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BOSSUET: LE MORALISTE

Publié le 27/06/2011

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bossuet

Pas plus qu'il n'est historien au sens strict et moderne du mot, Bossuet n'est moraliste comme un Montaigne, un La Rochefoucauld ou un La Bruyère. L'idée d'étudier l'homme pour le connaître, et l'attention à aiguiser cette connaissance en formules piquantes lui auraient paru choses vaines et indignes de lui. Il est homme d'action. Il a pour fonction d'agir sur les esprits pour les transformer , il est apôtre. Mais voilà que par un détour il devient moraliste, s'il est vrai que pour agir sur les âmes il faut les connaître et même leur montrer, leur persuader qu'on les connaît. Théologien, prédicateur, directeur de conscience, Bossuet est devenu moraliste par nécessité.

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« Aussi ne faut-il pas chercher chez lui des subtilités psychologiques, des lumières sur les bizarreries des âmesmalades, ou des confidences voilées de ses propres états ; ceux qui sont curieux de documents de ce genretrouveront ses lettres sèches et banales.

Dans la direction, encore plus que dans la prédication, il est disciple desaint Vincent de Paul, qui résumait volontiers sa doctrine par ces mots : allons à Dieu, bonnement, rondement,simplement, et travaillons.

Comme lui, Bossuet évite de mettre sa conscience à la place de la conscience de sesdirigées ; il les ramène à elles-mêmes», et «n dernière analyse, sa direction consiste à leur apprendre à se passer dedirecteur.Il faut aller à Dieu et s'unir à Dieu.

Sur la route, qui y mène, les obstacles sont multiformes, imprévisibles, troublants,et c'est pour cela que le recours au directeur est si fréquent.

Le grand ennemi que l'on rencontre ici, c'est lamaladie de l'inquiétude.

Ce poison vient de l'imagination qui nous forge mille chimères — « c'est une folle quel'imagination » — de la manie de raffiner sur toutes choses, et de compliquer tout ce qui est simple, de l'orgueilsurtout qui nous pousse à nous faire valoir par quelque singularité et à chercher même à attirer les yeux de Dieu parl'originalité de sa piété.

Bossuet fait la guerre à cette originalité, à cette agitation, à cette inquiétude, enrecommandant l'humilité et la simplicité, la simplicité surtout.

Fuir les ergotages intérieurs, dissiper les chimères etles brouillards, considérer comme définitivement résolues les questions qui ont une fois reçu une réponse — voilà lesleçons qu'il répète, et la dernière en particulier à Mme Cornuau, qui remettait toujours en délibération les problèmesrésolus, ce qui arrivait à irriter le directeur pourtant condescendant aux misères spirituelles de cette veuve inquièteet quelque peu lassante.Cette méthode sage, calmante, prosaïque, si l'on veut, n'a pas le prestige de la flexibilité d'un Fénelon, qui se plie àtoutes les complications pour les suivre dans leurs détours et comme pour ne les guérir qu'après les avoir flattées.Et cependant nous voyons des âmes ardentes, comme Mme de la Maisonfort, qui avaient goûté le charme de ladirection de Fénelon, accepter et aimer comme un repos les procédés plus simples de Bossuet.

On se lasse de tout,excepté de la vérité et du bon sens.Lorsqu'on s'est ainsi décanté par la simplicité, la marche devient plus aisée et on peut monter très haut.

On peutmonter très haut par le cœur.

A ces femmes d'élite qui s'appelaient Mme de Béringhen, Mme de Luynes, surtout Mmed'Albert, Bossuet ne cesse de parler des ascensions du cœur gt des miracles de l'amour.

A force d'ai- mer, ellesarriveront à réaliser toutes les possibilités de leur nature, elles atteindront la plénitude de leur être.

L'amour estabandon, et c'est en s'abandonnant qu'on se trouve.

Dieu est tout et nous ne sommes rien.

Si nous arrivons à forced'amour à annihiler tout ce qui en nous voudrait être abusivement quelque chose, Dieu sera tout en nous et agira ennous ; c'est la perfection du christianisme.

Là dedans pas un mot qui rende un son guyonien, pas même un motfénelonien ; mais dans le fond, cette doctrine ressemble beaucoup à celle de Fénelon.Cette doctrine se développe sous forme d'effusions de piété dans des traités spirituels qui sont encore de ladirection, les Méditations sur L'Evangile et les Elévations sur les Mystères.

Les Méditations ont été écrites en 1695pour les Ursulines de Meaux et envoyées à ces religieuses pour soutenir leurs réflexions et leurs prières, « un quartd'heure le matin et un quart d'heure le soir ».

Elles furent données au public en 1709.

Bossuet s'est mis en face dedeux « Sermons » de Jésus-Christ, le sermon sur la Montagne qui contient en abrégé la loi nouvelle et en définitl'esprit, le sermon de la « dernière semaine » qui contient les instructions de Jésus entre le triomphe des Rameaux etla Cène.

C'est la partie de l'Évangile qui ouvre le plus d'horizons et parle le plus au cœur.

Bossuet a lu le texte avecsimplicité et il écrit, comme au courant de la plume, ce que le texte lui inspire ; c'est une sorte de conversation àmi-voix entrecoupée de prières.

Au début, les commentaires sont brefs, quelques lignes seulement, de quoi fournirun quart d'heure d'oraison à ses Ursulines.

Puis à mesure qu'il avance, il se laisse entraîner ; et quand il arrive à laCène, quand il arrive aux paroles du Sauveur rapportées par saint Jean, il déborde ; les chapitres s'enflent, lesUrsulines sont oubliées, et c'est pour lui que Bossuet médite et prie.

Et quand il arrive à la fin de la prièreeucharistique de Jésus, pour clore son livre, il adresse à son lecteur cet émouvant appel : « A la fin de cesréflexions, je prie tous ceux que j'ai tâché d'aider par tout ce discours, de s'élever au-dessus, je ne dirai passeulement de mes pensées qui ne sont rien, mais de tout ce qui leur peut être présenté par le ministère del'homme, et en écoutant uniquement ce que Dieu leur dira dans le cœur sur cette prière de s'y unir avec foi.

» Onentend l'accent simple, volontairement dépouillé, fraternel.Très différent est le ton des Elévations.

Les Elévations à Dieu sur tous les mystères de la Religion chrétienne furentégalement écrites vers 1695 Pour les religieuses de Meaux et publiées en 1727.

Visiblement, Bossuet a oublié pourqui il écrit : il abandonne son âme à la contemplation.

Théologien, métaphysicien, il s'élève sur les plus hautssommets de la spéculation, où il se soutient et se maintient à la fois par la puissance de son imagination de poète etpar la vigueur de sa foi.

L'être de Dieu, la Création de l'univers et de l'homme, le péché originel et sesconséquences, le Messie attendu et promis, les splendeurs du Verbe, le précurseur, les mystères de l'enfance deJésus jusqu'à son baptême, tels sont les sujets qu'il traite, non pas dans tous leurs aspects, comme le ferait Bérulle,mais en s'attachant à leur centre.

Les moralistes n'ont pas l'habitude de si hautaines spéculations ; mais il est certain que des hommes sont allésjusque-là, que la contemplation est une des plus éclatantes manifestations de l'esprit humain, et qu'il faut donc enfaire le chapitre culminant de la morale.

Au reste toujours raisonnable, même dans ses ivresses théologiques,Bossuet n'oublie pas de redescendre sur la terre et d'appliquer le mystère qu'il médite à la vie quotidienne.

A proposdu péché originel, qui a rendu l'homme esclave de ses besoins, il remarque l'ingéniosité de l'homme qui a su faire deses besoins un ornement pour son existence, et a tiré de cette nécessité tous les beaux arts ; admirable en cela, sien les utilisant il n'oubliait pas leur origine : maisons, habits, meubles, sont d'abord les témoins des besoinshumiliants, jusqu'à ces lits que l'on fait si superbes et « où il faut tous les jours aller mourir et passer dans ce néantune grande partie de la vie ».

Ailleurs il enseigne à réprimer le vagabondage de l'imagination et à réduire toutes lespuissances à l'empire de la raison.

A propos de l'étoile des Mages, il note en passant : « l'étoile des Mages estl'inspiration dans les cœurs ; je ne sais quoi voue luit au dedans...

». »

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