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Colloque Sentimental

Publié le 17/01/2022

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INTRODUCTION: 

Le poème « Colloque sentimental « de 1869 clôt le recueil des Fêtes Galantes de Paul Verlaine. Achevant ainsi 22 pièces de réjouissance et d’amour courtois sur une note triste et lugubre, cette danse macabre annonce l’écriture de Romances sans paroles. Composé de 8 distiques ce poème nous dépeint la balade de deux anciens amants qui évoquent leur passion passée. Comment Verlaine refusant d’idéaliser cette scène traite de façon ironique une situation banale ? A travers un paysage à l’abandon et une promenade hors du temps s’instaure un faux dialogue entre ces personnages indéfinis en parallèle avec le ton ironique à l’égard de l’amour qui se mêle au flou et à la fragmentation de la réalité. DEVELOPPEMENT:

Les deux personnages cheminent tout au long du poème dans un paysage sinistre et lugubre, présent dès le premier vers « Dans le vieux parc solitaire et glacé «. L’adjectif qualificatif « vieux « et l’article défini « le « produisent chez le lecteur un effet d’assimilation à une sorte de paradis perdu dont il ne subsiste que le regret. L’omniprésence du décor est accentué par la répétition du vers 1 au vers 5. Ce cadre est connoté par la tristesse et le froid retraçant mort et souffrance. La nature semble même être spectatrice de la balade et du discours des amants car les rimes plates et monotones encadrent leur dialogue. Le paysage devient acteur et est même personnifié au 16ème vers. Or au vers 15 « les avoines folles « renforce le fait que le parc est à l’abandon, sans aucune intervention humaine, voir sans vie. Cependant c’est dans ce décor fantomatique qu’évoluent les deux êtres. Ceux ci ne sont pas identifiés mais décrits au vers 2 tels des « formes « et au vers 6 comme « deux spectres « et ainsi sont réduits à l’état d’esprit qui erre dans le paysage, accentué par l’écho sonore « morts « et « molles «. De même nous ne pouvons savoir s’il s’agit d’un homme et d’une femme. Verlaine veut créer une ambiguïté, valeur abstraite proche de l’irréalité, comme si tout se mouvait dans le vague. Le lecteur admire le travail de déréalisation du poète. Les deux silhouettes font une promenade sans but ni fin. Cette idée est accentuée par la reprise du vers 1 à la cinquième ligne créant un effet de cycle pour appuyer le fait que le couple tourne en rond. Le premier distique évoque en effet avec des termes vagues un passé récent « ont tout à l’heure passé «. De même, le dernier distique renvoie les deux amants à une action ininterrompue avec l’imparfait " ils marchaient ". Les verbes " ont passé ", " ont évoqué " encadrent l'évocation d'une sorte de présent perpétuel, sans repère temporel précis. Leur union est comme achevée, révolue et semble s'effacer dans leur souvenir. S’installe alors une atmosphère pessimiste de désespoir, on comprend donc que le décor correspond au paysage intérieur, à l’instinct de mort lorsque Verlaine insiste sur la laideur des amants v3 « leurs yeux sont morts et leurs lèvre sont molles « c’est la seule description que l’on aie des personnages. Le poète met aussi en évidence leur évanescence « on entend à peine leurs paroles « renforçant leur inconsistance. Mais dans le quatrième distique apparaît un dialogue, confirmé par la présence de tirets et de l’emploi du discours direct au présent « - Te souvient-il de notre extase ancienne? « On constate alors à travers un système binaire la discordance entre les deux personnages, qui souligne leur opposition aigue. L’un est un amant exalté et nostalgique tandis que l’autre est laconique et oublieux du passé. De même la communication ne s’établit pas sur un pied d’égalité, puisque l’un conserve le tutoiement amoureux « - Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom? « alors que l’autre adopte le vouvoiement qui créé la distance « - Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne? «. L’échange est dissymétrique puisque l’un accumule de longues répliques exclamatives ou interrogatives avec une idée d’espoir et de bonheur à travers les hyperboles « extase « « ton c' ur « « mon âme « « bonheur indicible « celui-ci cherche une réunion en utilisant les pronoms personnels et adjectifs possessifs de la 2ème personne du singulier « ton « mais aussi de la 1ère du singulier et du pluriel « notre « « mon « « nous « et veut abolir la fuite du temps par l’emploie du présent et l’adverbe « toujours « au v9 et 10 auquel son interlocuteur répond froidement et brièvement, il paraît plus maître de ses émotions et nie cet amour (v8). On retrouve un désintérêt encore plus profond dans le « non « catégorique au vers 10. Il fait preuve d’une certaine amnésie et ne veut se souvenir de leur ancienne passion par son ton laconique « c’est possible «. Sa nonchalance et son agacement s’opposent à la sacralisation du passé vécu par l’autre comme heureux et à la tonalité feutrée de ses paroles. Le lecteur comprend alors que le dialogue est sans issue et assiste à une non communication. Il perçoit la présence ironique et grinçante du poète, décelable par le titre. En effet « colloque « suggère la discussion organisée de spécialistes sur un thème sérieux. Or ici l’attitude sentimentale du couple est absurde car d’une part la première voix plutôt emphatique est teintée d’illusions romantiques sur l’amour éternel et d’autre part la deuxième plus acerbe est réaliste. Ceci se rapproche à l’association toute aussi incompatible de l’adjectif « sentimental « qui évoque une douce passion et touche les émotions. Ce jeu du titre révèle la présence d’une troisième personne, celle du narrateur qui propose une solution médiane entre ironie et dissonance empreinte d’une mélancolie grinçante. En effet ce poème, en soi ironique, dénonce la monotonie d’une relation devenue habituelle et mortelle, de plus le flou entretient la généralisation des propos de Verlaine. Celui-ci s’adonne à son penchant de la « déréalisation « du décor comme une toile de Watteau. Ici l’amour est évoqué avec cruauté. Malgré la disparition de leur passion les amants se promènent encore ensemble, ils n’ont pas vraiment rompu. A la fin, les deux « formes « ont perdu leur relative individualité « ils «, dans un paysage imprécis d'une végétation vulgaire " d'avoines " anarchiques " folles ". Les spectres réintègrent leurs ténèbres. En effet, la perspective se creuse en abîme puisque l’on assiste à la disparition des personnages déjà flous au départ. Peut être en réalité ces fantômes sont les projections des angoisses de l’auteur. Verlaine pressent l’avenir tourmenté qui sera le sien car le faux dialogue présente comme illusoire l’ambition de vivre un amour éternel. CONCLUSION : Verlaine traite donc ici avec originalité un sujet pourtant commun en poésie, offrant une image désespérée et grinçante du néant de la passion à travers un couple discordant et dénonçant ainsi les illusions de l’amour éternel. En effet cette vision diffère des poètes lyriques ou élégiaques car « Colloque sentimental « reflète toute l’ampleur symboliste et rappelle Baudelaire…

 

« COLLOQUE SENTIMENTAL COLLOQUE SENTIMENT AL Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux spectres ont évoqué le passé.

- Te souvient-il de notre extase ancienne? - Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne? - Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom? Toujours vois-tu mon ame en rêve?- Non.

- Ah ! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches! -C'est possible.

- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir! - L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel nmr.

Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles.. »

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