Beckett Et La Religion
Publié le 17/09/2012
Extrait du document


«
VLADIMIR -Qu'est-ce que tu fais?
GARCON – Je garde les chèvres, monsieur.
VLADIMIR -Il est gentil avec toi?
GARCON -Oui Monsieur.
VLADIMIR -Il ne te bat pas?
GARCON -Non Monsieur, pas moi.
VLADIMIR -Qui est-ce qu'il bat?
GARCON -Il bat mon frère, monsieur.
[…]
VLADIMIR -Qu'est-ce qu'il fait?
GARCON -Il garde les brebis, monsieur.
VLADIMIR -Et pourquoi il ne te bat pas, toi?
GARCON -Je ne sais pas, monsieur.[4]
Pourquoi Dieu traite-t-il bien son gardeur de chèvres, pourquoi bat-il son gardeur de brebis? Mystère! Le
Dieu dont parle Beckett, s'il existe, semble donc incompréhensible et peu soucieux des destinées et de la
souffrance humaines.
Le discours de Lucky dans En Attendant Godot le montre comme un Dieu apathique,
incompréhensible, aphasique et laconique[5] incapable de réagir devant la souffrance de ses créatures Cette
longue tirade montre que le questionnement obstiné des hommes sur Dieu, sur les jugements qu'il porte est
confronté au silence.
Aucune réponse ne peut être donnée par cette entité indifférente au sort de ses
créatures.
Cette indifférence ne serait -elle pas le marqueur d'une impuissance de Dieu à assurer le salut de
l'humanité condamnant ainsi sa propre création? Dans Fin de partie, Hamm, qui rappelle, dans la Bible, le
nom d'un fils de Noé Cham, incarne dans un de ses grands monologues de la fin de la pièce un Christ
déchu, pleurant des larmes qui ne sont plus de sang, un Christ incapable
de sauver les hommes: « On pleure, on pleure, pour rien, pour ne pas rire, et peu à peu...
une vraie tristesse
vous gagne.
(Il replie son mouchoir, le remet dans sa poche, relève un peu la tête.) Tous ceux que j'aurais
pu aider.(Un temps.) Aider! (Un temps) Ils sortaient de tous les coins.
»[6] Le monde de Beckett est un
monde sans illusions où les personnages sont progressivement détachés de toutes les croyances ordinaires.
Mais exister suppose donc un minimum de croyances ou d'illusions mais il s'agit d'une croyance sans foi,
faite pour patienter jusqu'à la fin dans la mesure où Dieu ne peut plus aider l'homme.
Il semble donc logique
que les protagonistes se révoltent contre ce Dieu absent.
Abandonnés de Dieu, l'homme, créature misérable et impuissante qui ne cesse de crier sa solitude vitupère
contre ce Dieu à qui il reproche de l'avoir abandonné comme Job sur son fumier: « […] Peut-il y a-
(bâillements)- y avoir misère plus...
plus haute que la mienne? Sans doute.
Autrefois.
Mais aujourd'hui?
»[7]Hamm se plaint de cet abandon et cette plainte se change en révolte: « Mais enfin quel est votre espoir?
Que la terre renaisse au printemps? Que la mer et les rivières redeviennent poissonneuses? Qu'il y ait
encore de la manne au ciel pour des imbéciles comme vous? »[8] Faisant référence à deux épisodes de la
Bible, la nourriture tombée du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert et la pêche
miraculeuse sur le lac de Tibériade dans l' Exode (XVI, 1) et dans les Nombres (XI, 7-8), Hamm et les autres
personnages envisagent Dieu comme un être profondément malveillant, un Dieu du Mal.
Dans ses deux
pièces, c'est Dieu qui est jugé comme un être cruel et non les hommes.
C'est la création même de l'être
humain qui est mise en doute comme le prouve la réplique de Hamm, furieux envers son père: « Salopard!
Pourquoi m'as-tu fait? »[9] Quel est donc ce Dieu qui a crée l'homme pour le condamner à une vie
misérable? Quel est l'être monstrueux qui a inventé une créature enfermée dans dans une durée aux limites
insupportables ? Les personnages regardent l'être humain et concluent que Dieu est impardonnable: s'il.
»
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