BECKETT (Samuel)
Publié le 16/02/2019
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BECKETT (Samuel), écrivain irlandais d'expression anglaise et française (Fox-rock, près de Dublin, 1906). Fils de bourgeois protestants et contristés, lecteur à l'École normale supérieure de Paris, après un bref retour au pays (1930-1932), qui s'est fait de lui l'image d'un Dylan Thomas irlandais, il opte pour l'exil et une langue non maternelle, le français. Secrétaire de Joyce (1937), il s'enferme, à partir de 1945, dans un souterrain littéraire qu'il croit marginal et qui aboutira au prix Nobel en 1969. Murphy (1938), Molloy (1951), Malone meurt (1951), Watt ( 1953) jouent la carte du pittoresque humain, social ou psychologique. Un masque d'humour grinçant sur un arrière-fond de pitié sardonique, des quêtes vaines (d'amour ou de punition) révèlent brusquement leur contenu universel : l'horreur d'être né. De la spermathèque au Purgatoire, la vie se parodie en nous : « Si on disait la messe des morts pour les vivants ? » (En attendant Godot, 1953 ; Fin de partie, 1957 ; Oh les beaux jours, 1963). L'homme s'enlise parmi ses satellites (fétiches dérisoires, passions molles, paroles creuses) dans l'enfer de la quotidienneté. L'histoire n'est qu'un marigot. À deux ou trois, on peut se donner l'illusion de la relation ou du sens, mimer le désir, savourer la déchéance, se mortifier. Un expressionnisme burlesque rapproche ainsi Beckett du cirque, puis du cinéma muet ou du langage aphasique (Actes sans paroles, 1957 ; Comédie, 1964 ; Dis Joe, 1967; le Dépeupleur, 1971; Compagnie, 1980) : couples déliquescents, stoïciens incrédules, fantoches d'une respectabilité avariée, englués dans la honte, pris (homme/femme, maître/esclave) dans une même dépendance, ces « rescapés d'un colossal fiasco », fichés dans leurs sabliers tronqués, mâchonnent les vérités sûres de Diogène : « chienne de vie ». L’identité, la parole, le désir, tout disparaît dans la « bourgeonnante, bourdonnante confusion » de l'après-Dieu, de l'après-1'Âme. Reste l'injustifiable manie de vivre, cette hémorragie d'écrire dans un désert sans traces. Malformés, perclus, amputés que raniment les mortifications et les jubilations sournoises, les porte-voix de Beckett pratiquent la stratégie du mort-né dans une société d'avorteurs et disent, comme Sartre, la nausée (tout ce qui est est à vomir), comme Lacan, la castration, mais en plus drôle et sans l'amour de la Loi. Accouplant Dante et Jarry, Kafka et Queneau, Proust et Chariot, Beckett refuse de se séparer de ses doubles incarcérés : c'est l'envers de la générosité populiste, la voix rusée d'une révolte saturnienne qui donne au bourgeois l'ombre du clochard. Grand traducteur (des symbolistes) et fin métaphysicien, Beckett rénove la tradition cynique postpuritaine, celle qui, dans le sillage contrarié de Bunyan ou de Tolstoï, voit dans la cité céleste une gigantesque farce, sans se désolidariser du peuple
floué, et dans la vie une succession de Catastrophes et autres dramaticules (1982).

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tion)
révèlent brusquement leur contenu
universel : l'horreur d'être né.
De la
spermathèque au Purgatoire, la vie se
parodie en n.ous : « Si on disait la messe
des morts pour les vivants ? >> {En atten
dant Godot, 1953 ; Fin de partie, 1957 ;
Oh les beaux jours, 1963).
L'homme
s'enlise parmi ses satellites (fétiches
dérisoires, passions molles, paroles creu
ses) dans l'enfer de la quotidienneté.
L'histoire n'est qu'un marigot.
A deux ou
trois, on peut se donner l'illusion de la
relation ou du sens, mimer le désir,
savourer la déchéance, se mortifier.
Un
expressionnisme burlesque rapproche
ainsi Beckett du cirque, puis du cinéma
muet ou du langage aphasique (Actes
sans paroles, 1957; Comédie, 1964; Dis
Joe, 1967; le Dépeupleur, 1971;
Compagnie, 1980) : couples déliques
cents, stolciens incrédules, fantoChes
d'une respectabilité avariée, englués
dans la hon te, pris (homme/femme,
maitre/esclave) dans une même dépen
dance, ces « rescapés d'un colossal
fiasco », fichés dans leurs sabliers tron
qués, mâchonnent les vérités sûres de
Diogène : « chienne de vie ».
L'identité,
la parole, le désir, tout disparaît dans la
« bourgeonnante, bourdonnante confu
sion » de l'après-Dieu, de l'aprés-l'Âme.
Reste l'injustifiable manie de vivre, cette
hémorragie d'écrire dans un désert sans
traces.
Malfonnés, perclus, amputés que
raniment les mortifications et les jubila
tions sournoises, les porte-voix de Bec
kett pratiquent la stratégie du mort -né
dans une société d'avorteurs et disent,
conune Sartre, la nausée (tout ce qui est
est à vomir), comme Lacan, la castra
tion, mais en plus drOie et sans l'amour
de la Loi.
Accouplant Dante et Jarry,
Kafka et Queneau, Proust et Charlot,
Beckett refuse de se séparer de ses
doubles incarcérés : c'est l'envers de la
générosité populiste, la voix rusée d'une
révolte saturnienne qui donne au bour
geois l'ombre du clochard.
Grand traduc
teur (des symbolistes) et fin métaphysi
cien, Beckett rénove la tradition cynique
postpuritaine, celle qui, dans Je sillage
contrarié de Bunyan ou de Tolstol, voit
dans la cité céleste une gigantesque
farce, sans se désolidariser du peuple floué,
et dans la vie une succession de
Catastrophes et autres dramaticules
{1982)..
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