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Clément Marot Rondeaux et Épigrammes Au bon vieux temps

Publié le 14/05/2014

Extrait du document

marot

 

 

Au bon vieulx temps un train d'Amour regnoit, 

Qui sans grand art, et dons se demenoit, 

Si qu'un bouquet donné d'amour profonde, 

C'estoit donné toute la Terre ronde : 

Car seulement au cueur on se prenoit. 

Et si par cas à jouyr on venoit, 

Sçavez vous bien comme on s'entretenoit ? 

Vingt ans, trente ans : cela duroit un Monde 

 Au bon vieulx temps. 

 Or est perdu ce qu'amour ordonnoit, 

Rien que pleurs fainctz, rien que changes on oyt, 

Qui vouldra donc qu'à aimer je me fonde, 

Il fault premier que l'amour on refonde 

Et qu'on la mene ainsi qu'on la menoit 

 Au bon vieulx temps. 

 

Au bon vieux temps un train d'amour régnait 

Qui sans grand art et dons se démenait, 

Si 

qu'

un baiser, donné d'

amour profonde, 

C

'

était donné 

toute la terre ronde : 

Car seulement au cœur on se prenait. 

Et si, par cas, à jouir on venait, 

Savez-vous bien comme on s'entretenait ? 

Vingt ans, trente ans : cela durait un monde, 

Au bon vieux temps. 

Or 4 est perdu ce qu'

amour ordonnoit : 

Rien que pleurs feints, rien que changes on n'

oit.

 

Qui voudra donc qu'

à aimer je me fonde ? 

Il faut premier 

que l'

amour on refonde, 

Et qu'

on la mène ainsi qu'

on la menait 

Au bon vieux temps. 

 

Ce rondeau fait penser à une chanson populaire à laquelle il emprunte les thèmes, les 

expressions, les formules consacrées, ainsi que le rythme et la mélodie. Selon Littré, le 

rondeau est un petit poème nommé aussi triolet, où le premier ou les premiers vers reviennent 

au milieu et à la fin de la pièce. C’est aussi un petit poème particulier à la poésie française, 

composé de treize vers coupés par une pause au cinquième et une au huitième, dont huit sont 

sur une rime et cinq sur une autre ; le premier mot ou les premiers mots se répètent après le 

huitième vers et après le dernier sans faire partie des vers ; « on voit facilement que ce 

rondeau est une modification du précédent : au lieu de répéter le vers entier, on n'en a 

reproduit que les premiers mots, auxquels on a même tâché de donner des sens différents «. Il 

existe aussi le rondeau redoublé, pièce de poésie de vingt vers, disposés par cinq quatrains, en 

sorte que les quatre vers du premier quatrain font l'un après l'autre le dernier vers des autres 

quatrains ; à ces quatrains on ajoute sous le nom d'envoi un sixième quatrain, qui doit être 

suivi de la répétition du premier mot ou de l'hémistiche du premier vers de l'ouvrage. On 

appelle improprement rondeau une petite pièce de poésie qu'on met ordinairement en 

musique, et dont le premier vers ou les premiers vers sont répétés à la fin. 

marot

« musique, rondeau, rondel ou rondo, air dont le thème principal se reprend plusieurs fois.

Beaucoup d'airs, dans nos opéras modernes, sont de véritable s rondeaux, bien qu'ils n'en portent plus le nom ».

Appelé à l’époque médiévale aussi: rondel, rondelet; chanson de danse créée au XIIIe , sa structure métrique dépend de sa structure musicale: il y a donc de grandes variations.

Un point reste commun : un refrain, de deux vers au moins, huit au plus, est posé en tête, puis repris deux fois, partiellement ou totalement, une fois au milieu de la pièce puis à la fin.

Comme l’habitude des copistes était de ne pas reproduire intégralement les reprises du refr ain, mais seulement les premiers mots de ces reprises (appelées rentrement ), le rondeau nouveau au XVe se présente comme suit: soit (en ouverture, le début du texte) 5 vers + 3 + R (fin du couplet central) + 5 + R (clôture) = 15 vers, soit 4 + 2 + R + 4 + R = 12 vers. Le premier couplet est un q uatrain d'octo syllabes à rimes plates.

La première formule, Au bon vieux temps , peut aussi bien rappeler celle des chansons enfan tines que traduire un regret nostalgique.

Elle nous renvoie à un monde ancien, c har mant et idéalisé.

Le passé est souligné aussi par l'emploi de l'imparfait, passé lointain et durable, si bien que le vers se terminant par la syllabe ouverte ait ne semble pas s'achever.

Le rythme est celui de la danse, sautillant et fortement mar qué par la coupe 4/6 du décasyllabe.

Ce train d'amour (cette manière d 'aimer) se caractérisait par la franchise et par l'absence d'artifice (sans grand art et dons).

Marot choisit pour l 'évoquer le baiser, symbole de l'amour.

Un baiser sincère (donné d 'amour profonde) avait plus de prix que tous les présents.

Il faut noter le langage familier dans l’expression « toute la terre ronde » et le rythme bien cadencé du vers 4. Le deuxième couplet regroupe 5 vers.

Le dernier plus court reprend, en refrain, le premier hémis tiche du vers 1 .

La naïveté de cet amour s'exprime dans un vocabulaire simple et par des expressions familières : au cœur on se prenait. D’autres formules des rondes enfantines s’associent à ce thème : « savez -vous bien, ».

La fausse inter rogation renforce la feinte naïveté qui se prolonge dans l'étonnement de l'auteur sur la durée des amours d'antan : vingt ans, trente ans. La deuxième partie du vers prolonge, par sa durée, le début : d’un monde au sens emphatique signifie un temps infi ni. Le refrain en reprenant les premiers mots du poème crée la mélodie qui se poursuit tout au long du rondeau. Le troisième couplet s’étend sur six vers, dont le dernier, plus court, est le refrain.

On remarquera qu'à l'exception du refrain tout le ron deau est construit sur deux rimes.

« On » marque fortement l'opposition entre naguère et aujourd 'hui.

« Perdu » souligné par l 'inversion du sujet paraît rendre plus insupportable ce changement définitif.

« Ordonnait » traduit le véritable amour. Pour oppo ser « l 'expression de la passion toute pure » à l'hypocrisie des formes modernes de l'amour, le poète répète la locution rien que qui permet de mettre en valeur pleurs et change par l’inversion du complément.

Dans les vers 12 et 13, la plainte est légère et le remède plai sant, mais Marot ne se fait pas d’illusion.

Les derniers vers évoquent l 'espoir du renouveau en recouvrant un rythme léger, souligné par la répétition mène, menait et par la cadence dan sante du refrain. Marot s'amuse avec légèreté, grâ ce, feinte naïveté ; il sait habilement retrouver, avec l'expression qui leur convient, les thèmes des chansons populaires.

A propos de ce poème, Voltaire déclare : « Je dirais d’abord que peut -être ces rondeaux, dont le mérite est de répéter à la fin de deux couplets les mots qui commencent ce petit poème, sont une invention gothique et puérile, et que les Grecs et les Romains n’ont jamais avili la dignité de leurs langues harmonieuses par ces niaiseries difficiles. Ensuite je demanderais ce que c’est q u’un. »

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