COLLÉ Charles : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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COLLÉ Charles (1709-1783). Dramaturge né à Paris, Charles Collé a mauvaise réputation : chansons égrillardes, « parades » érotiques... Pourtant ce joyeux drille, qui fit s’esclaffer la bonne société du xvme siècle (elle ne demandait pas mieux), sut aussi la peindre sans pitié dans des comédies injustement oubliées.
Profession : amuseur
Fils d’un procureur parisien aimant les lettres, Charles Collé est initié dès l’enfance aux meilleurs auteurs : La Fontaine, Molière, Rabelais surtout. Clerc de notaire, il quitte bientôt la basoche, fréquente la société du Caveau et se met au service d’un financier, M. de Meulan, qu’il pourvoit en divertissements libertins : d’abord des couplets sur des airs à la mode, qu’il réunira sous le titre de Chansons joyeuses, mises au jour par un âne-onyme, onissime. Joyeuses, en effet : rondes de moines paillards et de filles délurées dans la meilleure tradition gauloise, hymnes au plaisir comme cet « Avis à la belle jeunesse » :
Il faut s'aimer toujours
Et ne s'épouser guère
Il faut faire l'amour Sans curé ni notaire Cessez, messieurs, d'être épouseurs : Ne visez qu'au tire, lire, lire...
«
Il suffit
d'ajouter à ces chansons quelques répliques
de théâtre, des personnages de la comédie italienne
(Léandre, Isabelle), des sous-entendus érotiques («Je
n'ai plus qu'à raccommoder ma queue»), des libertés
morphologiques ( « tartagème » pour stratagème) ou
sémantiques ( « Il y a quelque andouille sous roche »)
pour réussir une bonne parade.
Collé excelle dans ces
pastiches des spectacles de foire, que les gens du monde
jouent eux-mêmes sur leurs théâtres privés.
Les titres en
disent long : Léandre étalon (1741), l'Amant poussif
(1742), le Mariage sans curé (1746).
Puis notre auteur
tourne la page.
Grâce à une comédie plus ambitieuse,
la Vérité dans le vin (1747) -Flers et Croisset s'en
inspireront pour les Vignes du Seigneur (1923) -, il
retient l'attention du duc d'Orléans, qui le nomme « lec
teur ordinaire» à charge d'approvisionner le théâtre
privé de son château de Bagnolet.
Sans renier totalement la parade, Collé étend alors son
registre; opéras-comiques, vaudevilles, comédies sur
tout : le Galant Escroc (1753), la Tête à perruque ou le
Bailli (1757).
On lui refuse pourtant la place de secré
taire du duc : un simple amuseur.
..
Mortifié, il réplique
par une comédie «sérieuse >>, Dupuis et Des Ronais
(1763), inspirée des Illustres Françaises de Robert
Challe.
Ce même désir de considération lui inspire aussi
la Partie de chasse de Henri IV (1763) d'après une pièce
de l'Anglais Dodsley : bons sentiments et nostalgie
d'une royauté patriarcale.
A Bagnolet, c'est un triomphe;
mais Louis XV, craignant la comparaison avec son ancê
tre, interdit toute représentation publique : la pièce ne
sera donnée à la Comédie-Française qu'en 1774, après
la mort du roi, avec un succès constant jusqu'à la
Révolution.
Ce Collé troisième manière a beaucoup perdu de sa
verve.
Sa réputation de « Corneille de la parade » lui
colle à la peau, cependant; et, lorsqu'en 1766 la distin
guée Mme de Montesson devient maîtresse du duc
d'Orléans, il est remplacé par Carmontelle.
Plus aigri
encore par des échecs théâtraux (la Veuve, 1770), Collé
se consacre désormais à son Journal historique et
littéraire (1748-1772), un vrai jeu de massacre.
Dans
cette chronique acide, les grands sont insolents, Diderot
« obscur et creux », le despotisme haïssable, la vie
sociale dérisoire.
Vengeance du bouffon humilié? Hélas!
la satire demeure mesquine et à courte vue: Collé n'ima
gine pas un autre monde ...
Il meurt à Paris le 3 novembre
1783.
le jeu de la vérité
Le meilleur de l'œuvre de Collé se situe entre les deux
extrêmes, les parades et la Partie de chasse, dans ces
comédies libertines où le dialogue théâtral tient difficile
ment les corps à distance (le souper fin de la Tête à
perruque), où chacun joue avec le feu par des équivoques
et des sous-entendus qui menacent à tout moment de
déclencher la crise.
Le comble de la performance liber
tine (et théâtrale) : un amant qui,« sous des noms suppo
sés »,détaille ses exploits au mari trompé (la Vérité dans
le vin).
Tel est le petit monde de Charles Collé : abbés
de cour, riches «présidents », nobles désargentés, tous
d'apparence respectable, en représentation : voilà pour
le théâtre; mais, en coulisse ou quand la scène est vide,
cupides et jouisseurs, prêts à tout pour un instant de
plaisir.
Ce théâtre comporte pourtant une morale.
Le héros
positif est celui qui refuse, non pas la jouissance, mais
le masque et la tromperie : « Je vous épouserai, cheva
lier, et ce ne sera point en secret ...
Je n'ai jamais cru que
la vertu d'une femme libre de tout engagement consistât
à ne point se rendre à celui qu'elle aime » (Sophie, dans
le Galant Escroc).
Sans doute Charles Collé avait-il vu trop
de prudes se pâmer à ses parades pour leur en
demander davantage.
(Voir aussi BOUT DU BANC (Acadé
mie du), PARADE).
BIBLIOGRAPHIE Collé a réuni ses meilleures piè ces sous le titre de Théâtre de
société (3 vol.) , La Haye, Paris, 1777.
Quat re d'entre elles, dont
la Partie de chasse et la Vérité dans le vin, figurent dans le
Théâtre du xvnl' siècle, t.
Il, é d.
J.
Tru che t, Gallimard, la Pléiade,
1 97 4.
Le recueil précité Chansons joyeuses, etc., est de 1765, «à
Paris, à Londres et à Ispahan seulement», réimprimé en 1864,
1 vol.
in-32, Hambourg et Paris.
Pour les parades : Trois Parades
inédites de Ch.
Collé (le Mariage sans curé, la Guinguette,
Léandre étalon), Hambo urg et Paris, 1864.
H.
Bonhomme a
p ublié la Correspondance inédite de Collé, Paris, Plon, 1864, et
le Journal historique (3 vol.), Paris, Firmin Didot, 1868, d'après
l'édition Barbier (Paris, 1807), incomplète.
Peu d'études critiques.
Signalons A.
Augustin-Thierry, Trois
Amuseurs d'autrefois, Paradis de Moncrif, Carmontelle, Collé,
Paris, 1924..
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