Chapitre 1 - Thérèse Raquin de Zola
Publié le 14/03/2020
Extrait du document
Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu’on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse.
Par les beaux jours d’été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchâtre tombe des vitres sales et traîne misérablement dans le passage. Par les vilains jours d’hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble.
À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau. Il y a là des bouquinistes, des marchands de jouets d’enfant, des cartonniers, dont les étalages gris de poussière dorment vaguement dans l’ombre; les vitrines, faites de petits carreaux, moirent étrangement les marchandises de reflets verdâtres ; au-delà, derrière les étalages, les boutiques pleines de ténèbres sont autant de trous lugubres dans lesquels s’agitent des formes bizarres.
A droite, sur toute la longueur du passage, s’étend une muraille contre laquelle les boutiquiers d’en face ont plaqué d’étroites armoires; des objets sans nom, des marchandises oubliées là depuis vingt ans s’y étalent le long de minces planches peintes d’une horrible couleur brune. Une marchande de bijoux faux s’est établie dans une des armoires; elle y vend des bagues de quinze sous, délicatement posées sur un lit de velours bleu, au fond d’une boîte en acajou.
Dégager des axes de lecture
Dans la Préface à la deuxième édition de Thérèse Raquin, Zola rappelle que son but a été « scientifique avant tout ». Le romancier prétend être objectif. Il veut décrire ce qui est, et donner au lecteur le moyen de juger à son tour. Mais le texte n’a pas l’impersonnalité affichée : une présence subjective est aisément discernable.
«
INTRODUCTION
-1 Situer le passage
Il s'agit de l'incipit de Thérèse Raquin, c'est-à-dire des premières
lignes du roman.
Avant de lire
le roman, la seule indication dont
dispose le lecteur est le titre, qui présente
un personnage
féminin.
1 Dégager des axes de lecture
Dans la Préface à la deuxième édition de Thérèse Raquin, Zola
rappelle que son but a été
« scientifique avant tout ».
Le romancier
prétend être objectif.
Il veut décrire ce qui est, et donner au lecteur
le moyen de juger à son tour.
Mais
le texte n'a pas l'impersonnalité
affichée : une présence subjective est aisément discernable.
PREMIER AXE DE LECTURE
UNE DESCRIPTION OBJECTIVE
ET MINUTIEUSE
1 Les précisions spatiales
Pour donner à la réalité un caractère réaliste, !'écrivain mêle à la
fiction des éléments réels.
La « rue Guénégaud », le « Passage du
Pont-Neuf
», allant de la « rue Mazarine à la rue de Seine » existent
véritablement.
Ces noms propres ancrent d'emblée le récit dans la
réalité, et le lecteur accepte ainsi plus facilement le personnage de
fiction qu'est
Thérèse Raquin.
Le vocabulaire mathématique vient compléter les références géo
graphiques pour donner
au texte l'apparence" de la vérité.
Les
mesures
(« Ce passage a trente pas de long et deux de large au
plus », 1.
4-5) sont très précises.
Ce souci de véracité suffit pour que
plus loin l'expression
« sur toute sa longueur» (1.
22) ait effectivement
une valeur descriptive.
Grâce à l'expression
« coupé à angle droit » (1.
6-7), le narrateur
parvient à donner une tonalité rigoureuse à tout
le passage.
Il peut
ainsi utiliser des éléments moins précis, sans altérer le caractère
LECTURES MÉTHODIQUES 97.
»
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