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Bérénice : une pièce tragique ?

Publié le 14/03/2020

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est vitale mais exclut totalement l'autre. La voie finalement choisie interdit « pour jamais » l'accès à l'autre, de même que toute possibilité d'un retour en arrière ou la perspective d'une nouvelle voie. Jusqu'alors les personnages étaient heureux, parce que leurs désirs allaient dans une seule et unique direction et pouvaient être satisfaits. C'est ce que rappelle Titus, assez égoïstement d'ailleurs :

Je ne rendais qu'à moi compte de mes désirs.

(v. 458).

Ceci représentait un absolu, auquel il faut renoncer. Il faut accepter que l'être humain est contradictoire et ce constat fait souffrir les personnages. Parfois Racine compose ses alexandrins de parties qui s'opposent nettement :

Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner.

(v. 1102).

Une telle construction fait ressortir le déchirement du personnage.

Le vers 1226, construit avec deux hémistiches parallèles et juxtaposés, produit le même effet : Titus doit choisir entre l'amour et le pouvoir1:

Pourquoi suis-je empereur? Pourquoi suis-je amoureux?

La souffrance imposée à autrui

Quoi qu'ils fassent - fatalement pourrait-on dire - les personnages souffrent. En outre, ils font souffrir, ce qui les rend inévitablement coupables. Et le sentiment de leur culpabilité redouble leur souffrance initiale. Plus que tout autre, Titus est dans une telle situation envers Bérénice. Il s'avoue à lui même :

C'est peu d'être constant2, il faut être barbare,

« mort et dont il est innocent à titre personnel.

Une telle situa­ tion doit, selon les principes de la Poétique d'Aristote, pro­ voquer chez le spectateur terreur et pitié et le purger ainsi de ses émotions et de ses passions (catharsis).

Dans la tragédie grecque, la fatalité se manifeste par des interventions du merveilleux, par l'existence d'une généalo­ gie maudite, ou par la présence manifeste d'une divinité, forme suprême de la fatalité.

Racine a certes choisi pour cer­ taines de ses pièces un sujet tiré de la mythologie grecque, par exemple pour Phèdre.

Or, même dans ces pièces, la fata­ lité n'est qu'apparente.

Bérénice est une pièce dont le sujet est tiré de !'Histoire, c'est-à-dire d'une suite d'événements accomplis par les hommes.

Racine s'est en outre inspiré, comme nous l'avons vu, du texte de l'historien Suétone rela­ tant des faits qui se sont effectivement produits.

Donc, même en apparence, il ne peut y avoir dans Bérénice d'interven­ tions de forces surnaturelles.

Toutefois pèsent quand même sur les personnages cer­ taines réalités extérieures à leur volonté qui exercent une influence déterminante sur leur destin.

Ainsi, la loi de Rome s'impose à Titus à la mort de Vespasien.

En vérité, même si Titus l'avait oubliée dans les années précédentes, cette loi a toujours existé.

Sa pression omniprésente et inéluctable est d'ailleurs incarnée par les regards «avides» des Romains (v.

309) qui enveloppent et obsèdent désormais Titus (cf.

v.

137 et 467).

LA DÉCOUVERTE DU LIBRE ARBITRE 1 Mais, si la mort de Vespasien impose à Titus une loi à laquelle il doit se soumettre, elle le place aussi au sommet de la puissance : « Vespasien est mort et Titus est le maître » (v.

248) ou encore « Titus m'aime, il peut tout, il n'a plus qu'à parler" (v.

298).

Or, puisqu'il est tout puissant, il peut en particulier, trans­ gresser la loi; il en a clairement conscience (cf.

v.

1000 1.

Libre arbitre: faculté de se déterminer par le seul effet de sa volonté.. »

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