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BOSSUET Jacques Bénigne : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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bossuet

La grandeur des Oraisons funèbres

 

En 1689, Bossuet fit imprimer le recueil des six plus notables oraisons funèbres qu’il prononça : celles de Henriette de France, de Henriette d'Angleterre, de Marie-Thérèse, d’Anne de Gonzague, de Le Tellier et de Condé. Il ne goûtait pas ce genre, trop académique, et l’estimait « peu utile ». Pourtant son renom littéraire jusqu’à la fin du xviiie siècle reposa presque exclusivement sur ces pièces; elles n’ont pas vieilli. Etudiées aussi bien par les historiens des idéologies, qui y voient exposés des exempta héroïques intéressant la politique, que par les historiens des mentalités, qui y trouvent un reflet de cette grande mise en scène de la mort qui caractérise la Contre-Réforme au xviie siècle (cf. les travaux de Ph. Ariès, de P. Chaunu ou de M. Vovelle), elles retiennent aussi les historiens de l’art, qui y mesurent les derniers feux de l’ostentation baroque. Elles nous prouvent aussi le génie de Bossuet dans un genre ardu : très illustrée et copieusement codifiée quand Bossuet l’aborde, l’oraison funèbre est périlleuse par ses composantes mêmes : il est banal de déplorer la mort; louer un mort revient souvent à raconter sa vie, mais toute vie a ses ombres; instruire les fidèles à l’occasion du décès d’un être trop exceptionnel ou peu exemplaire est chose malaisée; enfin, comment dire religieusement ce qui dans une vie ou dans une mort intéressa surtout la politique?

BOSSUET Jacques Bénigne (1627-1704). «Planté au milieu du siècle de Louis XIV comme un marbre, d’autres disent comme une borne... » (Alfred Rébelliau), Bossuet nous glace de respect ou d’ennui. L’homme nous

semble toujours avoir eu les traits impérieux que lui donna Hyacinthe Rigaud (portrait du Louvre, 1701), et l’œuvre, immense (7 volumes de prédication, 15 de lettres, 31 d’œuvres dites complètes), nous écrase. Si bien que notre temps se détourne volontiers de Bossuet. A tort, comme le prouvent les travaux récents de l’histoire et de la critique. « Sera-t-il permis aujourd’hui d’ouvrir un tombeau? » (Sermon sur la mort) et de rêver d’une résurrection de Bossuet au cœur de notre modernité?

 

L'homme et son existence

 

« Bossuet n’a pas besoin de biographie », disait malicieusement Henri Bremond en 1913. Voire! Oublions les légendes : Bossuet ne méritait ni les excès d’honneur que lui vouèrent les gallicans au xvme siècle, puis les ultras (J. de Maistre, Chateaubriand, dans son Génie du christianisme, 1802), l’Église catholique du XIXe siècle, l’Université (Ferdinand Brunetière, Gustave Lanson, Victor Giraud) et enfin la droite nationaliste (Louis Dimier, Gonzague Truc), ni les indignités dont l’accablèrent Voltaire (qui pourtant admirait l’écrivain), les protestants, les anticléricaux de la IIIe République et, plus récemment, le modernisme catholique. La vie de Bossuet, cent fois racontée, nous intrigue depuis que des historiens l’explorent sans passion; nos connaissances profitent aussi des travaux consacrés à l’ensemble de la Contre-Réforme au xviic siècle, aux adversaires de Bossuet (Richard Simon, Malebranche, Jurieu et le protestantisme, Leibniz, Fénelon) comme à ses alliés (le « parti dévot », Arnauld et Port-Royal). Ainsi nous cernons mieux et sa personne et son personnage.

 

Issu de petite mais vieille bourgeoisie bourguignonne, bon élève des jésuites de Dijon, étudiant modèle au collège de Navarre à Paris (1642-1652), il fait, avec l’appui des siens, carrière dans l’Église, et son ascension est exemplaire : très pieux, ordonné en 1652, il devient à Metz l’un des agents majeurs de la Compagnie du Saint-Sacrement; dès 1659, il multiplie les séjours parisiens, et il acquiert célébrité par son zèle auprès des protestants et par sa prédication (carêmes des minimes; des carmélites; du Louvre, enfin, devant la Cour, 1662); protégé par Anne d’Autriche, il est récompensé par un évêché (Condom, 1669) et, mieux, par le préceptorat du Dauphin (1670-1680); tout en s’acquittant avec conscience de cette tâche ingrate, il approfondit sa culture et écrit (Exposition de la doctrine catholique, 1671; Discours sur rhistoire universelle, 1681); il prêche en de grandes occasions (Oraisons funèbres de Henriette-Marie de France, de Henriette-Anne d’Angleterre). Louis XIV, qu’il a servi lors des affaires gallicanes (1681), lui confie alors l’évêché de Meaux, petit et de médiocre revenu, mais proche de Paris et de Versailles. Prélat exemplaire, Bossuet se dépense dans la controverse contre le protestantisme, lutte contre le cartésianisme de Malebranche, contre l’exégèse moderne de Richard Simon, contre le théâtre (1694), contre le quiétisme et Fénelon (1695-1699), contre la casuistique relâchée et l’insubordination janséniste. Prodigieusement actif jusqu’à sa mort, il nous paraît mériter ce titre de «Père de l’Église» que lui donna son ami La Bruyère.

 

Cette vie si remplie abonde pourtant en échecs. Bossuet n’obtint ni l’archevêché de Paris ni le cardinalat; Mmc de Montespan se joua de lui; le roi et Mme de Mainte-non l’utilisèrent plus qu’ils ne l’écoutèrent. Et Bossuet perdit les combats qu’il livra : le protestantisme français subsista, même aprèsz la révocation de l’édit de Nantes (1685); l’union des Églises, à laquelle il œuvra, ne se fit pas; Malebranche, Richard Simon ou Fénelon eurent enfin, chacun dans son ordre, infiniment plus d’influence sur les temps à venir que lui-même. Le Journal de l’abbé Ledieu, secrétaire de Bossuet, nous révèle comme fut

bossuet

« triste, sinon sordide, la vieillesse du grand homme, grugé par sa famille, importun à tous, impuissant devant la « crise de la conscience européenne » (Paul Hazard), qu'il mesurait et qu'il combattait; il mourut. »

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