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CLEMENT MAROT ET LA FAVEUR ROYALE

Publié le 29/06/2011

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C'est le temps où il a pris pleine conscience de sa valeur — et où il est le plus en faveur. Poète courtisan, il rime sans cesse à propos des menus ou des grands incidents de la vie de cour, tout en composant, à l'occasion, des vers personnels où il analyse ses émois. De là une division facile dans son œuvre : le poète officiel compose une épitaphe sarcastique sur l'abbé de Beaulieu qui osa tenir tête au Roi, puis, en juin 1528, le Chant nuptial du mariage de Madame Renée, fille de Louis XII, qui épousait le duc de Ferrare, Hercule d'Esté (le poète devait la retrouver en Italie, à l'heure de l'exil) ; il est du voyage de Cambrai où allait être signée, le 5 août 1529, la paix des Dames, et salue cet événement par un rondeau. 

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« dira-t-il.

Il se refuse à écouter les leçons de « Maistre Ennui », ignore le chagrin et les soucis ; il est de toutes lesfêtes d'étudiants, il suit « Gay vouloir » dans les tavernes du quartier latin, loin du Palais et de la porte Barbette.

Ilest tout à ses plaisirs, et, déjà, à ses premiers vers.Le bon Jean Marot dut sourire à voir son fils, son élève, rimer ses premières ballades (Des Enfants sans soucy, —Cry du jeu de l'Empire d'Orléans, par exemple) et, plus encore, à le voir en peu de mois" prouver qu'il avait suprofiter de ses leçons et prendre tout de suite un rang honorable parmi les Rhétoriqueurs avec des traductions de lapremière églogue de Virgile, du Jugement de Minosy de Lucien, ou des Tristes vers de Béroalde sur le Vendredi saint,avec, enfin, sa première œuvre personnelle, le Temple de Cupido, imprimé en caractères gothiques sans doute vers1515.

Il y â, dans ces essais composés de 1513 à 1515, du passableuet du pire, du pire surtout, mais aussi de laverve, et une élégance, un naturel parfois qui classent à part le jeune poète.

Il écrit beaucoup : des vers decirconstance, rapidement et lestement enlevés, — ses premières ballades notamment, — des poèmes plus ambitieux: ce Temple de Cupido, qu'il dédie habilement au jeune François Ier, puis l'Epitre de Maguelonne à son amy Pierre deProvence qu'il publie en 1517.

De quoi le mettre en vue et justifier son ambition, — qu'il ne cache pas : n'a-t-il pas,pour l'encourager, l'exemple de son père ?Dans les bureaux de la chancellerie qui suit la cour et où il travaille sous les ordres de Nicolas de Neufville, le jeunepoète pensait sans doute à rimer plus qu'à rédiger des pièces officielles.

Il est à l'affût des menus événements qui luipermettent de composer rondeaux, ballades ou chants royaux, car il use des poèmes à forme fixe alors en vogue.

Ilse hâte de les chanter, ainsi la mort de M.

de Chissay, ainsi la naissance, en 1518, du dauphin François.

Il ne seprive pas surtout de dire avec esprit — ou avec pédantisme — ses désirs et ses espoirs.

D'où une épitre au roi, envers équivoqués d'une étonnante souplesse, pour demander quelque « bien » ; d'où ensuite, n'ayant rien obtenu dusouverain, la faible et ennuyeuse Epitre du Despourveu dédiée à la sœur du prince, Marguerite d'Alençon, pourimplorer une place en son hôtel, et surtout cette spirituelle ballade où il suggère à la duchesse de le « coucher » enson « estât », — car Il n'est que d'estre bien couché, — c'est-à-dire de lui accorder une pension.

La verve de Marot, son savoir, le renom de son père, l'influence aussi d'uncertain M.

de Pothon lui valent, en 1519, d'être choisi par Marguerite comme valet de chambre : il restera à sonservice jusqu'en 1527, et ne le quittera que pour celui du roi.

Elle demeurera sa protectrice et son amie aux heuresles plus dures de sa carrière.C'est à la cour, sa « maistresse d'escolle », et plus spécialement dans le cercle de Marguerite que Marot va seformer et prendre conscience de son talent.

Plus âgée que le poète de quatre ans seulement, la duchesse d'Alençonfait alors, plus que la timide Claude de France, figure de reine.

Elle n'a pas encore commencé sa carrière d'écrivain :ses premières poésies datent à peine de 1520 ; elle n'écrira l'Heptaméron qu'après 1540.

Mais elle a toujours étécurieuse des choses de l'esprit.

Sinon belle, au moins gracieuse et avenante, elle anime la cour de son entrain, desa gaieté.

François Ier se remet sur elle de donner à la cour l'éclat que la reine est incapable de lui assurer.

On estencore, en 1519, aux brillants débuts du règne, à ces lendemains éclatants de Marignan qui paraissaient promettreau Roi une longue suite de triomphes.

De fait, pendant dix ans la suprématie française paraîtra indiscutable.Marguerite s'exalte du prestige de son frère.

Mal mariée, — le duc d'Alençon n'a pour lui que sa qualité de prince dusang, — elle reporte sur le roi, son frère cadet, toute sa tendresse, à l'égal de sa mère Louise de Savoie.

En mêmetemps elle affirme ces qualités du cœur et de l'esprit qui lui vaudront ce surnom glorieux : la Marguerite (perle) desprincesses.

C'est elle qui donne le ton à la cour, la cour des dames où abonde: Toute la fleur et l'eslite du monde. Elle s'entourait de femmes aimables, d'hommes spirituels, mais aussi de lettrés, de savants, d'hommes d'église à lapensée généreuse.

Elle comptera parmi ses protégés Rabelais qui saluera son esprit « exstatic » et Victor Brodeau,un élève de Marot, Antoine Hérôet, l'auteur de la Parfaide Amye et Maurice Scève, chantre de la Délie.

Les poètesnéo-latins, Nicolas Bourbon, Hubert Sussanneau, Jean Voulté, Gilbert Ducher, Salmon Macrin, salueront en elle ladixième Muse et la quatrième Grâce, en attendant que Ronsard et du Bellay lui élèvent un tombeau poétique.

On saitqu'elle favorisa l'essor du Platonisme ; on sait aussi avec quelle ardente, quelle inquiète curiosité elle s'intéressa aumouvement de réforme qui s'esquissait alors dans l'Eglise.

La critique érasmienne la retint moins que les tendancesmystiques d'un Lefèvre d'Etaples ; elle suit avec curiosité les débuts de Luther : un de ses premiers poèmes seral'adaptation d'un écrit du réformateur.

Elle protégera un temps Calvin ou ces précurseurs du quiétisme : les libertinsspirituels.

Pour l'instant, elle a confié la direction de sa conscience à l'évêque de Meaux, Briçonnet, un despromoteurs du mouvement préréformé, qui la guide, dans un style souvent amphigourique, vers les problèmes lesplus hauts de la mystique.Nul doute que, dans l'entourage de la princesse, Marot ait beaucoup appris : il s'est rendu compte, là, que l'heure dela Rhétorique était passée, que la véritable poésie exigeait autre chose que de pédantes allégories et des rimescompliquées ; il a compris, auprès de Marguerite, que, pour être poète, il faut d'abord traduire avec naturel dessentiments sincères ; il a découvert d'autres maîtres que ceux qu'il avait révérés ; son horizon s'est élargi.

Bientôt,Marot sera suspect aux catholiques intransigeants : n'est-ce pas dans l'entourage de la duchesse d'Alençon qu'il a,pour la première fois, entendu discuter la discipline et le dogme ? Quand il entre au service de la princesse, en 1519,c'est l'heure précise où elle donne des gages à ce mouvement de réforme dans l'Eglise et par l'Eglise — l'Evangélisme— que dirigeait Briçonnet.

Il ne faudra pas longtemps au poète pour y adhérer, et, peut-être, sur certains points, le. »

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