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Cahier de verdure, "Sur les degrés montants", (partie prose : pp.

Publié le 08/11/2015

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Cahier de verdure, "Sur les degrés montants", (partie prose : pp.43 à 47) 1 1 5 2 3 10 15 20 25 Le chant des alouettes au sommet de la Lance, à la fin de la nuit du solstice d'été : cette ivresse dans le froid glacial, ces fusées comme pour appeler le jour dont je ne devais voir que le reflet blafard peindre, très lentement, vaguement, les rochers. Je ne les distinguais pas, bien qu'elles eussent jailli des herbes toutes proches, j'entendais seulement qu'elles s'élevaient de plus en plus haut, comme si elles gravissaient les degrés noirs de la nuit. Magnificat anima mea… Elles avaient jailli, toutes ensemble ou presque, nombreuses, absolument invisibles, des hautes herbes brassées par le vent, sous le fouet glacé du vent, comme des fusées sonores ; ou plutôt, m'at-il semblé tandis que j'écoutais, tenant à peine debout dans le vent : comme si elles s'affairaient à soulever toujours plus haut, avec des cris de joie (ou de colère), une sorte de chapiteau, de dais aussi invisible qu'elles, parce que la nuit était encore totale ; ou comme si elles tendaient une grande coupe bouillonnante en offrande à ce ciel noir. (Ainsi arrive-t-il à un promeneur égaré de surprendre une cérémonie sauvage et incompréhensible.) Mais il n'y avait là ni dais, ni coupe, ni cantique. ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? degré (< gradus) au sens étymologique = marche (d'un escalier par exemple) évoque ici l'ascension de la montagne (vers le ciel) et justifie la figure qui domine et ordonne le texte : la gradation. le chant, lui, évoque la musique et suscite la construction en thèmes et variations/modulations. Ainsi le retour des "leit motiv" et leur variation par gradation fondent-ils l'écriture du texte pour exprimer l'émotion d'une ascension spirituelle qui, oscillant entre doute et espérance, s'achève sur une interrogation. Mais peut-être l'expérience spirituelle, comme l'expérience poétique, est-elle dans la quête plus que dans l'accomplissement de la quête (d'où les figures de tatonnement, d'hésitation, de retouche correctives et la prolepse qui énonce d'emblée un semi" échec": le jour se résolvant en lueur blafarde) isotopie (champ ou réseau lexical et images) ascensionnelle la Lance, nom propre, paroi rocheuse, évoque en soi la flèche pointée vers le ciel et peut-être la lance du chevalier dont on trouvera plus loin l'image avec le Graal : fusion de l'expérience réelle et de sa lecture métaphorique : motivation du signifiant et concordance du monde réel et du monde spirituel. De même que toute la démarche poétique de Jaccottet consiste à observer/contempler le monde concret pour y entrevoir, au gré de "l'émotion poétique", le "secret du monde" motif de la nuit et de la longue et impatiente, et inquiète, attente du jour. la nuit fait que tout demeure invisible, que le Je perçoit dans une sorte de cécité à la fois réelle et métaphorique (attente de "l'illumination") motif récurrent (leit motiv) des alouettes, du vent et du froid : nuit /vent/ froid : inconfort et souffrance, attente douloureuse et quasi ascétique + des herbes qui sont le témoignage concret du vent motif spirituel fusées : ce qui fuse, jaillit avec violence et force, ou fait de "fuser" (néologisme) champ lexical de l'effort "promeneur égaré","cérémonie incompréhensible", "offrande" et "coupe", faisant écho à la Lance initiale (voir le cortège du Graal) peuvent évoquer le "service du Graal" auquel Perceval assiste sans le comprendre et sans oser poser la question que chacun attend pourtant et qui sauverait le monde (ou "recoudrait" le sens) : remarque à 20 ans, Jaccottet écrit une pièce de théâtre, sa première œuvre rendue publique : Perceval la négation rappelle à la réalité marquant ainsi l'oscillation entre l'aspiration à l'illumination mystique et la réprobation d'un certain rationalisme :" (…) je suis plus naturellement platonicien, ce qui est un danger, c'est-à-dire tout de même le risque que l'on décolle de la terre et que l'envol ne soit pas l'envol vers une ardeur plus grande dans les rencontres des plus hautes de la mystique, ou même vers le monde des idées qui deviennent au contraire de plus en plus froides et de plus en plus générales. Je crois que c'est ma nature profonde ; et en même temps, je lutte là contre." "Certains ont la chance d'être entrés dans une foi ou dans un ordre à l'intérieur duquel ils ont trouvé leur place… tandis que quand on en reste à ces entrevisions, puisque ce sont souvent des lueurs, et pas des choses solides, cela peut être douloureux, ou amener au silence, si les choses parlent moins fort." (entretien avec Reynald André Chalard) 30 4 35 5 40 45 De l'alouette, Buffon a écrit : " Elle est du petit nombre des oiseaux qui chantent en volant ; plus elle s'élève, plus elle force la voix." Et encore : "On a dit que ces oiseaux avaient de l'antipathie pour certaines constellations, par exemple, pour Arcturus, et qu'ils se taisaient lorsque cette étoile commençait à se lever en même temps que le soleil, apparemment que c'est dans ce temps qu'ils entrent en mue, et sans doute ils y entreraient quand Arcturus ne se lèverait pas." C'était un chant frénétique, et qu'on aurait cru chanté pour appeler le jour qui tardait à venir colorer les rochers blêmes. On aurait pu imaginer ainsi une cohorte d'anges cherchant à soulever le couvercle énorme de la nuit, au-dessus des hautes herbes fouettées, cinglées par le vent glacé. La porte s'ouvrirait-elle jamais ? Ce ne serait pas, en tout cas, faute d'avoir crié leur appel au jour. 6 50 7 55 Il y avait dans l'ascension et le chant de ces petites créatures une violence qui me remplit encore maintenant de stupeur. Certes, ce n'étaient pas là des ariettes à charmer les salons, ni des élégies ! Cela vrillait l'ouïe et le ciel, dans l'obscurité presque totale et la fusillade du froid. On aurait dit vraiment, si absurde que cela semble, qu'il y avait un rapport entre ces cris et les astres qui étaient encore loin de s'effacer. ? la rupture avec l'élévation mystique se marque par un retour au rationalisme, notamment par la référence à l'ouvrage scientifique d'une "autorité". Or, l'article, s'il confirme dans sa première partie l'observation du locuteur, ressortit, dans le second paragraphe, de la pensée analogique ou magique et confirme, à contrario, la vision poétique selon laquelle les oiseaux, soulevant à grands cris et au prix d'immenses efforts les ténèbres de la nuit (qui se déclineront du plus léger "chapiteau", puis "dais", "couvercle", au plus lourd "dalle" funéraire) feraient advenir le jour. ? gradation d'intensité : la gradation se marque par la violence accrue des oiseaux impatients et inquiets, par l'âpreté accrue du vent qui malmène les herbes ? modalité interrogative, motif de l'ouverture ou de l'entrouverture vers le secret du monde, hors de la vie spectrale vers la vraie réalité, pleine de sens, de ce monde, son secret. C'est la porte aussi qui mène le Graal au Roi Pêcheur et que Perceval ne passera pas, faute d'avoir posé la question attendue. gradation "descendante" des ténèbres qui marque "en creux" la gradation ascendante du jour encore imperceptible ? ? ? ? ironie, r&...

« 4 5 6 7 De l'alouette, Buffon a écrit : " Elle est du petit nombre des oiseaux qui chantent en volant ; 30 plus elle s'élève , plus elle force la voix ." Et encore : " On a dit que ces oiseaux avaient de l'antipathie pour certaines co nstellations, par exemple, pour Arcturus, et qu'ils se taisaient lorsque cette étoile commençait à se lever en 35 même temps que le soleil, apparemment que c'est dans ce temps qu'ils entrent en mue, et sans doute ils y entreraient quand Arcturus ne se lèverait pas ." C'était un chant frénétique , et qu'on aurait cru 40 chanté pour appeler le jour qui tardait à venir colorer les rochers blêmes .

On aurait pu imaginer ainsi une cohorte d'anges cherchant à soulever le couvercle énorme de la nuit , au -dessus des hautes herbes fouettées, 45 cinglées par le vent glacé .

La porte s'ouvrirait -elle jamais ? Ce ne serait pas, en tout cas, faute d' avoir crié leur appel au jour. Il y avait dans l'ascension et le chant de ces 50 pet ites créatur es une violence qui me rempl it encore maintenant de stupeur.

Certes, ce n'étaient pas là des ar iettes à charmer les salons, n i des élég ies ! Cela vrillait l'ou ïe et le c iel, dans l'obscur i et la fusillade du froid .

té presque totale 55 On aurait dit vra iment, si absurde que cela semble, qu'il y avait un rapport entre ces cris et les astres qui étaient encore loin de s'effacer .

 la rupture avec l'élévation mystique se marque par un retour au rationalisme, notamment par la référence à l'ouvrage scientifique d'une "autorité".

Or, l'article, s'il confirme dans sa premi ère partie l'observation du locuteur, ressortit, dans le second paragraphe, de la pensée analogique ou magique et confirme, à contrario , la vision poétique selon laquelle les oiseaux, soulevant à grands cris et au prix d'immenses efforts les ténèbres de la nuit (qui se déclineront du plus léger "chapiteau", puis "dais", "couvercle", au plus lourd "dalle" funéraire) feraient advenir le jour.  gradation d'intensité : la gradation se marque par la violence accrue des oiseaux impatients et inquiets , par l'âpreté accrue du vent qui malmène les herbes  modalité interrogative , motif de l'ouverture ou de l'entrouverture vers le secret du monde, hors de la vie spectrale vers la vraie réalité, pleine de sens, de ce monde, son secret.

C'est la porte aussi qui mène le Graal au Roi Pêcheur et que Perceval ne passera pas, faute d'avoir posé la question attendue.  gradation "descendante" des ténèbres qui marque "en creux" la gradation ascendante du jour encore imperceptible  ironie, référence à un univers to talement étranger (intérieur, clos, social, policé) qui souligne la violence de l'expérience relatée  assonances en I soulignant la stridence des appels  confirmation modalisée de la remarque de Buffon et de ce qui était pressenti dans les premiers paragra phes "strophes". »

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