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Chapitre XVIII - Thérèse Raquin de Zola

Publié le 14/03/2020

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Thérèse, elle aussi, avait été visitée par le spectre de Camille, pendant cette nuit de fièvre.

La proposition brûlante de Laurent, demandant un rendez-vous, après plus d’une année d’indifférence, l’avait brus-5 quement fouettée. La chair s’était mise à lui cuire, lorsque, seule et couchée, elle avait songé que le mariage devait avoir bientôt lieu. Alors, au milieu des secousses de l’insomnie, elle avait vu se dresser le noyé ; elle s’était, comme Laurent, tordue dans le désir et dans l’épouvante, et, comme lui, elle 10 s’était dit quelle n’aurait plus peur, quelle n’éprouverait plus de telles souffrances, lorsqu’elle tiendrait son amant entre ses bras.

Il y avait eu, à la même heure, chez cette femme et chez cet homme, une sorte de détraquement nerveux qui les ren-15 dait, pantelants et terrifiés, à leurs terribles amours. Une parenté de sang et de volupté s’était établie entre eux. Ils frissonnaient des mêmes frissons; leurs cœurs, dans une espèce de fraternité poignante, se serraient aux mêmes angoisses. Ils eurent dès lors un seul corps et une seule âme 20 pour jouir et pour souffrir. Cette communauté, cette pénétration mutuelle est un fait de psychologie et de physiologie qui a souvent lieu chez les êtres que de grandes secousses nerveuses heurtent violemment l’un à l’autre.

Pendant plus d’une année, Thérèse et Laurent portèrent 25 légèrement la chaîne rivée à leurs membres, qui les unissait; dans l’affaissement succédant à la crise aiguë du meurtre, dans les dégoûts et les besoins de calme et d’oubli qui avaient suivi, ces deux forçats purent croire qu’ils étaient libres, qu’un lien de fer ne les liait plus ; la chaîne détendue 30 traînait à terre ; eux, ils se reposaient, ils se trouvaient frappés d’une sorte de stupeur heureuse, ils cherchaient à aimer ailleurs, à vivre avec un sage équilibre. Mais le jour où, pous-sés par les faits, ils en étaient venus à échanger de nouveau des paroles ardentes, la chaîne se tendit violemment, ils 35 reçurent une secousse telle, qu’ils se sentirent à jamais attachés l’un à l’autre.

Dans ce passage, qui ouvre le chapitre XVIII, la narration est un support à l’exposé des théories naturalistes, et la tonalité du texte est donc celle d’une démonstration scientifique. Le déterminisme auquel les êtres sont soumis est représenté sous une forme métaphorique.

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« ailleurs, à vivre avec un sage équilibre.

Mais le jour où, pous­ sés par les faits, ils en étaient venus à échanger de nouveau des paroles ardentes, la chaîne se tendit violemment, ils 35 reçurent une secousse telle, qu'ils se sentirent à jamais atta­ chés l'un à l'autre.

INTRODUCTION 1 Situer le passage Après le meurtre de Camille, Thérèse et Laurent n'ont pas repris leur liaison.

Mais, lorsqu'ils cherchent à se revoir, ce désir retrouvé s'accompagne d'épisodes quasi hallucinatoires, où le spectre de Camille les visite.

1 Dégager des axes de lecture Dans ce passage, qui ouvre le chapitre XVIII, la narration est un support à l'exposé des théories naturalistes, et la tonalité du texte est donc celle d'une démonstration scientifique.

Le déterminisme auquel les êtres sont soumis est représenté sous une forme méta­ phorique.

PREMIER AXE DE LECTURE UNE TONALITÉ SCIENTIFIQUE 1 Un retour en arrière Ce passage est rédigé au plus-que-parfait, ce qui montre l'anté­ riorité des événements sur le récit : les événements décrits ont déjà eu lieu, et ils sont racontés par un narrateur omniscient qui sait tout des pensées des personnages.

Ainsi, le narrateur reprend l'élément déclencheur de la terrible insomnie des amants (« La proposition brû­ lante», 1.

3) et le contenu de leurs cauchemars (« elle avait vu se dres­ ser le noyé», 1.

8).

En fait, par l'emploi de groupes syntaxiques brefs, le narrateur revient sur les événements de la nuit précédente et dra­ matise le récit pour mettre en évidence l'importance de cette pre­ mière apparition du spectre de Camille.

LECTURES MÉTHODIQUES 107. »

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