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Chateaubriand et la montagne

Publié le 14/02/2012

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chateaubriand

A diverses reprises (Voyage au Mont-Blanc, Mémoires d'Outre-Tombe), Chateaubriand a exprimé son peu de goût pour les paysages de montagne : "Ces lourdes masses ne sont point en harmonie avec les facultés de l'homme et la faiblesse de ses organes". Cette grandeur dont on fait tant de bruit n'est réelle que par la fatigue qu'elle vous donne... Le sentiment qu'on éprouve dans les montagnes est fort pénible ... Je doute qu'elles soient le séjour de la rêverie, car comment peut-on rêver quand la promenade est une fatigue, et que l'attention que vous êtes obligé de donner à vos pas occupe entièrement votre esprit... Pour moi, je n'ai trouvé (dans les Alpes) que de misérables montagnards qui se regardent comme en exil et aspirent à descendre dans la vallée ... "

chateaubriand

« Et que reproche-t-il a ces Altesses, orgueil et joie de plusieurs peuples? D'abord leurdisproportion avec les1 facultes » et les « organes » de l'homme.

Ce sont de « lourdes masses » qui ne donnent pas une idee de « grandeur », qui imposent des 1 fatigues » peu en rapport avec le plaisir qu'elles procurent.

Il semble qu'avant tout, ce qui l'a frappe et deroute, ce sont les effets de perspective absolument nouveaux pour lui, homme de la mer et de la plaine.

« 11 s'est refuse a comprendre le jaillissement vertical de in matiere et le developpement en hauteur du paysage parce qu'il n'a voulu les considerer qu'avec son regard horizontal (1).

» Ii se sent ecrase par ces « lourdes masses » au pied des grands versants, et sa bile s'epanche en boutades amusantes : « De ces trous surnommes vallees, de ces hauts paravents a l'ancre (preuve qu'il songe a la mer) appeles montagnes, de ces torrents qui beuglent avec les vaches de leurs bords..., loin! » Un mot aussi nous explique sa mauvaise humeur.

H garde un penible souvenir de la fatigue eprouvee en escaladant e cette grandeur dont on fait tant de bruit ». On n'aborde pas impunement, sans etre entraine an ,prealable, in haute mon- tagne.

Nous avons entendu semblables reflexions, emanant de braves gens « de passage » dans in montagne, et qui voulaient s'offrir une ascension 1 en passant ».

On ne s'improvise pas alpiniste, male quand on s'appelle Cha- teaubriand.

Il est evident qu'une fatigue excessive ne favorise pas l'admi- ration.

Cette attention du novice occupe a eviler les faux pas, cette deception, du promeneur habitue a des chemins commodes et qui se plaint de ne pouvoir contempler a son aise le °paysage provoquent le sourire de l'alpiniste.

Les enfants de la montagne evoluent dans ces sentiers faits, semble-t-ii, plus pour les chevres que pour les hommes, avec une aisance, une insouciance qui eton- nent le profane.

Nous en avons vu, sur des pentes abruptes, se livrer a des batailles de boules de neige, a des poursuites effarantes.

L'alpiniste moyen, s'il n'ose se risquer a de pareilles acrobaties, est du mains assez stir de ses pieds pour se permettre d'admirer en marchant.

Il peut meme raver a son aise, si le cceur lui en dit, voice mediter.

Sa reverie, sa meditation seront plus actives que s'il se tenait assis sur une falaise au bord de la mer ou dans une clairiere de la foret. Desillusion sincere, ou dessein de contredire le maitre qu'il a renie, Cha- teaubriand oppose aux montagnards de Rousseau, habitant des 1 chalets en- chantes », les « miserables montagnards » qu'il a vus, lui, en de «me- chantes cabanes remplies du fumier des troupeaux, de l'odeur des fromages et du lait fermente ».

Son realisme nous parait plus proche de la verite que les descriptions idylliques de Jean-Jacques.

Un peu plus loin, Chateau- briand s'apitoie sur les « fatigues de l'homme et les travaux inouis qu'une terre ingrate refuse de payer ».

Pour pen que l'on ait ate temoin de in fenaison sur des versants dont la pente varie de 45 a 60°, on est tout pres de partager l'opinion de Chateaubriand.

Le transport du foin a dos d'homme dans les huttes on l'on conserve les provisions d'hiver est peat -titre plus dur encore que le fauchage, ce qui n'est pas peu dire.

e Le montagnard qui sent son mal, remarque Chateaubriand, est plus sincere que le voyageur; it appelle la plaine le bon pays et ne pretend pas que des rochers arroses de ses sueurs, sans en etre plus fertiles, soient ce qu'il y a de meilleur dans les distributions de la Providence.

» Et it explique l'attachement indeniable a la montagne par les 4 relations merveilleuses que Dieu a etablies entre nos peines, l'objet qui les cause et les lieux ou nous les avons eprouvees ».

Hien de plus vrai; mais ii a tort, croyons -nous, d'ajouter « Il ne faut pas attribuer aux charmes des lieux qu'il habite l'amour extreme qu'il montre pour son pays.

» Maintes fois nous avons pu constater qu'un artiste sornmeillait dans Fame du montagnard. Autre affirmation trop absolue : e Le paysage n'est cree que par le soleil; c'est in lumiere qui fait le paysage.

» Nul n'oserait soutenir que le soleil ne soit un element important dans in beau* des sites aipestres, mais it n'est pas tout.

Si, par les temps de pluie ou de brouillard, la montagne perd beau- coup de ses charmes, si meme elle disparait taut a fait a nos yeux, it est une lumiere voilee qui lui sied a ravir; et puis elle ne nous parait si belle, (1) Ces moats affreux (Delagrave). .

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Et que reproche-t-il à ces Altesses, orgueil et joie de plusieurs peuples? D'abord leur disproportion avec les «.facultés » et les « organes » de· l'homme.

Ce sont de « lourdes masses » qui ne donnent pas une idée de « grandeur », qui imposent des « fatigues » · peu en rapport avec le plaisir qu'elles procurent.

Il semble qu'avant tout, ce qui l'a frappé et dérouté.

ce sont les effets de perspective absolument nouveaux pour lui, homme de la.

mer et de la plaine.

« Il s'est refusé à comprendre le jaillissement vertical de la matière et le développement en hauteur du paysage parce qu'il n'a voulu les considérer qu'avec son regard horizontal !1).

» Il se sent écrasé par ces « lourdes masses » au pied des grands versants, et sa bile s'épanche en boutades amusantes : « De ces trous surnommés vallées, de ces hauts paravents à l'ancre (preuve qu'il songe à la mer) appelés montagnes, de ces torrents qu~ beuglent avec les vaches de leurs bords ....

, foinl » Un mot aussi nous explique sa mauvaise humeur.

Il garde un pénible souvenir de la fatigue éprouvée en escaladant « cette grandeur dont on fait tant de bruit ».

On n'aborde pas impunément, sans être entraîné au préalable, la haute moR­ tagne.

Nous avons entendu semblables réflexions, émanant de braves gens « de passage » dans la montagne, et qui voulaient s'offrir une ascension «en passant ».

On ne s'improvise pas alpiniste, même quand on s'appelle Cha­ teaubriand.

Il est évident qu'une fatigue excessive He favorise pas l'admi­ ration.

Cette attention du novice occupé à éviter les faux pas, cette déception, du promeneur habitué à des chemins commodes et qui se plaint de ne pouvoir contempler à son aise le ·paysage provoquent le sourire de l'alpiniste.

Les enfants de la montagne évoluent dans ces sentiers faits, semble-t-il, plus pour les chèvres que pour les hommes, avec une aisance, une insouciance qui éton­ nent le profane.

Nous en avons vu, sur des pentes abruptes, se livrer à des batailles de boules de neige, à des poursuites effarantes.

L'alpiniste moyen, s'il- n'ose se risquer à de pareilles acrobaties, est du moins assez sûr de ses pieds pour se permettre d'admirer en marchant.

Il peut même rêver à son aise, si le cœur lui en dit, voire méditer.

Sa rêverie, sa méditation seront.

plus actives que s'il se tenait assis sur une falaise au bord de la mer ou dans une clairière de la.

forêt.

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: Désillusion sincère, ou dessein de contredire le maître qu'il a renié, Cha­ teaubriand oppose aux montagnards de Rousseau, habitant des 4: chalets en­ chantés », les « misérables montagnards » qu'il a vus, lui, en de « mé­ chantes cabanes remplies du fumier des troupeaux, de l'odeur des fro.mages et du lait fermenté ».

Son réalisme nous paraît plus proche de la vérité que les descriptions idylliques de Jean-Jacques.

Un peu plus loin.

Chateau­ briand s'apitme sur les «fatigues de l'homme 'et les travaux inouïs qu'une terre ingrate refuse de payer ».

Pour peu que Fon ait été témoin de la fenaison sur des versants dont la pente varie de 45 à 60•, on est tout près de partager l'opinion de Chateaubriand.

Le transport du foin à dos d'homme dans les huttes où l'on conserve les provisions d'hiver est peut-être plus dur encore que le fauchage, ce qui n'est pas peu dire.

« Le montagnard qui sent son mal, remarque Chateaubriand, est plus sincère que le voyageur.; il appelle la plaine le ·bon pays et ne prétend pas que des rochers arrosés de .

ses sueurs, sans en être plus fertHes, soient ce qu'il y a de meilleur dans les distributions de la Providence.

» Et il explique l'attachement indéniable ·à la montagne par les « relations merveilleuses que Dieu a établies entre nos peines, l'objet qui les cause et les lieux où nous les avons éprouvées».

Rien de p~us vr.ai; mais il a tort, croyons-nous., d'ajouter : «Il ne faut pas attribuer aux charmes des lieux qu'il habite l'amour extrême qu'il montre pour son pays.

» Maintes fois nous avons pu constater qu'un artiste sommeillait dans l'âme du montagnard.

· Autre affirmation trop absolue : «Le paysage n'est créé {JU'fl par }e soleil; c'est la lumière qui fait le paysage.

» Nul n'oserait soutenir que le soleil ne soit un élément important dans la beauté des sites alpestres, mais il n'est pas tout.

Si, par les t·emps de pluie ou de brouillard, la montagne perd beau­ coup de ses charmes, si même· elle disparaît tout à fait à nos yeux il est une lumière voilée qui lui sied à ravir; et puis elle ne nous paraît si belle, (1) Ces monts fl{freux (Delagrave).. »

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