange, lequel représente l’intransigeance religieuse et la guerre contre la France. Bayle sera hostile aux orangistes. Cela se discerne dès ses premières œuvres, la Lettre sur les comètes (1682) et la Critique générale de l'Histoire du calvinisme du P. Maimbourg (1682) : il y montre, en effet, que la superstition est le pire des maux, pire même que l’athéisme, et il y affirme que la conscience est libre et qu’on ne peut, sans sacrilège, tenter de la contraindre.

 

En mars 1684, il fonde les Nouvelles de la République des lettres, un journal littéraire mensuel, dont il assure la direction et la plus grande part de la rédaction jusqu’en février 1687, date à laquelle le surmenage l’oblige à renoncer à ce travail. Cette feuille est interdite en France. C’est, en effet, l’époque de la révocation de l’édit de Nantes. Jacob Bayle, le frère de Pierre, meurt, en 1686, dans une prison de Bordeaux; maints réfugiés huguenots affluent dans les Provinces-Unies. Ces malheurs inspirent au philosophe deux ouvrages : Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis-le-Grand (1686), et le Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d'entrer » (1687).

 

Jusqu’ici, Bayle et Jurieu étaient amis [voir Jurieu]. Ils avaient travaillé ensemble à Sedan, comme ils enseignaient ensemble à Rotterdam. Mais une furieuse polémique va les opposer. Alors que Jurieu préconise une lutte acharnée contre la France et réprouve toute tolérance, Bayle suggère aux réformés une politique plus conciliante, des ménagements, des compromis. Il s’efforce de montrer, dans le Commentaire philosophique, que plusieurs confessions chrétiennes peuvent coexister sans trouble ni combats. Jurieu réplique dans un libelle, Des droits des deux souverains en matière de religion, la conscience et le prince (1687) : la prétendue tolérance, que prône son adversaire, ne lui paraît qu’un « déisme tout pur et tout net ».

 

En 1690 parut anonymement l'Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France. L’agressivité des protestants français réfugiés en Hollande y était sévèrement blâmée : que n’imitaient-ils la patience des catholiques anglais soumis à Guillaume d’Orange? Jurieu voulut voir dans cet Avis une machine de guerre contre tout le Refuge, ou même tout le calvinisme : c’est la thèse qu’il soutint dans son Examen d'un libelle... (1691), où il prétendit que Bayle en était l’auteur. En fait, Daniel de Larroque déclara avoir écrit cet opuscule, mais Bayle y avait certainement une part de responsabilité : sans doute avait-il au moins recopié et corrigé le texte de Larroque...

 

Cette polémique se poursuivit; en 1693, Bayle fut dénoncé par Jurieu comme un traître, et on lui interdit d’enseigner, mais cette sanction ne semble guère l’avoir gêné, le libraire Leers lui assurant une pension régulière pour rédiger le Dictionnaire historique et critique, auquel, délivré des tâches universitaires, il put se vouer entièrement.

 

Le premier volume parut en août 1695; le second en octobre 1696. Une deuxième édition, considérablement augmentée, vit le jour en 1702. Cet ouvrage n’était d’abord destiné qu’à corriger les erreurs des autres dictionnaires, en particulier celui de Louis Moreri. Mais les discussions philosophiques et théologiques en constituèrent bientôt la plus grande part. Ce fut l’occasion pour Bayle de nouvelles polémiques. Contre Jurieu d’abord, qui écrivit le Jugement du public (...), auquel Bayle répliqua dans les Réflexions sur un imprimé qui a pour titre « Jugement du public », puis dans la Suite des Réflexions sur le prétendu «Jugement du public» (1697). Mais c’est surtout contre les pasteurs favorables à l’arminianisme, Jean Le Clerc, Jacques Bernard, Isaac Jaquelot, que le philosophe dut alors lutter. Ces conflits nourrissent ses derniers ouvrages : les quatre tomes de la Réponse aux questions d'un provincial (1703, 1705, 1706, 1707) et la Continuation des Pensées diverses (...) [1704].

 

Bayle était déjà mort quand parut l’ultime volume de la Réponse. Epuisé par le surmenage, accablé de douleurs, il s’était éteint le 20 décembre 1706. Ses ennemis l’épiaient en ses derniers instants : allait-il appeler un pasteur à son chevet? Il répliqua d’abord par des plaisanteries, mais, finalement, se fit assister par son fidèle ami, Jacques Basnage.

 

Ce philosophe ne ressemble guère, on le voit, au brillant neveu des Corneille. Il n’a ni ses appuis, ni sa facilité, ni sa gloire mondaine. Indifférent, semble-t-il, à l’argent et aux honneurs, Bayle ne paraît habité que par une seule passion : celle de la vérité, qui l’amène à un inlassable labeur, à de continuelles recherches, et aussi à d’épuisantes et fort pénibles polémiques. Délivré par son exil et par sa misère de toute attache temporelle, il s’est entièrement voué à la défense et à l’illustration de ce qui était sa vérité; il la trouvait souvent dans le doute, et les dogmatiques de tous les bords se liguaient contre lui; mais ces combats le distrayaient : ils lui servaient — il l’avoue lui-même — d’« amusement dans la solitude ». Plus qu’à Fontenelle ou à Saint-Évremond, Bayle fait penser aux humanistes et aux théologiens de la Renaissance.

« catholiques anglais soumis à Guillaume d'Orange? Jurieu voulut voir dans cet Avis une machine de guerre contre tout le Refuge, ou même tout le calvinisme : c'est la thèse qu'il soutint dans son Examen d'un libelle ...

(1691), où il prétendit que Bayle en était l'auteur.

En fait, Daniel de Larroque déclara avoir écrit cet opuscule, mais Bayle y avait certainement une part de responsabi­ lité : sans doute avait-il au moins recopié et corrigé le texte de Larroque ...

Cette polémique se poursuivit; en 1693, Bayle fut dénoncé par Jurieu comme un traître, et on lui interdit d'enseigner, mais cette sanction ne semble guère l'avoir gêné, le libraire Leers lui assurant une pension régulière pour rédiger le Dictionnaire historique et critique, auquel, délivré des tâches universitaires, il put se vouer entièrement.

Le premier volume parut en aoOt 1695; le second en octobre 1696.

Une deuxième édition, considérablement augmentée, vit le jour en 1702.

Cet ouvrage n'était d'abord destiné qu'à corriger les erreurs des autres dic­ tionnaires, en particulier celui de Louis Moreri.

Mais les discussions philosophiques et théologiques en constituè­ rent bientôt la plus grande part.

Ce fut l'occasion pour Bayle de nouvelles polémiques.

Contre Jurieu d'abord, qui écrivit le Jugement du public ( ...

), auquel Bayle répli­ qua dans les Réflexions sur un imprimé qui a pour titre « Jugement du public », puis dans la Suite des Réflexions sur le prétendu «Jugement du public» (1697).

Mais c'est surtout contre les pasteurs favorables à l'arminia­ nisme, Jean Le Clerc, Jacques Bernard, Isaac Jaquelot, que le philosophe dut alors lutter.

Ces conflits nourris­ sent ses derniers ouvrages : les quatre tomes de la Réponse aux questions d'un provincial (1703, 1705, 1706, 1707) et la Continuation des Pensées diverses(.

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) [1704].

Bayle était, déjà mort quand parut l'ultime volume de la Réponse.

Epuisé par le surmenage, accablé de dou­ leurs, il s'était éteint le 20 décembre 1706.

Ses ennemis l'épiaient en ses derniers instants : allait-il appeler un pasteur à son chevet? Il répliqua d'abord par des plaisan­ teries, mais, finalement, se fit assister par son fidèle ami, Jacques Basnage.

Ce philosophe ne ressemble guère, on le voit, au bril­ lant neveu des Corneille.

Il n'a ni ses appuis, ni sa faci­ lité, ni sa gloire mondaine.

Indifférent, semble-t-il, à J'argent et aux honneurs, Bayle ne paraît habité que par une seule passion : celle de la vérité, qui l'amène à un inlassable labeur, à de continuelles recherches, et aussi à d'épuisantes et fort pénibles polémiques.

Délivré par son exil et par sa misère de toute attache temporelle, il s'est entièrement voué à la défense et à l'illustration de ce qui était sa vérité; ilia trouvait souvent dans Je doute, et les dogmatiques de tous les bords se liguaient contre lui; mais ces combats Je distrayaient : ils lui servaient- il l'avoue lui-même -d'« amusement dans la solitude».

Plus qu'à Fontenelle ou à Saint- Évremond, Bayle fait penser aux humanistes et aux théologiens de la Renaissance.

Une méthode historique Pierre Bayle ne partage pas le mépris de l'histoire enseigné par Descartes et ses disciples.

Comme beau­ coup de ses contemporains, comme Huet, comme Fonte­ nelle même, il réhabilite l'érudition, et il est persuadé qu'une vérité est accessible en histoire, aussi exacte, plus exacte peut-être, que dans les sciences de la nature, et même que dans les mathématiques.

La méthode qu'il préconise pour y parvenir n'a évidemment rien de carté­ sien : 1 'évidence du fait remplace l'évidence intel­ lectuelle.

II importe, en tout cas, pour chaque événement, pour chaque personnage étudié, de faire la part de ce qui est certain et de ce qui est douteux.

Ainsi s'explique d'abord, quelle qu'en ait été ensuite la portée, la présen­ tation du Dictionnaire : les faits font la matière des articles; les doutes et les discussions emplissent les remarques.

Une telle méthode pouvait être de tous acceptée, quand elle s'appliquait à l'histoire laïque.

Mais Bayle l'utilise également en face des figures et des récits de la Bible.

Il s'efforce, autant que possible, de la rationaliser, d'y «faire l'économie des miracles».

Cette démarche n'était pas trop choquante; Richard Simon l'avait déjà pratiquée.

Mais, comme J'écrit Antoine Adam, «si le Dictionnaire devait scandaliser les croyants, c'était moins par les idées que par le ton ».

On a parlé, en effet, de 1' «obscénité insupportable» de certains articles du Dictionnaire consacrés à la Bible.

Est-il permis d'accu­ muler les grivoiseries plus ou moins franches, plus ou moins sournoises, quand on parle des prophètes et des rois d'Israël? Cette pratique est-elle innocente? Ne témoigne-t-elle que d'un souci pédagogique : le désir, en s'amusant, d'amuser Je lecteur? En tout cas, le public était convié à la méfiance; il convenait de n'être pas trop crédule; une part de la Bible était certainement inauthen­ tique.

Cette critique avait une portée précise, à J'époque où Jurieu annonçait, éclairé par la lecture de l' Apoca­ lypse, que la France allait bientôt revenir de ses erreurs et embrasser tout entière la religion réformée ...

Philosophie et théologie On a vu souvent en Bayle un pyrrhonien.

C'est ainsi que le considère Jurieu : « Un de nos sceptiques qui n'avait d'autre but que de jouer de la vérité et défendre le pour et le contre [ ...

) à dessein de fair·e voir[ ...

) qu'on peut douter de tout, assurer, défendre et combattre ...

>> Ce portrait n'est pas absolument faux.

Bayle reste, en effet, toujours un « professeur>> qui aime la discussion, les objections, les réfutations.

Le plaisir qu'il y éprouve fait d'ailleurs l'un des charmes de ses livres.

Mais il n'est pas pour autant un pyrrhonien.

Il admet d'abord la valeur du cartésianisme et y voit la philosophie la plus propre à soutenir certains articles du dogme -au moins l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme.

C'est ainsi qu ' i 1 défendra le système des > proposé par Malebranche et, dans l'article « Rorarius » du Dictionnaire, manifestera une certaine faveur pour l'automatisme animal que soutient Descartes ...

Mais par-delà ce cartésianisme, qui demeure fort pru­ dent, Bayle est fidéiste.

Ainsi s'expliquent ses querelles contre Jaquelot et Le Clerc.

Ceux-ci, que J'on appelle alors les rationaux, considèrent que la raison est le sou­ verain juge de la parole de Dieu; par là, ils sont des sociniens.

Mais ils en concluent que tous les dogmes qui choquent la raison doivent être écartés -par exemple, la prédestination -, et cette attitude les rapproche des arminiens.

Ils proposent ainsi une religion libérale, dépouillée de toute absurdité, réconfortante pour l'esprit et le cœur.

Bayle pressent qu'une telle attitude aboutit logiquement à un déisme qui n'a rien de proprement chrétien.

Il pense également qu'on affaiblit la religion en voulant la rationaliser.

Il faut donc revenir à la foi toute pure.

C'est-à-dire qu'il faut restaurer le doute et le tragique au cœur de l'expérience religieuse.

En ce sens, Bayle est tout le contraire d'un homme des Lumières : il est l'héritier de Pascal, le précurseur de Rousseau et de Kant; comme eux, il verra le véritable absolu dans la conscience morale, dans la «bonne intention», et non dans la raison, qui, pour être brillante, persuasive, tran­ quillisante même, n'en est pas moins fragile .... »

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