BOAISTUAU Pierre : sa vie et son oeuvre
Publié le 18/11/2018
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BOAISTUAU Pierre (1517-1566). Premier éditeur des nouvelles de Marguerite de Navarre, inventeur de deux des genres les plus caractéristiques de la seconde moitié du xvie siècle, l’« histoire tragique » et l’« histoire prodigieuse », auteur d’un des plus grands succès européens de son temps, le Théâtre du monde (1558), Boaistuau n’a dû son long purgatoire qu’à l’incompréhension d’une critique trop occupée du génie personnel pour goûter un écrivain constamment tapi derrière les livres des autres, dont il forge les siens.
Une existence discrète
Né à Nantes, dans la petite bourgeoisie, Boaistuau s’exile semble-t-il assez tôt de son pays. Il fréquente diverses universités (Poitiers, Valence, Avignon) où il étudie le droit (1545-1550). Entré ensuite au service de l’ambassadeur du roi « aux parties de Levant », il voyage alors à travers l’Europe (Allemagne, Italie). De retour à Paris (1555), il entreprend la rédaction ininterrompue de la plupart des ouvrages que nous ayons conservés de lui. Après l'Histoire de Chelidonius Tigurinus (1556) voient tour à tour le jour : le Théâtre du monde et le Bref Discours de l'excellence de l'homme (1558); sous le titre Histoires des amans fortunez (second semestre de 1558), l’édition originale des nouvelles de Marguerite de Navarre; les Histoires tragiques (1559), traduction de six des Novelle de Bandello; une version retouchée du Chelidonius (1559); et, au retour d'un bref voyage en Angleterre — où il a offert à Élisabeth un exemplaire de chacun de ses ouvrages —, les Histoires prodigieuses (1560). Ses dernières années sont consacrées à l’étude et à la mise au point de divers travaux demeurés — sauf un — inédits et aujourd’hui perdus.
«
du xvt< siècle, l'« histoire tragique >> et l'« histoire prodi
gieuse>>, auteur d'un des plus grands succès européens
de son temps, le Théâtre du monde (1558), Boaistuau
n'a dO son long purgatoire qu'à l'incompréhension d'une
critique trop occupée du génie personnel pour goûter un
écrivain constamment tapi derrière les livres des autres,
dont il forge les siens.
Une existence discrète
Né à Nantes, dans la petite bourgeoisie, Boaistuau
s'exile semble-t-il assez tôt de son pays.
Il fréquente
diverses universités (Poitiers, Valence, Avignon) où il
étudie le droit (1545- 1550).
Entré ensuite au service de
1 'ambassadeur du roi « aux parties de Levant », il voyage
alors à travers l'Europe (Allemagne, Italie).
De retour à
Paris (1555), il entreprend la rédaction ininterrompue de
la plupart des ouvrages que nous ayons conservés de lui.
Après l'Histoire de Chelidonius Tigurinus (1556) voient
tour à tour le jour : le Théâtre du monde et le Bref
Discours de l'excellence de l'homme (1558); sous le titre
Histoires des amans fortunez (second semestre de 1558),
l'édition originale des nouvelles de Marguerite de
Navarre; les Histoires tragiques ( 1559), traduction de
six des Nove/le de Bandello; une version retouchée du
Chelidonius (1559); et, au re,tour d'un bref voyage en
Angleterre- où il a offert à Elisabeth un exemplaire de
chacun de ses ouvrages -, les Histoires prodigieuses
(1560).
Ses dernières années sont consacrées à 1' étude et
à la mise au point de divers travaux demeurés -sauf un
- inédits et aujourd'hui perdus.
La > (Montaigne) : ainsi
vont le Chelidonius et le Théâtre du monde, donnés l'un
comme l'autre pour des traductions, alors qu • ils sont en
réalité des compilations cousues d'emprunts de toutes
sortes jetés dans des moules familiers : l' institutio prin
cipis pour le Chelidonius, les « é!ats du monde >> et la
miseria hominis pour le Théâtre.
Editer ce qui sera plus
tard l' HeptCiméron, traduire sans trop d'astreinte un
conteur lombard, c'est encore insinuer sa création entre
celles des autres.
Le jeu de 1' «entre-glose» est toutefois trop commun
à ce momen: pour assurer le renom à son entrepreneur.
Boaistuau sait l'art d'élire les passages à copier, il prati
que la technique du fondu enchaîné qui évite l'im
pression de disparate; il polit ses modèles, d'où il chasse
archaïsmes et mots techniques.
Ses contemporains lui
reconnaîtront de l'élégance -nous dirions du discerne
ment-, un goOt sOr de ce qui plaît.
Une pensée timide
Boaistuau ne délivre aucun message; il nous fait visi
ter sa bibliothèque, et, de l'éclectisme de ses préférences,
il serait hasardeux de prétendre tirer un tableau de ses
convictions; tout au plus, des développements récurrents
permettent-ils de surprendre ses obsessions.
Il sait les
maux infinis qui procèdent de l'amour, les désordres
personnels et sociaux qu'il engendre (c'est lui qui contri
buera à faire connaître à 1' Europe 1' histoire de Roméo et
Juliette); la guerre lui fait horreur, la mort lui inspire de
la peur.
Les dangers du monde le hantent sans qu'il
songe pourtant à la vie cloîtrée.
Au moment où s'achève
le concile de Trente, son œuvre semble sonner le glas du
beau XVIe siècle, dont il pratique encore les auteurs et les
témoins les plus précieux : Érasme.
Josse Clichtove,
H.C.
Agrippa, Dolet.
La nature et l'espoir
Un titre fait exception à cette timidité : les Histoires
prodigieuses.
Les livres précédents l'ont préparé, et, bien
que son plan porte encore la marque d'une incertitude,
c'est lui qui nous livre la préoccupation la plus constante
de Boaistuau : interroger la nature et, surtout, qu'il
s'agisse des choses, des bêtes ou des hommes, s'arrêter
à ce qu'elle offre de rare.
Pourquoi? Parce que« la rareté
signale avec une singulière netteté la présence intime de
Dieu )> (J.
Céard).
Et ce que les mots ne sauront dire, les
gravures, comme dans le Prodigiorum ac ostentorum
Chronicon de Conrad Lycosthenes, dont il s'inspire, le
montreront.
Par là s'établit la synthèse entre les «cas»
des nouvelles de Marguerite ou des Histoires tragiques,
les tableaux du Théâtre du monde et les prodiges des
Histoires prodigieuses, tandis que la foi en la dignitas
hominis, présente dans le Chelidonius et le Bref Dis
cours, trouve ici son fondement herméneutique.
BIBLIOGRAPHIE Les Histoires tragiques.
éd.
R.A.
Carr.
Paris.
S.T.F.M., 1977;
le Théâtre du Monde.
éd.
M.
Simonin, Genève, Droz.
1981; Bref
Discours de l'excellence de l'homme, éd.
M.
Simonin, Genève.
Droz.
1982.
On lira dans le livre de Jean Céard, la Namre et/es Prodiges
(Genève.
Droz.
1977).
l'étude la plus profonde qu'ait suscitée la
pensée de Boaistuau..
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